15 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.376

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300440

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 440 F-D

Pourvoi n° U 22-13.376




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023

La société Safimmo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-13.376 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Nexity Studea, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Nexity Studea a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Safimmo, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Nexity Studea, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 janvier 2022), le 5 novembre 2009, la société Safimmo (la bailleresse), propriétaire de studios, situés dans une résidence universitaire, donnés à bail commercial à la société Lamy résidences, lui a délivré un congé valant refus de renouvellement du bail sans offre d'indemnité d'éviction à effet au 30 juin 2010.

2. La société Lamy résidences, aux droits de laquelle est venue la société Nexity Studea (la locataire) a assigné la bailleresse en contestation du congé et en paiement d'une indemnité d'éviction.

3. Un arrêt du 30 juin 2015, devenu irrévocable, après avoir écarté l'existence de motifs graves et légitimes de refus du renouvellement, a ordonné une expertise aux fins d'évaluation de l'indemnité d'éviction.

4. L'expert a déposé son rapport le 10 octobre 2016.

5. Le 31 décembre 2018, la locataire a quitté les lieux.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable
Enoncé du moyen

7. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité d'éviction et ses demandes d'indemnités annexes, alors « que le preneur, sauf condition expresse figurant au bail, n'est pas tenu, lorsque le renouvellement du bail lui a été refusé, de rester dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ; que la cour d'appel constate qu'il a été définitivement jugé que la société Nexity Studea avait droit à une indemnité d'éviction, à raison du congé délivré par le bailleur le 5 novembre 2009 à effet du 1er juillet 2010 ; qu'en privant néanmoins la société Nexity Studea de tout droit à indemnité d'éviction pour la raison qu'elle avait pris la décision de quitter les lieux le 31 décembre 2018, avant toute décision sur une indemnisation d'éviction, et qu'il en résultait l'absence de preuve d'un préjudice spécifique résultant du départ des lieux, directement imputable au congé, la cour d'appel a violé les articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce :

8. Selon le premier de ces textes, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail commercial doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants du code précité, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

9. Selon le second, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

10. Il résulte de ces textes que l'indemnisation du préjudice résultant du non renouvellement du bail, n'est pas subordonnée au maintien dans les lieux du preneur, qui, sauf condition expresse figurant dans le bail, n'est pas tenu, lorsque ce renouvellement lui a été refusé, de rester dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction.

11. Pour rejeter la demande de la locataire, l'arrêt relève d'abord, que, pour des motifs tenant à un choix de gestion, celle-ci a décidé librement de quitter les lieux, avant toute décision sur l'indemnisation de son éviction, en attente de laquelle elle bénéficiait du maintien dans les lieux.

12. Constatant ensuite que la locataire a libéré les locaux pris à bail à la même date que d'autres locaux qu'elle louait au sein de la même résidence et, retenant l'absence d'un préjudice lié au départ des lieux, directement imputable au congé, l'arrêt en déduit que le litige, concernant l'évaluation de l'indemnité d'éviction est sans objet.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.





Et sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

14. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande reconventionnelle au titre de l'indemnité d'occupation, alors :

« 1°/ que le preneur qui se maintient dans les lieux à l'expiration du bail dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction est tenu de payer au bailleur une indemnité d'occupation qui se substitue au loyer et qui doit correspondre à la valeur locative des lieux occupés, que le bailleur lui ait délivré congé avec ou sans offre de renouvellement et que ce dernier ait ou non commis une faute dans le cadre de la délivrance dudit congé ; qu'en retenant, pour juger que la société Safimmo n'était pas fondée à obtenir le paiement d'une somme supérieure au loyer qu'elle avait perçue conformément aux conditions du bail à titre d'indemnité d'occupation pour la période postérieure à l'expiration du bail, qu'elle s'était privée elle-même de la possibilité de relouer les locaux en refusant de renouveler le bail sans offre d'indemnité d'éviction, sans constater que le loyer contractuel correspondait à la valeur locative des biens occupés, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs inopérants a violé l'article L. 145-28 du code de commerce ;

2°/ qu'en retenant encore, pour juger que la société Safimmo n'était pas fondée à obtenir le paiement d'une somme supérieure au loyer qu'elle avait perçue conformément aux conditions du bail à titre d'indemnité d'occupation pour la période postérieure à l'expiration du bail, qu'en ayant délivré un congé sans offre de renouvellement, elle avait renoncé à solliciter un loyer supérieur dans le cadre d'un nouveau bail, comme elle aurait pu le faire si elle avait considéré que le loyer perçu dans le cadre du bail ancien était inférieur à la valeur locative, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a derechef violé l'article L. 145-28 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 145-28, alinéa 1er, du code de commerce :

15. Il résulte de ce texte que lorsque le locataire se maintient dans les lieux en attente du paiement de l'indemnité d'éviction, le bailleur peut prétendre dès la résiliation du bail, au paiement d'une indemnité d'occupation, distincte du loyer, qui, à défaut de convention contraire, correspond à la valeur locative des lieux déterminée selon les critères de l'article L.145-33 du code de commerce.

16. Pour rejeter la demande de la bailleresse tendant à la fixation d'une indemnité d'occupation selon la valeur locative, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, constate qu'elle a continué de percevoir le loyer aux conditions du bail expiré et retient qu'ayant refusé le renouvellement du bail, elle a renoncé à solliciter un loyer fixé à la valeur locative dans le cadre d'un nouveau bail et s'est privée de la possibilité de relouer les lieux à un loyer plus élevé.

17. En statuant ainsi, alors que la bailleresse pouvait prétendre au paiement par le locataire d'une indemnité calculée selon la valeur locative pour l'occupation du bien depuis la date d'expiration du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.