5 juillet 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.193

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00790

Texte de la décision

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 juillet 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 790 F-D

Pourvoi n° W 22-11.193


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de [J] [P] [K].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation en date du
18 novembre 2021.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 JUILLET 2023

M. [E] [J] [P] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 22-11.193 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Unédic, délégation AGS CGEA Ile-de-France Est, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société JSA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Diviminho,

3°/ à la société Diviminho, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [J] [P] [K], après débats en l'audience publique du 7 juin 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2021), M. [J] [P] [K] a été engagé en qualité de charpentier coffreur le 4 juillet 2014 par la société Diviminho France, par contrat de chantier.

2. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale le 11 mai 2015 de demandes en paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

3. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par jugement du 16 novembre 2016, convertie ultérieurement en liquidation judiciaire et clôturée par jugement du 1er décembre 2021 pour insuffisance d'actif. Par ordonnance du 25 janvier 2022, la société JSA a été désignée comme mandataire ad hoc.

4. L'Unédic, délégation AG CGEA Ile-de-France Est, est intervenue à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'indemnité de repos compensateur et de limiter à certaines sommes le montant de sa créance à inscrire au passif de la société à titre d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, alors « qu'un salarié a droit au paiement des heures de travail rendues nécessaires par la nature ou l'ampleur des tâches qui lui sont confiées ; qu'en l'espèce, M. [J] [P] [K], qui sollicitait la confirmation du jugement, était réputé s'en être approprié les motifs aux termes lesquels ''le salarié, qui justifie avoir été logé par l'employeur dans un appartement lui appartenant, et transporté de ce logement jusqu'au lieu de travail, est bien fondé à revendiquer les heures au cours desquelles il s'est tenu à sa disposition, et qui correspondent, très a minima, comme il le réclame, à 22 heures par semaine'' ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 3171-4 et L. 3121-22 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Il résulte de ce texte que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, outre congés payés afférents, et en compensation du temps de repos non pris, l'arrêt retient, après avoir constaté que le salarié démontrait avoir accompli un certain nombre d'heures supplémentaires revendiquées par lui, qu'il ne justifiait pas que ces heures supplémentaires, effectuées sur un chantier en dehors de l'entreprise, aient été autorisées, fût-ce implicitement, par l'employeur.

8. En se déterminant ainsi, alors que le salarié sollicitait la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes qui avait constaté que celui-ci justifiait avoir été logé par l'employeur, dans un logement appartenant à ce dernier, et transporté de ce logement jusqu'au lieu de travail, et en avait déduit qu'il était fondé à revendiquer les heures au cours desquelles il s'était tenu à la disposition de cet employeur, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les heures de travail accomplies par le salarié, dont elle avait retenu la réalité, avaient été rendues nécessaires par les tâches qui lui avaient été confiées, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de fixation au passif de la société d'une créance de salaires impayés pour l'année 2014, pour janvier 2016 et d'une créance au titre des congés payés, alors « qu'il appartient à l'employeur de prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande au titre des salaires impayés, la cour d'appel a retenu que ''ces demandes qui ne reposent sur aucune explication, ni ne sont étayées par l'indication d'aucun document seront rejetées'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il incombait à l'employeur de prouver qu'il avait effectivement payé au salarié l'intégralité de ses salaires et qu'aucun solde à ce titre ne lui était dû, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve du paiement effectif du salaire sur le seul salarié, a violé l'article 1315 du code civil, [dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016]. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

10. Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

11. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de créances de salaires impayés pour l'année 2014, janvier 2016 et pour trois autres mois ainsi que d'une créance au titre des congés payés, l'arrêt retient que ces demandes ne reposent sur aucune explication, ni ne sont étayées par l'indication d'aucun document.

12. En statuant ainsi, alors qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [J] [P] [K] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour repos compensateur non pris, d'un solde de salaire au titre de l'année 2014, de janvier 2015 et 2016, outre congés payés afférents, et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société JSA, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Diviminho et l'Unédic, délégation AGS CGEA Île-de-France Est, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Unédic, délégation AGS CGEA Île-de-France Est, à payer à la SCP Krivine & Viaud la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille vingt-trois.

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