22 juin 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/11509

Chambre 1-6

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

N° 2023/284



N° RG 21/11509



N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4RC







STE MSC CRUISES SA





C/



[B] [T] épouse [F]

S.A.R.L. TRAVELSTEPS

Société HISCOX INSURANCE ESPANA

Société CPAM DU VAR

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-Me Philippe-Laurent SIDER



-Me Etienne DE VILLEPIN



- SCP MARTINE DESOMBRE & JULIEN DESOMBRE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 27 Mai 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/05333.



APPELANTE



STE MSC CRUISES

demeurant [Adresse 5] (SUISSE)



représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Camille DANG, avocat au barreau de PARIS, plaidant.



INTIMEES



Madame [B] [T] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 9] (ALGERIE) (99), .

demeurant [Adresse 1]



représentée et assistée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alexandra BEAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.



S.A.R.L. TRAVELSTEPS

demeurant [Adresse 3]



représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP MARTINE DESOMBRE & JULIEN DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Leïla FENNI, avocat au barreau de PARIS, plaidant.



Société HISCOX INSURANCE ESPANA

Société de droit Espagnol, prise en la personne de son représentant légal en exercice domiciliée en qualité au siège social,

demeurant [Adresse 8] (Espagne)



représentée par Me Martine DESOMBRE de la SCP MARTINE DESOMBRE & JULIEN DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Leïla FENNI, avocat au barreau de PARIS, plaidant.



CPAM DU VAR

Intervenant pour le compte de la CPAM des ALPES MARITIMES,

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 10]



Défaillante.

*-*-*-*-*



COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 10 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Anne VELLA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :



Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.



ARRÊT



Réputé contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023,



Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***























































Exposé des faits et de la procédure



Mme [B] [T] épouse [F] a réservé via internet et auprès de l'agence de voyages, la société Travelsteps une croisière pour la période du 30 mai au 6 juin 2016 au départ de [Localité 6], et organisée par la société MSC Cruises (Sté MSC) à bord du navire MSC Fantasia.



Au cours du séjour et le 3 juin 2016, Mme [F] a chuté. Le lendemain le médecin de bord qui suspectait une fracture de la tête humérale gauche l'a adressée au service orthopédique de l'hôpital [7] en Italie où la fracture a été confirmée.



Au terme d'un rapport d'expertise amiable et contradictoire du 25 juin 2018 les docteurs [K] et [O], mandatés par l'assureur de Mme [F] et par la société Travelsteps, ont notamment conclu à l'existence d'un déficit fonctionnel permanent de 8 % lié aux raideurs résiduelles du membre supérieur gauche.



Par actes des 17 et 27 septembre 2018 et 31 octobre 2018, Mme [F] a fait assigner la société Travelsteps (sté Travelsteps) et son assureur la société Hiscox Insurance Espana (sté Hiscox) devant le tribunal de grande instance de Grasse, pour voir reconnaître la responsabilité de l'agence de voyages et obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel et ce, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) des Alpes Maritimes.



Par acte du 7 mai 2019, la sté Travelsteps et la sté Hiscox ont dénoncé la procédure et assigné la société MSC Cruises en intervention forcée aux fins de la voir condamner à les relever et garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre.



Les procédures ont été jointes par ordonnance du 23 septembre 2019.



Par jugement du 27 mai 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire a :

- déclaré la sté Travelsteps responsable des dommages subis par Mme [F] à la suite de sa chute survenue le 3 juin 2016 à bord du navire MSC Fantasia sur lequel elle effectuait une croisière ;

- condamné in solidum la sté Travelsteps et la sté Hiscox à verser à Mme [F] la somme de 18'936,25€ en réparation de son entier préjudice corporel ;

- déclaré le jugement commun à la CPAM du Var intervenant pour le compte de la CPAM des Alpes Maritimes ;

- fixé la créance de la CPAM du Var à la somme de 1944,22€ ;

- déclaré la sté Travelsteps et la sté Hiscox recevables en leur recours exercé à l'encontre de la sté MSC ;

- condamné la sté MSC à relever et garantir la sté Travelsteps et la sté Hiscox des condamnations prononcées à leur encontre ;

- condamné in solidum la sté Travelsteps et la sté Hiscox à payer à Mme [F] une somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la sté Travelsteps et la sté Hiscox de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la sté MSC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la sté Travelsteps et la sté Hiscox d'une part et la sté MSC d'autre part in solidum aux entiers dépens avec distraction.



