28 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-13.689

Première chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2023:C100513

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTIONS PRIORITAIRES
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 28 juin 2023




RENVOI


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 513 FS-D

Pourvoi n° E 23-13.689



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 JUIN 2023

Par mémoire spécial présenté le 18 avril 2023, Mme [Z] [T], domiciliée [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° E 23-13.689 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans une instance l'opposant :

1°/ à M. [R] [T], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [X] [S], domicilié [Adresse 1],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], et l'avis écrit et oral de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Par un jugement du 12 mai 2010, confirmé le 10 mai 2011, la cession des parts sociales consentie à la société Volter par [G] et [R] [T] a été annulée et [G] [T] a été condamné à restituer une partie du prix de cession et à payer divers frais.

2. Le mandataire liquidateur de la société Volter a poursuivi le paiement des condamnations, dont [G] [T] s'est acquitté, sans lui restituer les parts sociales ou leur valeur consécutivement à l'annulation de la cession.

3. Le 1er février 2017, [G] et [R] [T] ont assigné M. [S], avocat qui les avait représentés dans les instances en nullité de la cession des parts sociales, en responsabilité et indemnisation au titre de son manquement à faire valoir la validité de la créance de restitution leur profitant et d'en assurer l'exécution lors de la procédure de liquidation judiciaire de la société Volter. [R] et [G] [T] sont décédés respectivement le 11 mai et le 13 décembre 2022.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble qui a déclaré prescrite l'action contre M. [S], Mme [T], agissant en qualité d'héritière de son père [G], a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ L'article 2225 du code civil est-il contraire à la Constitution en ce que, prévoyant comme point de départ de la prescription de l'action en responsabilité dirigée contre un auxiliaire de justice un événement objectif, en l'occurrence la fin de sa mission, sans considération de la connaissance effective par la victime des faits lui permettant d'exercer son action, il porte une atteinte excessive au droit à un recours effectif ? »
« 2°/ L'article 2225 du code civil est-il contraire à la Constitution en ce que, prévoyant un point de départ spécifique pour la prescription de l'action en responsabilité contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, il instaure une différence de traitement entre les victimes de fautes professionnelles commises par les auxiliaires de justice, selon que la faute reprochée résulte d'une mission d'assistance ou de représentation, ou d'une mission de consultation ou de rédaction d'acte – activités pour lesquelles l'action en responsabilité est soumise à l'article 2224 du code civil – de sorte qu'il porte une atteinte injustifiée au principe d'égalité ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

5. La disposition contestée est applicable au litige qui concerne la prescription de l'action en responsabilité formée contre un avocat au titre de manquements qui lui sont reprochés dans l'exécution de son mandat de représentation en justice.

6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. Les questions posées présentent un caractère sérieux. En effet, d'une part, l'article 2225 du code civil, en ce qu'il prévoit un point de départ fixe pour la prescription quinquennale de l'action en responsabilité dirigée contre la personne ayant représenté ou assisté les parties en justice, en l'occurrence la fin de sa mission, sans considération de la connaissance effective par la victime des faits lui permettant d'exercer son action, pourrait être de nature à porter une atteinte excessive au droit à un recours effectif. De surcroît, est susceptible d'être éteinte par l'effet de cette prescription une action dont les conditions d'exercice ne sont pas réunies.

8. D'autre part, en ce qu'il fixe le point de départ du délai de cinq ans pour agir contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice à la fin de leur mission alors que les autres activités exercées par ces personnes demeurent soumises à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil prévoyant un point de départ au jour où la personne a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir, l'article 2225 instaure une dualité de régime susceptible de porter atteinte au principe d'égalité devant la loi si cette différence n'est pas justifiée par une différence de situation ou par des motifs d'intérêt général ou si elle n'est pas en rapport avec l'objet de la loi.

9. En conséquence, il y a lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.