15 juin 2023
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 22/00474

2EME PROTECTION SOCIALE

Texte de la décision

ARRET

N° 598





CPAM DE [Localité 4]





C/



[R]













COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 15 JUIN 2023



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N° RG 22/00474 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IKXF - N° registre 1ère instance : 21/00146



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS (Pôle Social) EN DATE DU 31 décembre 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





La CPAM DE [Localité 4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]







Représentée et plaidant par Mme Stéphanie PELMARD dûment mandatée







ET :





INTIMEE





Madame [X] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]







Comparante en personne

















DEBATS :



A l'audience publique du 23 Mars 2023 devant Mme Véronique CORNILLE, Conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme Véronique CORNILLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:



Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,



qui en ont délibéré conformément à la loi.





PRONONCE :



Le 15 Juin 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffier.



*

* *



DECISION



Le 31 juillet 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (ci-après la CPAM) a établi une déclaration d'accident de travail pour un fait accidentel survenu le 30 juillet 2020 à 16h02 à sa salariée, Mme [X] [R], alors qu'elle exerçait son activité en télétravail.



Par décision du 30 novembre 2020, après enquête, la CPAM a refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.



Saisi par Mme [R] d'un recours contre la décision du 1er avril 2021 de la commission de recours amiable de la CPAM ayant rejeté sa contestation du refus de prise en charge de l'accident, le tribunal judiciaire de Beauvais, pôle social, par jugement rendu le 31 décembre 2021, a :



- dit que l'accident dont Mme [X] [R] a été victime le 30 juillet 2020 doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle,

- condamné la CPAM de [Localité 4] aux dépens de l'instance.



Par courrier recommandé expédié le 1er février 2022, la CPAM de [Localité 4] a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifié le 4 janvier 2022.



Les parties ont été convoquées à l'audience du 23 mars 2023.



Par conclusions visées par le greffe le 23 mars 2023 soutenues à l'audience, la CPAM de [Localité 4] demande à la cour de :


- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a refusé de prendre en charge l'accident du 30 juillet 2020 déclaré par Mme [R] au titre de la législation professionnelle,

- débouter Mme [R] de ses demandes, fins et conclusions.



Elle fait valoir qu'il résulte de l'article L. 1222-9 dernier alinéa du code du travail, qu'en matière de télétravail, la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale a vocation à s'appliquer uniquement pendant l'exercice de l'activité professionnelle et que le télétravailleur ne bénéficie pas de la notion extensive du temps et lieu de travail retenue par la jurisprudence de la Cour de cassation ; qu'en effet, le salarié travaillant à domicile échappe à la subordination de son employeur en dehors de l'exercice de l'activité salariée ; que Mme [R] ayant déclaré que son accident était survenu à 16h02 en remontant les escaliers après avoir effectué son pointage de fin de journée à 16h01, elle ne se trouvait pas dans les plages horaires du télétravail et n'était donc plus sous la subordination de son employeur ; que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la conception extensive du temps de travail ne pouvait s'appliquer et la présomption d'imputabilité devait être écartée.



Mme [R] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.



Elle expose qu'elle est agent de la CPAM depuis 20 ans ; que le 30 juillet 2020, elle était à son poste à son domicile dans le cadre du télétravail mis en place à la demande de son employeur du fait de la crise sanitaire ; qu'à cet effet, elle a aménagé un bureau dans son sous-sol dont l'accès se fait par un escalier ; que ses horaires de travail étaient ce jour-là de 7h30 à 12h22 et de 12h53 à 16h01 ; qu'à 16h02, elle est tombée dans l'escalier et s'est fracturée le coude droit, se blessant également aux membres supérieurs.



Elle fait valoir sa bonne foi puisqu'elle a informé très rapidement son employeur de sa chute en indiquant qu'elle s'était déconnectée à 16h01. Elle observe que son accident aurait été pris en charge si elle n'avait pas été en télétravail et que celui-ci est survenu dans la minute qui a suivi la fin de sa journée de travail.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens.




MOTIFS



Aux termes de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.



Ces dispositions instaurent une présomption d'imputabilité au travail de l'accident survenu au temps du travail et au lieu de travail.



A défaut de présomption d'imputabilité, il appartient à la victime d'apporter la preuve par tous moyens de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel, les seules affirmations de la victime non corroborées par des éléments objectifs étant insuffisantes (Cass. Soc 8 juin 1995, n° 93-17671. Cass 2ème civ. 7 avril 2011, n° 09-1708).



S'agissant du télétravail, l'article L. 1222-9 III du code du travail dispose : 'III. Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise. L'employeur qui refuse d'accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d'organisation en télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, motive sa réponse.

Le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail.

L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.'



En l'espèce, la déclaration d'accident du travail établie le 31 juillet 2020 par l'employeur mentionne que le 30 juillet 2020 à 16h02, Mme [R] a été victime d'un accident à son domicile dans les circonstances suivantes : ' la victime remontait les escaliers de son sous-sol aménagé en bureau dans le cadre du télétravail lorsqu'elle est tombée. Chute dans les escaliers, de plein pieds'. Il est indiqué que l'employeur a été prévenu le jour même de l'accident à 17h33 et que les horaires de travail de Mme [R] étaient ce jour-là de 7h30 à 12h22 et de 12h53 à 16h01. Il est précisé 'siège des lésions : coude droit/membre supérieur', 'nature des lésions : fracture/ lésions apparente saignement', 'victime transportée à la polyclinique de [Localité 3]'.



Le certificat médical initial faisant état d'une 'fracture olécrane coude droit' est en date du 2 août 2020 mais comme le souligne Mme [R] qui en justifie, elle a été hospitalisée du 30 juillet 2020 à 17h50 au 2 août 2020 à 14h01.



Il se déduit de ces éléments que la chute accidentelle a eu lieu alors que Mme [R] avait terminé sa journée de travail. Il n'est pas contesté que le temps de travail correspond au temps 'badgé', que Mme [R] avait effectué son pointage de fin de journée (déconnexion) à 16h01 et qu'elle n'était plus sous la subordination de son employeur.



Dès lors que l'accident s'est produit en dehors de l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur, la présomption d'imputabilité de l'accident au travail ne peut s'appliquer aux termes des dispositions de l'article L. 1222-9 III du code du travail prévues en matière de télétravail.



A défaut de présomption d'imputabilité, il appartient à la victime d'apporter la preuve de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel.



Or cette preuve ne peut résulter des seules déclarations de Mme [R] qui affirme avoir chuté dans l'escalier à 16h02 après avoir quitté son poste de télétravail.



Il est en effet justifié uniquement de l'information de l'employeur à 17h33 et de l'hospitalisation à 17h50. La jurisprudence relative à la conception extensive du temps de travail lorsqu'il n'y a pas de doute sur le lien étroit entre le fait accidentel et le travail n'est donc pas transposable.



Par conséquent, la demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 30 juillet 2020 ne peut qu'être rejetée.



Le jugement sera infirmé.



Les dépens seront à la charge de Mme [R], partie succombante, en application de l'article 696 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,



Infirme le jugement rendu le 31 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Beauvais, pôle social,



Statuant à nouveau,



Déboute Mme [X] [R] de sa demande de prise en charge de l'accident du 30 juillet 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels,



Condamne Mme [X] [R] aux dépens.





Le Greffier, Le Président,

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