Le tribunal a considéré, sur le fondement de l'article L. 211-16 du code du tourisme, que l'agence de voyage qui a vendu un forfait touristique répond d'une responsabilité objective directe et autonome se traduisant par une obligation de résultat à l'égard du voyageur de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner le rôle du client, ou encore le caractère anormal du sol à l'origine de la chute. L'agence de voyage et son assureur n'invoquent ni force majeure ni l'intervention d'un tiers susceptible de nature à les exonérer de leur responsabilité.



Il a néanmoins rappelé les circonstances de la chute qui s'est produite selon attestation de Mme [X], alors que Mme [F] circulait sur un sol comportant une partie carrelage et une autre partie moquette, les deux étant séparées par un ruban de laiton. Mme [F] a déclaré avoir glissé sur la bordure de la moquette en quittant le restaurant du navire ou encore avoir trébuché sur une irrégularité du sol. Le lien entre la chute et les douleurs a été confirmé par le rapport médical.



L'agence de voyage a donc été déclarée responsable des dommages subis par Mme [F] et condamnée in solidum avec son assureur à indemniser la victime de son entier préjudice.



Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

- dépenses de santé actuelles : 1944,22€, pris en charge par l'organisme social,

- frais d'assistance à expertise : 2000€ en fonction d'un coût horaire de 16€,

- déficit fonctionnel temporaire sur une base mensuelle de 750€ : 2136,25€,

- souffrances endurées 3/7 : 4500€

- déficit fonctionnel permanent 8 % : 8800€ pour une femme âgée de 72 ans la consolidation,

- préjudice esthétique permanent 1/7 : 1500€.



La juridiction a débouté la sté MSC de sa demande tendant à établir que le litige relèverait de l'application des dispositions de la convention d'Athènes de 1974 relative au transport par mer des passagers et de leurs bagages limitant le droit d'agir à une période de deux ans à compter du débarquement du passager, cette convention, à la supposer applicable ne régissant que les contrats de transport maritime et non pas les croisières maritimes qui offrent d'autres services de transport et qui correspondent à un forfait touristique au sens de l'article L. 211-2 du code du tourisme. Dès lors il a été jugé que la sté Travelsteps et la sté Hiscox étaient soumises à la prescription quinquennale de droit commun qui n'était pas écoulée au jour où la sté MSC a été appelée en intervention forcée.



Le tribunal a considéré que l'expertise médicale amiable à laquelle la sté MSC a refusé de participer, car elle déniait d'emblée sa responsabilité, lui est opposable d'autant qu'il ne s'agit pas de la seule pièce versée pour justifier du préjudice corporel de la victime et qu'il a été versé régulièrement à la procédure.



La sté MSC qui a assuré la prestation relevant du forfait touristique au cours duquel Mme [F] a été victime d'une chute a été condamnée à relever et garantir la sté Travelsteps et la sté Hiscox des condamnations prononcées à leur encontre.



Par acte du 28 juillet 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la sté MSC a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle :

- a déclaré la sté Travelsteps et la sté Hiscox recevable en son recours exercé à son encontre ;

- l'a condamnée à relever et garantir la sté Travelsteps et la sté Hiscox des condamnations prononcées à leur encontre ;

- l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à supporter la charge des dépens avec la sté Travelsteps et la sté Hiscox.



La sté Travelsteps et la sté Hiscox ont formé appel incident.



Mme [F] a formé appel incident.



La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 avril 2023.



