21 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-22.004

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C100511

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



CF


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 21 juin 2023




NON-LIEU A RENVOI


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 511 F-D

Pourvoi n° X 22-22.004



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023

Par mémoire spécial présenté le 24 mars 2023, la société BPCE Lease Immo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° X 22-22.004 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans une instance l'opposant :

1°/ à la société BPCE Lease Immo, anciennement dénommée Natixis Lease Immo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [Adresse 2],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BPCE Lease Immo, et l'avis écrit de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

1. A l'occasion du pourvoi formé par l'agent judiciaire de l'Etat contre l'arrêt (Paris, 28 juin 2022) le condamnant, sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, à payer à la société BPCE Lease Immo, anciennement dénommée Natixis Lease Immo, une certaine somme à titre de dommages-intérêts, celle-ci, par mémoire distinct et motivé, a demandé le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'interprétation constante conférée aux dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire par la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué, porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de responsabilité et aux droits des victimes d'actes fautifs découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? ».

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

2. La disposition contestée prévoyant que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice est applicable au litige.

3. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

4. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

5. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux. En effet, la faculté d'agir en responsabilité, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, peut être aménagée par le législateur pour un motif d'intérêt général et limitée à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (Cons. Constit., 5 juillet 2019, décision n° 2019-795 QPC).

6. Si la Cour de cassation déduit de manière constante de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire que l'inaptitude du service public à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué (1re Civ., 6 mai 2003, pourvoi n° 01-02.543, Bull. 2003, I, n° 105 ; 1re Civ., 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-23.288, Bull. 2011, I, n° 165), cette exigence ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des personnes concernées dès lors, d'une part, que l'action fondée sur ce texte n'a pas pour objet de se substituer aux voies de recours existantes et d'allouer une réparation que leur exercice aurait pu permettre d'obtenir, d'autre part, que le dommage n'est pas certain avant l'épuisement de ces voies de recours et, enfin, qu'elle tend à assurer le bon fonctionnement du service de la justice.

7. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.

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