4 juillet 2023
Cour d'appel de Poitiers
RG n° 22/01034

2ème Chambre

Texte de la décision

ARRET N°325

CP/KP

N° RG 22/01034 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GQ3A













Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES



C/



[W] VEUVE [X]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01034 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GQ3A



Décision déférée à la Cour : jugement du 24 janvier 2022 rendu(e) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 11].





APPELANTE :



ETABLISSEMENT PUBLIC DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 10]

[Localité 1]



Ayant pour avocat plaidant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS.



INTIMEE :



Madame [F] [O] [M] [W] veuve [X]

née le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 12]-DE-GESTINES

[Adresse 5]

[Localité 4]



Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :



Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller



qui en ont délibéré



GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,



ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE



- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




EXPOSÉ DU LITIGE :



A la suite de leur mariage le 20 octobre 1962, Madame [F] [W] et [Z] [X] ont procédé à une modification de leur régime matrimonial le 13 novembre 2015 afin de prévoir une clause de préciput au profit du conjoint survivant.



[Z] [X] est décédé le [Date décès 3] 2016, laissant pour lui succéder son épouse et leurs trois enfants issus du mariage.



Le 09 novembre 2016, Madame [W] a prélevé en toute propriété, à titre de préciput, la résidence principale du couple sise à [Adresse 7], leur résidence secondaire sise au [Adresse 6], ainsi que les meubles meublants garnissant chacun des deux biens immobiliers.



La déclaration de succession a été déposée le 22 novembre 2016, faisant notamment état d'un actif brut de succession de 2.698.831,38 euros et de droits de succession à hauteur de 491.016 euros au total.



Par courrier du 09 décembre 2019, l'administration fiscale a adressé à Madame [W] une proposition de rectification de la déclaration de succession de [Z] [X] aux fins de soumettre au droit de partage de 2,5% les prélèvements effectués au titre du préciput.



Par courrier du 29 janvier 2020, Madame [W] a contesté le redressement proposé.



Le 28 février 2020, la Direction régionale des finances publiques a adressé à Madame [W] un avis de mise en recouvrement des sommes de 42.804 euros au titre du droit proportionnel de partage, outre 4.280 euros au titre des intérêts de retard à compter du 1er décembre 2016, soit la somme totale de 47.084 euros.



Par lettre du 18 juin 2020, Madame [W] a fait assigner la Direction régionale des finances publique de Provence-Alpes- Cote d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône devant ce tribunal aux fins d'obtenir l'annulation de la décision de rejet du 04 août 2020 et le dégrèvement total des impositions mises à sa charge ainsi que des intérêts de retard.



Par jugement en date du 24 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Niort a statué ainsi :



- Annule la décision de rejet du 04 août 2020 de la réclamation de Mme [F] [W] veuve [X] à hauteur de la somme de 47.084 euros ;



- Rejette le surplus des demandes ;



- Condamne l'Administration des Finances publiques à payer à Mme [F] [W] veuve [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Condamne l'Administration des Finances publiques aux entiers dépens ;



- Autorise Me Jérôme Clerc, avocat, à recouvrer directement contre l'Administration des finances publiques ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provisions ;



- Rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.



Par déclaration en date du 22 avril 2022, la Direction régionale des finances publiques a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant Madame [W].



La Direction régionale des finances publiques, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 24 mai 2022, demande à la cour :



- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Niort en date du 24 janvier 2022 (RG n°20/01453) en ce qu'il :

- annule la décision de rejet du 4 août 2020 de la réclamation de Mme [F] [W] veuve [X] par le centre des Finances publiques de [Localité 11] ;

- prononce le dégrèvement total des impositions et des intérêts de retard mis à la charge de Mme [F] [W] veuve [X] à hauteur de la somme de 47 084 euros ;

- rejette le surplus des demandes ;

- condamne l'Administration des Finances publiques à payer à Mme [F] [W] veuve [X] la somme de 1 500 euros au titre de Particle 700 du code de procédure civile ;

- condamne l'Administration des Finances publiques aux entiers dépens ;

- autorise Maître Jérôme Clerc, avocat, à recouvrer directement contre l'Administration des Finances publiques ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provisions;

- rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Et statuant à nouveau :

- Confirmer le bien-fondé de la reprise des sommes en litige par l'administration ;

- Confirmer de ce fait la décision de rejet du 23 janvier 2020,

- Condamner la partie adverse aux entiers dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamner la partie adverse au versement d'une somme de 2 000 euros au profit de l'administration en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Madame [W], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 24 avril 2023, demande à la cour de :