Prétentions et moyens des parties



En l'état de ses dernières conclusions d'appelante à titre principal signifiées le 28 mars 2023, la société MSC Cruises SA demande à la cour de :

' réformer le jugement dans les termes de son acte d'appel ;

statuant à nouveau

' juger irrecevable le recours de la sté Travelsteps et de la sté Hiscox à son encontre ;

' juger qu'elle n'a commis aucune faute ;

' débouter la sté Travelsteps et la sté Hiscox de leur recours formé à son encontre ;

' les débouter de l'intégralité de leur demande ;

' ordonner le remboursement des montants qu'elle leur a versés en exécution du jugement frappé d'appel ;

' condamner in solidum la sté Travelsteps et la sté Hiscox à lui verser la somme de 6000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Elle rappelle, sur le fondement de l'article L. 211-16 al 1er du code des transports, que la responsabilité de l'agent de voyage n'est pas une responsabilité automatique et le demandeur n'est pas dispensé de la démonstration d'une part du préjudice qu'il a subi, et d'autre part du lien de causalité. À cela s'ajoute que la faute de la victime ou la faute d'un tiers constitue des causes exonératoires pour l'agence de voyages. L'organisateur n'est pas responsable de tous les accidents survenus à bord ou pendant les activités et il ne saurait voir sa responsabilité automatiquement engagée.



Elle soutient que le recours formé par la sté Travelsteps et son assureur encourt la sanction dès lors qu'il était prescrit en application de la convention d'Athènes. En effet aux termes de l'article L. 211-16 du code du tourisme les limites de responsabilité des conventions internationales s'appliquent dans les rapports entre l'agence et l'organisateur. Le débarquement a eu lieu le 6 juin 2016, Mme [F] a introduit son action le 17 septembre 2018, et la sté Travelsteps a dénoncé la procédure en assignation forcée le 7 mai 2019 soit près de trois ans après le débarquement. La croisière à laquelle participait Mme [F] ne peut-être qualifiée de forfait touristique. En effet pour recevoir cette qualification et bénéficier du régime qui en découle la croisière doit prévoir en plus du transport et de l'hébergement maritime des locations de véhicules ou d'autres services touristiques comme des excursions et des transferts aériens ce qui n'était pas le cas en l'espèce. En outre la chute se serait produite à l'occasion d'un déplacement à bord et non pas à l'occasion d'un service particulier. Les circonstances de cette chute ne sont pas démontrées. Enfin et surtout, s'agissant d'un recours en garantie, peu importe la qualification de forfait touristique puisqu'elle importe vis-à-vis du voyageur mais pas dans le cadre d'un recours entre professionnels et le régime de responsabilité n'est pas le même. Ce recours ne peut être exercé que dans les limites des dédommagements prévus par les conventions internationales dans les rapports entre l'agence et son prestataire.



Si la cour ne devait pas considérer que le recours de l'agence à son encontre est prescrit, elle ne pourra que constater qu'il ne peut prospérer en l'absence de faute imputable au transporteur de la croisière qu'elle est. Par application de la jurisprudence de la Cour de cassation l'agence n'a de recours contre l'organisateur que si elle prouve une faute de celui-ci. Il s'agit d'une action en responsabilité contractuelle qui nécessite de rapporter la preuve de la faute de l'organisateur dans ses rapports avec l'agence et ce principe est régulièrement rappelé par la jurisprudence et non pas par quelques rares arrêts isolés. Le problème posé à la cour et celui du régime du recours en garantie et en l'espèce la sté Travelsteps et la sté Hiscox ne démontrent pas qu'elle aurait commis une faute qui lui serait imputable de sorte que le recours en garantie ne peut prospérer.



Elle conteste tant la réalité de la chute que les circonstances dans lesquelles elle serait intervenue. La version de Mme [F] n'a été corroborée par aucun élément objectif et c'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle avait refusé le principe de son indemnisation. Seule une attestation est versée aux débats mais son contenu ne permet pas de déterminer à quel endroit Mme [F] serait tombée, ni comment, ni ce qu'elle portait, et pas plus elle ne met en exergue une anomalie du tapis. L'attestation produite ne confirme pas le récit de Mme [F] qui déclare avoir effectué un 'vol plané'. La seule photographie produite ne permet pas d'en déterminer la provenance et elle ne peut suffire à établir qu'elle aurait commis une faute.



