28 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.759

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00474

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 juin 2023




Cassation partielle et rectification d'erreur matérielle de l'arrêt attaqué


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 474 F-D

Pourvoi n° Z 22-10.759




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 JUIN 2023

1°/ la société Sissi Perla, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ la société Auberstar, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Z 22-10.759 contre l'arrêt n° RG 18/08615 rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant à la société KSGB Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Palladium, défenderesse à la cassation.

La société KSGB Europe a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Sissi Perla et Auberstar, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société KSGB Europe, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 novembre 2021), la société Palladium, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société KSGB Europe (la société KSGB), a déposé le 12 février 2003, auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI), un modèle n° 03 0904-004 de chaussures, commercialisé sous la dénomination « Baggy », de type baskets montantes en toile.

2. Elle a également déposé auprès de l'INPI, le 1er août 2003, la marque semi-figurative « Palladium » sous le numéro 03 3 239 720 pour des « vêtements et chaussures ».

3. Soutenant que les sociétés Sissi Perla et Auberstar commercialisaient des modèles de chaussures reproduisant les caractéristiques de son modèle n° 03 0904-004, avec l'apposition des logos « Palmbeach » et « Yangbokai » contrefaisant la marque « Palladium », la société KSGB les a assignées en contrefaçon de modèle et de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.

Sur la demande de rectification d'une erreur matérielle

Vu l'article 462 du code de procédure civile :

4. A la suite d'une simple erreur matérielle, que la Cour de cassation est en mesure de rectifier au vu des autres énonciations de l'arrêt et des productions, l'arrêt attaqué, dans son dispositif, condamne les sociétés Sissi Perla et Auberstar à payer à la société KSGB la somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon du modèle n° 03 0904-004, cependant que la cour d'appel avait, dans ses motifs, évalué sans ambiguïté ce préjudice à la somme de 32 000 euros.

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, de ce pourvoi

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Sissi Perla et Auberstar font grief à l'arrêt de dire qu'elles se sont rendues coupables de contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 appartenant à la société KSGB, en conséquence de prononcer des mesures d'interdiction, de les condamner in solidum à payer à la société KSGB une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 et une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, et d'ordonner la publication judiciaire de l'arrêt, alors « que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; que le risque de confusion doit s'apprécier globalement par référence au contenu des enregistrements de marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d'exploitation des marques ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la marque Palladium n° 03 3 239 720 se décrivait, sur le plan visuel, par sa composition de neuf lettres, sa structure du logo en forme de losange et sa typographie ; que pour retenir une contrefaçon de la marque "Palladium" n° 03 3 239 720 par le signe "Yangbokai", la cour d'appel a néanmoins estimé que lorsque le signe Yangbokai est observé d'une distance supérieure à 20 cm, comme c'est le cas des chaussures, qu'elles soient portées ou disposées sur les rayonnages ou dans la vitrine d'un magasin, ou encore représentées sur un site internet de vente, une similitude apparaît entre les inscriptions Palladium et Yangbokai, dont il convient de relever qu'elles sont toutes deux en relief et formées d'une sorte de caoutchouc posé sur un socle de la même couleur" ; qu'en se référant ainsi à une similitude des inscriptions quant à leur relief, à leur formation en caoutchouc et à leur socle, autant d'éléments qui ne figuraient pas sur la marque n° 03 3 239 720 telle qu'elle a été enregistrée, mais qui se référaient aux conditions d'exploitation, la cour d'appel a violé les articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 :

7. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'est interdit, sauf autorisation du propriétaire, l'usage d'une marque imitée, pour des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, et que l'atteinte ainsi portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon.

8. Le risque de confusion entre les deux signes doit s'apprécier globalement, par référence au contenu de l'enregistrement de la marque, sans tenir compte des conditions de son exploitation.

9. Pour retenir la contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 par le signe « Yangbokai », l'arrêt, après avoir constaté que les signes ne présentaient aucune ressemblance aux plans phonétique et conceptuel, estime qu'au plan visuel, lorsqu'ils sont observés à une distance supérieure à 20 cm, une similitude apparaît entre les inscriptions « Palladium » et « Yangbokai », dont il relève qu'elles sont toutes deux en relief et formées d'une sorte de caoutchouc posé sur un socle de la même couleur, puis procède à la comparaison de chacune des séquences de lettre, pour en déduire une impression visuelle très proche qui, ajoutée à la typogaphie caractéristique de la marque « Palladium », suscite un risque de confusion dans l'esprit du consommateur.