Vu la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 et la loi n°2020-546 du 11 mai 2020,

Vu l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020,

Vu les articles 815 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 1387 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 1515 à 1519 du Code Civil,

Vu les articles 1387 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 635 et 746 du Code Général des Impôts,

Vu l'article 1397 du Code Civil,

Vu les articles L.132-12 et L.132-16 du Code des assurances,

Vu la jurisprudence,

Vu la doctrine administrative,

Vu les pièces,



- Déclarer la [Adresse 9] mal fondée en son appel et l'en débouter ;



- Débouter la [Adresse 9] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;



- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Niort du 24 janvier 2022 en ce qu'il a :

- Prononcé l'annulation de la décision de rejet du 4 août 2020 ;

- Prononcé le dégrèvement total du droit de partage et des intérêts de retard

réclamés à tort à hauteur de 47.084 euros ;

- Condamné l'administration au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.



- Condamner la [Adresse 8] à verser à Madame [F] [W], Veuve [X], une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;



- Condamner la [Adresse 8] aux dépens d'appel.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 mai 2023.




MOTIFS DE LA DÉCISION :



L'administration fiscale rappelle dans ses conclusions devant la cour que la doctrine administrative précise dans le BOI-ENR-PTG-10-10 que le droit de partage est exigible si les quatre conditions suivantes sont réunies :

- l'existence d'un acte ;

- l'existence d'une indivision entre les copartageants ;

- la justification de l'indivision ;

- l'existence d'une véritable opération de partage.



Le premier juge a estimé que si les trois premières conditions étaient réunies, tel n'était pas le cas de la quatrième. Il a notamment indiqué : 'le préciput a pour objet de permettre au conjoint survivant de prélever des biens communs avant tout partage, biens qui sont réputés lui avoir appartenu dès la dissolution de la communauté, et ce, sans que cette attribution ne s'impute sur ses droits dans le cadre d'un éventuel partage ultérieur. Les biens ainsi prélevés ne feront plus partie de la masse successorale à partager. L'exercice de la clause de préciput n'a donc qu'un fonction de prélèvement par le seul conjoint survivant et non l'allotissement entre plusieurs partageants'.



Pour critiquer le jugement dont appel, l'administration fiscale se prévaut d'un jugement du tribunal judiciaire de Rennes en date du 20 avril 2021 qui a appliqué la taxation fiscale concernant le partage, au préciput, en indiquant notamment : 'Peu importe que le préciput, qui fonctionne comme une clause d'attribution préférentielle, s'exerce avant tout partage, puisqu'en réalité, il a les effets du partage en ce qu'il permet un transfert de propriété sur un bien qui ne composait pas le patrimoine du bénéficiaire et qui ne lui est dévolue qu'en raison du décès ouvrant les opérations de partage (...) La déclaration de succession mentionne l'exercice du droit de préciput, les biens sur lesquels la bénéficiaire a exercé cette clause ont été déduits de la masse de communauté.'



Il se trouve que le premier juge a repris à la lettre la motivation susvisée - tendant à dire que la clause de préciput n'a pas les effets du partage - dans un jugement ultérieur du tribunal judiciaire de Niort en date du 22 mars 2022 allant dans le même sens qu'un jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 4 avril 2022.



Les jugements du tribunal judiciaire de Rennes en date du 20 avril 2021, de Niort en date du 22 mars 2022 et de Lille en date du 4 avril 2022, ont fait l'objet d'une note de doctrine intitulée 'Préciput et droit de partage : un couple illégitime' (Defrénois n° 29-33 du 21 juillet 2022) qui approuve l'analyse retenue par les juges niortais et lillois et critique celle du tribunal de Rennes qui considère que la déclaration de succession équivaut à un acte de partage. Selon les auteurs de cette note en effet, la déclaration de succession est qualifiée par la Cour de cassation de document purement fiscal dénué d'incidence sur le plan civil. Ils en déduisent qu'aucun acte établi consécutivement à l'exercice du préciput n'a les attributs d'un acte de partage.



La cour ne saurait pas mieux dire.



C'est de façon justifiée que le premier juge a jugé qu'il n'existait pas une véritable opération de partage ouvrant droit à taxation supplémentaire.



Le jugement déféré sera confirmé.



La Direction régionale des finances publiques qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamnée à payer à Mme [F] [W] veuve [X] la somme de 3.000 euros de ce chef.



PAR CES MOTIFS:

La Cour,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Déboute la Direction régionale des finances publiques de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la Direction régionale des finances publiques à payer à Mme [F] [W] veuve [X] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Rejette toute demande plus ample ou contraire,



LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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