Si l'on devait considérer que Mme [F] a effectivement chuté, cela ne suffit pas à caractériser un comportement fautif. Le seul fait d'avoir encadré le tapis ne peut caractériser un comportement fautif, tout comme le fait d'avoir posé un tapis sur du carrelage.



Elle ajoute que les assureurs de Mme [F] et de l'agence de voyages ont décidé d'organiser des opérations d'expertise amiable sans l'inviter ni même l'en aviser. C'est la raison pour laquelle elle maintient que ce rapport d'expertise ne lui est pas opposable. Il n'est corroboré par aucun élément de preuve de sorte qu'il ne pouvait servir de fondement à son éventuelle condamnation. Si la sté Travelsteps a accepté de prendre en charge le sinistre sur la seule base des déclarations de Mme [F], cette décision lui appartient et elle doit en assumer les conséquences.



S'agissant de l'indemnisation du préjudice de Mme [F] elle fait valoir que :

- le besoin en aide humaine n'est pas démontré, et son coût a été largement majoré,

- le déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé sur une base journalière de 20€,

- le déficit fonctionnel permanent à hauteur de 8 % justifie l'allocation d'une somme de 8200€,

- les souffrances endurées chiffrées à 3/7, celle de 4000€,

- le préjudice esthétique permanent à 800€.



La demande en paiement de dommages-intérêts à son encontre sera rejetée car il n'y a rien d'outrancier à écrire que l'agence de voyage et son assureur ont pris le parti d'engager un processus d'indemnisation à l'encontre d'une victime, sans vérifier la réalité de l'accident de sorte qu'il lui revient d'assumer les conséquences de ce choix. De plus le droit de se défendre dans le cadre d'une action judiciaire est légitime et l'exercice de ce droit ne saurait être constitutif d'une faute et aucun abus de droit n'est caractérisé à son encontre.



En l'état de leurs dernières conclusions d'appel incident signifié le 11 avril 2023, la SARL Travelsteps et la société Hiscox insurance Espana demandent à la cour :

s'agissant de l'appel principal introduit par la sté MSC à leur encontre de :

' confirmer le jugement qui :

- a déclaré recevable leur recours exercé à l'encontre de la sté MSC,

- a condamné la sté MSC à les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre ;

' réformer le jugement qui :

- les a condamnés in solidum à payer à Mme [F] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qui les a déboutées de leurs demandes en paiement de sommes sur le même fondement,

- les a condamnés in solidum avec la sté MSC a supporté la charge des dépens et qui les a déboutées de leurs propres demandes au titre des dépens ;

statuant à nouveau

' condamner la sté MSC à les relever de la somme de 2000€ qu'elles ont été condamnées à verser à Mme [F] en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner la sté MSC ou toute partie succombant à leur verser la somme de 10'000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

' condamner la sté MSC ou tout succombant à supporter seul les dépens de première instance de Mme [F] ;

' condamner la sté MSC ou toute partie succombant aux dépens de première instance qu'elles ont exposée

s'agissant de l'action et des demandes de Mme [F] :

' réformer le jugement qui :

- a déclaré la sté Travelsteps responsable des dommages subis par Mme [F] à la suite de sa chute survenue le 3 juin 2016 à bord du navire MSC Fantasia sur lequel elle effectuait une croisière ;

- a condamné in solidum la sté Travelsteps et la sté Hiscox à verser à Mme [F] la somme de 18'936,25€ en réparation de son entier préjudice corporel ;

- a évalué le préjudice de Mme [F] à la somme de 18'936,25€,

- les a condamnées in solidum à payer à Mme [F] une somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a condamnées en partie aux dépens,

statuant à nouveau

' juger que les preuves d'un fait générateur et d'un lien de causalité entre ce fait générateur et le préjudice de Mme [F] ne sont pas rapportées par cette dernière ;

