21 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-84.384

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00811

Titres et sommaires

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Détention provisoire - Demande de mise en liberté - Rejet - Motifs - Insuffisance du contrôle judiciaire pour atteindre les objectifs mentionnés à l'article 144 du code de procédure pénale - Juges ayant déjà statué sur une demande de mise en liberté - Atteinte au principe d'impartialité (non)

Les juges saisis d'une demande de mise en liberté déposée en application de l'article 148-2 du code de procédure pénale se déterminent au regard des seuls critères énoncé par l'article 144 du même code. Ne méconnaît pas le principe d'impartialité la cour d'appel dont les membres, qui ont antérieurement statué sur la demande de mise en liberté du prévenu, n'ont à cette occasion manifesté aucune opinion sur la culpabilité de ce dernier

Texte de la décision

N° B 22-84.384 F-B

N° 00811


SL2
21 JUIN 2023


REJET


M. BONNAL président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 JUIN 2023



M. [U] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 5 juillet 2022, qui, pour, infractions à la législation sur les stupéfiants et détention de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive, et refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement et une confiscation.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [U] [K], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le procureur de la République a poursuivi M. [U] [K] des chefs susvisés selon la procédure de comparution immédiate, en énonçant que les faits avaient été commis le 25 février 2022.

3. Par jugement du 5 avril 2022, le tribunal correctionnel, considérant que c'est par une simple erreur matérielle que l'acte de poursuite avait visé la date du 25 février, les faits ayant en réalité été commis entre le 24 et le 25 février 2022, a rectifié en conséquence la date des faits, reconnu le prévenu coupable, et l'a condamné à six ans d'emprisonnement, outre une peine complémentaire de confiscation.

4. Le tribunal a ordonné le maintien en détention de M. [K].

5. Ce dernier a relevé appel et le ministère public a formé appel incident.

6. Le 6 avril 2022, M. [K] a déposé une demande de mise en liberté ; cette demande a été rejetée par arrêt du 1er juin 2022.

Examen des moyens

Sur le second moyen


7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi présentée par M. [K], alors « que ne peuvent être regardés comme impartiaux pour statuer sur l'appel d'une décision de condamnation au soutien duquel est invoquée l'impossibilité pour les juges du siège de modifier, sous couvert de rectifier une erreur matérielle, la date de la prévention retenue par le parquet, les magistrats qui ont rejeté ce même moyen dans le cadre du contentieux de la détention provisoire ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [K] faisait valoir que les magistrats qui avaient statué sur ses demandes de mise en liberté, au soutien desquelles était soulevé le moyen tiré de ce que les juges du siège ne pouvaient modifier la date de la prévention fixée par l'acte de saisine, et avaient rejeté ce moyen, ne pouvaient statuer sur le fond de l'appel, dans le cadre duquel était soulevé le même moyen ; qu'en rejetant néanmoins la demande de renvoi au motif qu' « en répondant à l'argumentation de la défense comme elle était tenu de la faire, la Cour ne s'est aucunement prononcée sur le fond et n'a pas préjugé de la culpabilité du prévenu », considération impropre à caractériser l'impartialité des magistrats appelés à statuer, dans le cadre du contentieux de fond, sur un moyen qu'ils avaient rejeté dans le cadre du contentieux de la détention, la Cour d'appel a violé les articles 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article 148-1 du code de procédure pénale, la mise en liberté peut être demandée en tout état de cause par toute personne mise en examen, tout prévenu ou accusé, et en toute période de la procédure. Lorsqu'une juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la détention provisoire.

10. Il résulte de ces dispositions que les mêmes juges peuvent être appelés à statuer sur la demande de mise en liberté d'un prévenu qui a relevé appel d'un jugement qui l'a placé ou maintenu en détention, avant de le juger en appel. Cette situation n'est pas contraire à l'exigence d'impartialité énoncée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit que les juges appelés à prononcer sur la culpabilité d'un accusé ou d'un prévenu aient auparavant pris position sur celle-ci.

11. En effet, comme cela a été jugé en matière criminelle (Crim., 14 avril 2021, pourvoi n° 21-80.865, publié au Bulletin), la cour d'appel qui statue sur une demande de mise en liberté déposée dans ces circonstances se détermine au regard des seuls critères énoncés par l'article 144 du code de procédure pénale, sans avoir à se référer aux indices ou aux charges relevés contre l'intéressé, qui ont été appréciés par la décision de condamnation prononcée par le tribunal correctionnel.

12. De même, les juges n'ont pas, à ce stade, à répondre au moyen du prévenu qui critique le fond de la décision qu'il conteste.

13. En l'espèce, le demandeur a sollicité le renvoi afin d'obtenir le remplacement des magistrats de la cour, pour défaut d'impartialité, en faisant valoir que deux des juges ayant eu à connaître de sa demande de mise en liberté avaient, au soutien de la décision de rejet de cette demande, énoncé que le tribunal ne méconnaît pas les limites de sa saisine en rectifiant une simple erreur matérielle quant à la date de l'infraction et que l'argumentation relative à l'atteinte à la séparation des autorités de poursuite et de jugement était inopérante au cas considéré.

14. Pour rejeter la demande de renvoi, l'arrêt attaqué retient que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur le fond et n'a pas préjugé de la culpabilité du prévenu et qu'il convient, dans le souci d'une bonne administration de la justice, d'assurer le jugement du prévenu dans un délai raisonnable.

15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief du moyen.

16. En effet, les deux juges qui ont statué sur sa demande de mise en liberté le 1er juin 2022 n'ayant pas, à cette occasion, manifesté une opinion sur la culpabilité du demandeur, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté sa demande de renvoi.

17. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-et-un juin deux mille vingt-trois.

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