10. En statuant ainsi, au regard des conditions d'exploitation de la marque apposée sur les produits tels qu'ils sont commercialisés et non à celui de la marque semi-figurative telle qu'enregistrée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Les sociétés Sissi Perla et Auberstar font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société KSGB une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme et d'ordonner la publication judiciaire de l'arrêt, alors « que la concurrence déloyale et le parasitisme ne peuvent pas être retenus sur le fondement d'actes déjà sanctionnés au titre de la contrefaçon ; qu'en l'espèce, pour juger que les sociétés Sissi Perla et Auberstar avaient commis des actes de parasitisme, la cour d'appel s'est bornée à retenir que ces sociétés s'étaient placées dans le sillage de la société KSGB et avaient profité de la forte visibilité du modèle Baggy pour vendre leurs propres produits en bénéficiant de l'image de marque du produit copié, ainsi que des investissements de la société KSGB et de la notoriété de la marque Palladium ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser d'actes distincts de ceux déjà sanctionnés au titre des contrefaçons de modèle et de marque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. La société KSGB conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il ne peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation dès lors que les sociétés Sissi Perla et Auberstar n'ont pas prétendu, devant la cour d'appel, que les demandes présentées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ne reposaient pas sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon de modèle et de marque.

13. Cependant, ce moyen, qui invoque un vice qui ne pouvait être décelé avant que l'arrêt ne soit rendu, n'est pas susceptible d'être argué de nouveauté.

14. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

15. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

16. Pour condamner les sociétés Sissi Perla et Auberstar pour concurrence déloyale et parasitisme, l'arrêt retient qu'elles se sont inscrites dans le sillage de la société KSGB pour tirer profit de ses investissements, ainsi que de l'image de marque du produit copié et de la notoriété de la marque Palladium, sans bourse délier. Il ajoute que le préjudice causé à la société KSGB résulte du fait qu'elles se sont immiscées dans le sillage de cette dernière et ont profité de ses investissements, de sa réputation et de l'attractivité de ses chaussures auprès de la clientèle et se sont positionnées comme des concurrentes directes de la société KSGB.

17. En se déterminant ainsi, sans caractériser d'actes distincts de ceux qu'elle retenait par ailleurs au titre de la contrefaçon du modèle déposé et de la marque « Palladium », la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

18. Aucune mesure d'interdiction d'usage du signe « Yangbokai » n'étant prononcée, la cassation des chefs de dispositif disant que les sociétés Sissi Perla et Auberstar se sont rendues coupables de contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 en commercialisant des chaussures sous le signe « Yangbokai » n'atteint pas les chefs de dispositif relatifs aux autres mesures d'interdiction, prononcées en réparation de la contrefaçon de modèle et de la contrefaçon de la marque « Palladium » par le signe « Palmbeach ».

19. En revanche, elle atteint le chef de préjudice condamnant les sociétés Sissi Perla et Auberstar à payer une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon de la marque « Palladium » n° 03 3 239 720 par les logos « Palmbeach » et « Yangbokai ».

20. Cette cassation, ainsi que celle du chef de dispositif condamnant ces sociétés à payer une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, entraînent également la cassation de la mesure de publication ordonnée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

RECTIFIE l'arrêt n° RG 18/08615 rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Lyon et dit que, dans son dispositif, au lieu de lire :

« condamne in solidum les sociétés Sissi Perla et Auberstar à payer à la société KSGB Europe :
- [...]
- une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon du modèle n° 03 0904-004
- [...] »,

il faut lire :

« condamne in solidum les sociétés Sissi Perla et Auberstar à payer à la société KSGB Europe :
- [...]
- une provision de 32 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon du modèle n° 03 0904-004
- [...] » ;

DIT que le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rectifié ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme partiellement le jugement, en ce qu'il dit que la société Auberstar s'est rendue coupable de contrefaçon du modèle et de la marque « Palladium » par le signe « Palmbeach » et prononce à son encontre des mesures d'interdiction, sous astreinte, en ce qu'il condamne in solidum les sociétés Sissi Perla et Auberstar à payer une provision de 10 000 euros à valoir sur le préjudice résultant des faits de contrefaçon de modèle et en ce qu'il rejette les autres demandes des parties.

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société KSGB Europe aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.

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