' juger que la responsabilité de plein droit de la sté Travelsteps ne saurait être engagée ;

' débouter en conséquence Mme [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre ;

sur les dommages intérêts, les frais irrépétibles et les dépens d'appel

' condamner la sté MSC à leur verser la somme de 20'000€ par application de l'article 1240 du Code civil, et 32-1 et 700 du code de procédure civile ;

' les condamner à leur verser la somme de 10'000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel pour le cas où la cour ne ferait pas droit à leur demande de dommages-intérêts fondée sur les articles 1240 du code civil et 32-1 et 700 du code de procédure civile ;

' débouter la sté MSC ainsi que tout autre succombant de leur demande fondée à leur encontre sur l'article 700 du code de procédure civile, et sur les dépens d'appel ;

' condamner la sté MSC aux entiers dépens distraits au profit de son conseil.



Elles concluent à la confirmation du jugement qui les a déclarées recevables en leur recours exercé à l'encontre de la sté MSC en la condamnant à les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre. Ce recours est expressément prévu par l'article L. 211-16 du code du tourisme dans sa version applicable à l'époque des faits et elles ne sont pas prescrites. Les dispositions de la convention d'Athènes ne sont applicables en France que depuis le 11 mai 2017. En outre cette convention s'applique au contrat de transport maritime de personnes, aux relations entre le passager et le transporteur, mais aucunement au contrat de croisières maritimes qui combinent non seulement le transport maritime mais également le logement et les prestations de services. Il ne s'agit plus alors d'un simple contrat de transport mais d'un forfait touristique qui n'a pas pour seul objet le déplacement de la personne. Les dispositions de la convention d'Athènes ne sont pas applicables et le délai de prescription biennale invoqué par la sté MSC n'est pas applicable. Il en résulte que l'action qu'elles ont engagée est soumise à la prescription de droit commun.



Contrairement à ce que soutient la sté MSC, les croisières maritimes qui offrent d'autres services touristiques que le transport seul correspondent à un forfait touristique au sens de l'article L. 211-2 du code du tourisme. En outre, la sté MSC ne peut détacher la prestation de transport des autres prestations du forfait touristique. En effet la Cour de cassation refuse l'éclatement des prestations comprises à l'intérieur d'un forfait.



Elles contestent que le recours qu'elles exercent à l'encontre de la sté MSC puisse être examiné sur le régime de la responsabilité contractuelle. En effet la doctrine récente souligne que l'agence de voyages distributrice est bien le mandataire du tour-opérateur qu'elle représente lorsqu'elle vend un voyage en sa qualité de distributeur et le recours qu'exerce l'agence de voyages contre l'organisateur de la croisière est donc bien fondée sur le mandat et sur la subrogation légale et donc et par application de l'article 2000 du code civil le mandant a l'obligation d'indemniser le mandataire des pertes résultant de sa gestion et donc des dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée sans faute et sans qu'elle ait à démontrer la faute du tour opérateur. Elles ajoutent que quoi qu'il en soit l'agence de voyages distributrice est subrogée dans les droits du voyageur qu'elle a indemnisé puisque ce voyageur peut indifféremment se retourner contre l'agent ou le tour-opérateur en application de l'article L. 211-16 du code du tourisme et ce sans avoir besoin de démontrer une faute du tour-opérateur. En l'espèce, le tour-opérateur est lui-même le prestataire qui se trouve être à la fois le croisiériste et le propriétaire du bateau sur lequel l'accident est survenu.



En tout état de cause en admettant que la responsabilité de la sté MSC supposerait la démonstration d'une faute et si la juridiction devait considérer que Mme [F] établit l'existence d'un fait générateur en lien avec l'accident, ce fait générateur constituerait nécessairement une faute incombant à la sté MSC qui est à la fois croisiériste et propriétaire du bateau chargé de l'entretien et du bon fonctionnement de ces équipements et elle devra donc relever et garantir la sté Travelsteps dans un tel cas de figure.



