21 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.150

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00742

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 juin 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 742 F-D

Pourvoi n° Y 21-21.150




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 JUIN 2023

Mme [R] [Y], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-21.150 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à la société Technip France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [Y], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Technip France, après débats en l'audience publique du 24 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 juin 2021), Mme [Y] a été engagée en qualité de télexiste le 9 mars 1981 par la société SNPE chimie Expansion. Son contrat de travail a été transféré à la société Krebs-Speichim, à compter du 1er avril 1998, puis à la société Technip France (l'employeur) à compter du 1er avril 2001.

2. Les relations contractuelles sont régies par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 23 mai 2016, afin, notamment, d'obtenir, pour l'avenir, le rétablissement de l'application de l'article 31 de la convention collective dite Syntec et le versement effectif de la prime de vacances et, pour la période passée, des rappels de primes de vacances ainsi que des dommages-intérêts pour inexécution fautive de la convention collective applicable.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5.La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement de rappel de primes de vacances pour les années 2014 à 2017 et à compter de l'année 2018, ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'accord collectif et de la convention collective, alors « que, lorsque le treizième mois constitue, non une prime, mais une modalité de paiement du salaire, son versement ne saurait valoir prime de vacances, au sens de l'article 31 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 ; qu'en l'espèce, l'article 4.2. de l'accord d'entreprise sur l'harmonisation des statuts collectifs chez Technip France du 1er juillet 2004 - intitulé ‘'modalité de versement de la rémunération annuelle'‘ - dispose que ‘' les modalités de versement de la rémunération annuelle brute chez Technip France sont les suivantes, selon les règles en vigueur à la date de signature du présent accord. Pour les cadres jusqu'au coefficient 190 inclus et les techniciens et agents de maîtrise : la rémunération annuelle brute est répartie sur 13 mois. Le 13e mois est versé en quatre parties égales avec les salaires de mars, juin, septembre et décembre'‘ ; que, pour dire que le treizième mois versé à Mme [Y] correspondait à la prime conventionnelle de vacances, la cour d'appel a retenu qu'il est versé partiellement au mois de juin de chaque année, que ‘'le montant des primes de vacances, constituées par le quart du 13e mois, versées à l'ensemble des salariés était supérieur à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés de l'ensemble des salariés'‘ ; qu'elle a ajouté que, ‘'le contrat de travail de Mme [Y] ne prévoyant pas de 13e mois, elle ne peut pas se prévaloir d'une rémunération fixe contractuelle de 13 mois'‘ et que ‘'l'accord du 1er juillet 2004 prévoit (…) que le versement effectué en juin représente la prime de vacances'‘ ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait, d'une part, que l'article 2 de l'accord d'entreprise sur l'harmonisation des statuts collectifs du 14 décembre 1998 prévoyait que ‘'les non-cadres percevraient une rémunération annuelle brute versée selon les modalités suivantes : salaire mensuel de base multiplié par 12 et un 13e mois versé pour moitié au 30 juin et pour l'autre au 30 novembre de chaque année'‘, d'autre part, que l'accord d'entreprise sur l'harmonisation des statuts collectifs chez Technip France du 1er juillet 2004 dispose qu' ‘'à compter du 1er juillet 2004, la rémunération annuelle des techniciens, agents de maîtrise et cadres non annualisés (jusqu'au coefficient 190 inclus) sera désormais payée sur 13 mois'‘, ce dont il résultait que le treizième mois versé à la salariée, nonobstant l'absence de stipulation contractuelle particulière et sa qualification conventionnelle de prime de vacances, constituait une modalité de paiement de son salaire et ne pouvait, en conséquence, valoir prime de vacances au sens de l'article 31 précité, la cour d'appel a violé ce texte. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 et l'article 4.2. de l'accord d'entreprise sur l'harmonisation des statuts collectifs chez Technip France du 1er juillet 2004 :

6. Aux termes du premier de ces textes, l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévues par la convention collective de l'ensemble des salariés. Toutes primes ou gratifications versées au cours de l'année, à divers titres et quelle qu'en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 % prévus et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

7. Il en résulte que lorsque le treizième mois constitue, non une prime, mais une modalité de paiement du salaire, son versement ne saurait valoir prime de vacances, au sens de l'article 31 précité.

8. Selon le second de ces textes, les modalités de versement de la rémunération annuelle brute chez Technip France sont les suivantes selon les règles en vigueur à la date de la signature du présent accord : pour les cadres jusqu'au coefficient 190 inclus et les techniciens et agents de maîtrise : la rémunération annuelle brute est répartie sur 13 mois. Le 13ème mois est versé en quatre parties égales avec les salaires de mars, juin, septembre et décembre. Le versement effectué en juin représente la prime de vacances.

9. Pour débouter la salariée de ses demandes en paiement de rappel de primes de vacances, l'arrêt constate que l'accord d'entreprise sur l'harmonisation des statuts collectifs chez Technip France du 1er juillet 2004 prévoit une rémunération annuelle brute répartie sur treize mois, mais aussi que le versement effectué en juin représente la prime de vacances. Il énonce que si la prime de vacances ne peut pas se confondre avec un élément permanent de la rémunération de base, il n'est pas exclu que les partenaires sociaux puissent expressément convenir que la rémunération globale inclut la prime de vacances. Il en déduit que c'est sans violer les dispositions de la convention collective, que l'accord du 1er juillet 2004 a réservé à la partie du treizième mois versée au mois de juin la nature de prime de vacances.

10. L'arrêt ajoute que sur l'ensemble des bulletins de paie communiqués par la salariée, figure chaque année, sur le bulletin de paie du mois de juin, le paiement d'une prime de vacances correspondant à un quart du salaire de base. Il constate que l'employeur communique un tableau, dont la sincérité n'est pas discutée, dont il résulte que le montant des primes de vacances, constituées par le quart du treizième mois, versées à l'ensemble des salariés était supérieur à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés de l'ensemble des salariés. Il en déduit que l'employeur a respecté ses obligations au regard des dispositions de l'article 31 de la convention collective.

11. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salaire annuel brut était payé treize mois dans l'année, ce dont il résultait que le treizième mois constituait une modalité de paiement du salaire et ne pouvait valoir prime de vacances au sens de l'article 31 de la convention collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen emporte cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif déboutant la salariée de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour inexécution fautive par l'employeur de la convention collective applicable, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

13. En revanche, elle ne s'étend pas aux chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et financier résultant du positionnement à un coefficient inférieur à celui auquel elle prétendait être rattachée dès le 1er janvier 1999.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Y] de ses demandes tendant à ordonner à la société Technip France de rétablir l'application de l'article 31 de la convention collective dite Syntec et à obtenir le paiement de rappels de primes de vacances pour les années 2014 à 2021 ainsi que de dommages-intérêts pour inexécution fautive de la convention collective applicable, en ce qu'il la déboute de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens, l'arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Technip France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Technip France et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.