Elles considèrent que le rapport d'expertise du 25 juin 2018 est opposable à la sté MSC au visa de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point de droit et alors qu'il a été soumis à la discussion contradictoire des parties et corroboré par d'autres éléments de preuve. En l'espèce le rapport d'expertise amiable du 25 juin 2018 est étayé par l'ensemble des pièces du dossier médical qui ont été communiquées. Elles ajoutent que depuis le début la sté MSC a adopté une position de refus d'intervention dans le dossier de contestation systématique.



Elles sollicitent l'infirmation du jugement s'agissant de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.



Elles demandent à la cour de réformer le jugement qui a déclaré la sté Travelsteps responsable des dommages subis par Mme [F] en la condamnant à l'indemniser de son entier préjudice corporel. En effet le régime de responsabilité de plein droit ne dispense en aucun cas le créancier de l'obligation de caractériser le fait générateur et de démontrer son rôle causal dans la survenance du dommage. Le régime de responsabilité de l'article L. 211-16 du code du tourisme implique que pour obtenir la réparation du préjudice invoqué, la victime rapporte la preuve du fait matériel à l'origine de son dommage, la preuve que l'organisateur du forfait touristique n'a pas exécuté l'obligation qui était à sa charge ou qu'il l'a mal exécutée ainsi que le lien de causalité certain et direct entre son préjudice et l'organisation du voyage et les prestations offertes par l'agence de voyages. En l'espèce on ne sait pas ce qui a causé ou provoqué la chute de Mme [F]. Dans son attestation Mme [X] se contente de décrire l'endroit sans en indiquer la cause, s'il s'agit du carrelage, de la moquette ou encore du ruban de laiton, et lequel de ces éléments a été la cause de la chute ou encore si chacun présentait une anomalie ou une anormalité ou une spécificité particulière susceptible d'expliquer la chute. Cette chute n'a eu d'autre cause que la propre inattention ou maladresse de Mme [F]. Les photographies produites qui ne sont pas datées ne mettent absolument pas en évidence d'anomalie. Le témoin n'indique pas que le ruban de laiton aurait été surélevé ou que le sol aurait présenté un caractère anormal.



À titre subsidiaire et sur l'indemnisation des préjudices, elles sollicitent la minoration des montants sollicités en chiffrant les postes de préjudice de la façon suivante :

- assistance par tierce personne : 1500€

- déficit fonctionnel temporaire : 1948€

- déficit fonctionnel permanent : 8200€

- souffrances endurées : 4000€

- préjudice esthétique permanent : 1000€.



Elles demandent à la cour de condamner la sté MSC au paiement de dommages-intérêts.

En l'état de ses dernières conclusions d'appel incident signifiées le 21 décembre 2022, Mme [B] [T] épouse [F] demande à la cour d'appel de :

' confirmer le jugement qui a déclaré la sté Travelsteps et la sté Hiscox responsable et tenues des dommages qu'elle a subis à la suite de la chute dont elle a été victime le 4 juin 2016 alors qu'elle se trouvait sur le bateau MSC Fantasia ;

' statuer ce que de droit sur la garantie de la sté MSC ;

' réformer le jugement au titre de son indemnisation et liquider ses préjudices de la façon suivante :

- assistance par tierce personne du 4 juin 2016 au 19 août 2016 : 1232€

- assistance par tierce personne du 20 août 2016 au 12 décembre 2016 : 768€

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 4 juin 2016 au 19 août 2016 et sur une base mensuelle de 750 : 962,50€

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 20 août 2016 au 12 décembre 2016 : 718,75€

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 10 % du 13 décembre 2016 au 12 juin 2017 : 455€

- déficit fonctionnel permanent : 12'000€

- souffrances endurées 3/7 : 5300€

- préjudice esthétique permanent 1/7 : 1500€,

et donc la somme de 22'936,25€,

' condamner tout succombant à lui verser la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Elle fait valoir que la sté Travelsteps qui est une agence de voyage qui se livre à des opérations consistant en l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs, régies par les articles du code du tourisme est soumise au régime de la responsabilité de plein droit prévu par l'article L. 211-16 de ce code. Il est acquis aux débats qu'elle a acheté auprès de cette agence de voyages un séjour de type croisière sur le bateau MSC Fantasia pour une durée de huit jours, ce séjour comprenant la mise à disposition d'une cabine, la pension complète, et les divertissements. Il s'agit bien d'un forfait touristique.



La seule façon pour les professionnels du tourisme de s'exonérer de leur responsabilité consiste à rapporter la preuve que le dommage est imputable au voyageur ou un tiers. Or en l'espèce la preuve de sa faute n'est pas rapportée. Elle a trébuché sur une bordure saillante de la moquette à la sortie du restaurant comme en a attesté Mme [X], témoin de sa chute. Une séparation de sol saillante sur un navire sujet à roulis et tangage constitue un risque de chute prévisible qui aurait pu être évité et qui répond ainsi aux restrictions envisagées par la Cour de cassation au titre de la responsabilité de plein droit du croisiériste aux termes d'un arrêt rendu le 17 février 2021 sous le numéro de pourvoi 19-18819. Dès lors la sté Travelsteps doit être déclarée responsable des conséquences de l'accident dont elle a été victime le 4 juin 2016. Cette chute a été immédiatement signalée au personnel du bateau et constatée par le médecin de bord.



Elle considère que le rapport d'expertise amiable est opposable à la sté MSC qui a disposé de toute latitude pour examiner les éléments médicaux versés aux débats et qui au surplus était parfaitement informée de sa chute puisque le médecin de bord a rédigé un rapport sur un papier à en-tête de la MSC Cruises. Elle ajoute que plusieurs documents médicaux sont versés aux débats venant corroborer ce rapport d'expertise.



Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice dans les termes visés au dispositif de ses conclusions.







La CPAM du Var, assignée par la sté MSC, par acte d'huissier du 10 décembre 2021, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.



Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 17 avril 2023 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 1944,22€, correspondant en totalité à des prestations en nature.



L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.




Motifs de la décision



Sur la responsabilité de l'agence de voyages



L'article L. 211-16 du code de du tourisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009, applicable aux faits de la cause prévoit que toute personne qui se livre ou apporte son concours aux opérations consistant en l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs est responsable de plein droit de l'exécution des obligations résultant du contrat conclu avec l'acheteur mais peut toutefois s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit un cas de force majeure.



Si ces dispositions légales instaurent une responsabilité de plein droit de l'exécution des obligations résultant du contrat conclu avec l'acheteur, encore faut-il que la chute révèle une inexécution par le professionnel des services prévus à ce contrat.



Contrairement à ce qu'elle soutient la sté MSC qui a organisé non le seul transport des passagers mais la totalité des opérations composant la croisière, en ce compris l'ensemble des services touristiques complémentaires offerts à ce titre et qui sont énoncés dans la brochure relative au programme et au détail de la croisière achetée par Mme [F], lui a vendu un forfait touristique.



Sur la réalité de la chute



La réalité d'une chute dont Mme [F] a souffert à bord du bateau 'fantasia' n'apparaît pas sérieusement contestable puisqu'en pièce 1 de son dossier elle produit le rapport médical du médecin de bord établi à l'en-tête de la MSC qui a écrit qu'elle est tombée hier - fortes douleurs à l'humérus gauche- suspicion de fracture de l'humérus gauche - nous l'envoyons en orthopédie pour diagnostic et traitement. Nous demandons à la passagère si elle est apte à poursuivre la croisière.



Sur les circonstances de la chute



Pour bénéficier de l'application de l'article L.211-16 du code du tourisme, qui prévoit une responsabilité de plein droit de l'agent de voyage ou de l'organisateur de la croisière dans l'exécution des obligations résultant du contrat conclu avec l'acheteur, Mme [F] doit démontrer que l'un ou l'autre a failli dans l'exécution des services prévus au contrat.









Dans son attestation établie le 2 août 2016, Mme [X] a écrit : nous étions côte à côte lorsque j'ai vu Mme [F] tombé lourdement sur le sol. Je n'ai rien pu faire pour la retenir. Son mari qui marchait derrière nous s'est précipité, il s'est agenouillé lui a relevé la tête, et l'a réconforté. Elle avait très mal à son bras. Elle était bien incapable de se relever tellement elle souffrait. Les secours sont arrivés et l'ont prise en charge. J'ai regardé le sol pour essayer de comprendre ' À l'endroit même où Mme [F] a chuté il y avait un côté tapis et un côté carrelage, séparé par un ruban de laiton. Elle était en plein dedans.



Une photo supposée être celle du lieu de l'accident qui n'est pas datée, et dont rien n'atteste qu'elle a été prise du lieu de l'accident au moment où il s'est produit, est communiquée en pièce 11 du dossier de Mme [F]. En admettant qu'il s'agisse de l'endroit où elle a chuté, si on peut voir un ruban de laiton c'est entre deux parties de carrelage au niveau semble-t-il d'une huisserie. Plus avant sur le cliché, il y a effectivement une partie moquette qui paraît délimiter un espace, prolongée par une partie carrelage, ce qui rejoint les éléments contenus dans l'attestation délivrée par Mme [X].



En revanche, dans cette attestation qui ne pose qu'un constat, rien ne permet de dire en quoi l'agent de voyage ou le croisiériste aurait failli à l'exécution des services à laquelle ils étaient tenus. En effet il n'est allégué d'aucune défectuosité de la moquette telle qu'une encoche dans laquelle Mme [F] aurait pu se prendre le pied, d'aucun dénivelé entre la partie moquette et la partie carrelage, d'aucune altération, aspérité ou caractère anormalement glissant de ce carrelage. Dans ces conditions la chute peut trouver son origine dans un déséquilibre de Mme [F] et sans intervention d'un élément extérieur.



Par conséquent, Mme [F] est déboutée de sa demande tendant à voir engager la responsabilité de la sté Travelsteps de son assureur la sté Hiscox.



Dès lors l'analyse des rapports entre ces deux sociétés et la société MSC dans la prise en charge pécuniaire des conséquences de la chute est sans objet.



Le jugement est réformé.



Sur la demande de dommages et intérêts



L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si le demandeur a agi avec intention de nuire, légèreté blâmable ou a commis une erreur équivalente au dol, tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce. Il n'apparaît pas en l'espèce que la sté MSC Cruises se soit se soit méprise sur l'étendue de ses droits ; la demande des stés Travelsteps et Hiscox en dommages et intérêts pour procédure abusive doit, dès lors, être rejetée.



Sur les demandes annexes



Mme [F] qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel. L'équité ne commande pas de lui allouer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité ne justifie pas de condamner la sté MSC Cruises à payer aux sociétés Travelsteps et Hiscox une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et devant la cour.



Ce principe ne justifie pas de condamner les stés Travelsteps et Hiscox à payer à la société MSC Cruises, une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et devant la cour.



Par ces motifs



La Cour,



- Infirme le jugement dans l'intégralité de ses dispositions,



Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,



- Dit que Mme [F] ne rapporte pas la preuve de l'inexécution par le professionnel des services prévus au contrat ;



- Déboute Mme [F] de toutes ses demandes ;



- Déboute la société Travelsteps et la société Hiscox insurance Espana de leur demande en paiement de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de la société MSC Cruises SA ;



- Déboute la société Travelsteps et la société Hiscox insurance Espana de leur demande en paiement de somme fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et dirigée contre la société MSC Cruises SA ;



- Déboute la société MSC Cruises SA de sa demande en paiement de somme fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et dirigée contre la société Travelsteps et la société Hiscox insurance Espana ;



- Condamne Mme [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.



LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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