15 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-12.489

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C200638

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 638 F-D

Pourvoi n° E 22-12.489




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2023

1°/ M. [D] [S],

2°/ M. [B] [S],

3°/ [Z] [S],

4°/ [N] [S],

tous deux représentés par leurs représentants légaux, M. [D] [S] et Mme [H] [L], épouse [S],

tous quatre domiciliés [Adresse 2],

5°/ M. [K] [L],

6°/ Mme [W] [U], épouse [L],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° E 22-12.489 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 chambre 12), dans le litige les opposant :

1°/ au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à Mme [H] [L], épouse [S], domiciliée [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de MM. [D] [S], [B] [S], [Z] [S], [N] [S], tous deux représentés par leurs représentants légaux, M. [D] [S] et Mme [H] [L], épouse [S], M. et Mme [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2021), Mme [S] se trouvait dans le magasin Hypercasher de Vincennes, le 9 janvier 2015, lorsqu'un terroriste s'y est introduit. Elle s'est réfugiée au sous-sol de l'établissement, dans l'une des chambres froides, jusqu'à sa libération, plusieurs heures plus tard, par les services de police.

2. Après avoir reçu des provisions du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), Mme [S], d'une part, M. [D] [S], son époux, M. [B] [S], son fils, [Z] et [N] [S] représentés par M. et Mme [S], ses fils mineurs, M. et Mme [L], ses père et mère, (les consorts [V]), l'ont assigné aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les consorts [V] font grief à l'arrêt de les dire irrecevables en leurs demandes, alors « qu'il résulte des dispositions des articles L. 126-1, L. 422-1 et L. 422-2 du code des assurances que toute victime, directe ou par ricochet, d'actes de terrorisme commis sur le territoire national est recevable à demander au FGTI l'indemnisation des dommages résultant de l'atteinte à sa personne ; que ces textes n'excluent donc pas l'indemnisation par le FGTI du préjudice personnellement subi par les proches de la victime directe, même non décédée, d'un acte de terrorisme ; qu'en affirmant, pour juger irrecevables leurs demandes, que « les personnes recevables à réclamer'indemnisation de leurs préjudices sont (…) d'une part les victimes directes de l'acte de terrorisme, d'autre part leurs ayants droit » et que par suite « les préjudices subis par les proches de la victime directe non décédée ne sont pas indemnisés par le FGTI, leur qualité d'ayant droit faisant défaut », cependant que les textes précités n'excluent pas l'indemnisation par le FGTI du préjudice personnellement subi par les proches de la victime directe, même non décédée, d'un acte de terrorisme, la cour d'appel a violé les articles L. 126-1, L. 422-1 et L. 422-2 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 126-1, L. 422-1 et L. 422-2 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Selon le premier de ces textes, les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du code précité.

5. Selon le deuxième, pour l'application de l'article L. 126-1 de ce même code, la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne est assurée par l'intermédiaire du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

6. Selon le troisième, le Fonds de garantie est tenu, dans le délai d'un mois à compter de la demande qui lui est faite, de verser une ou plusieurs provisions à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ou, en cas de décès de la victime, à ses ayants droit sans préjudice du droit pour ces victimes de saisir le juge des référés.


7. Il résulte de ces textes que n'est pas exclue, lorsque la victime directe d'un acte de terrorisme a survécu, l'indemnisation du préjudice personnel de ses proches selon les règles du droit commun (2e Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n° 21-24.424 ; 2e Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n° 21-24.425 ; 2e Civ., 27 octobre 2022, pourvoi n° 21-24.426, publiés).

8. Pour dire les consorts [V] irrecevables en leurs demandes d'indemnisation, l'arrêt énonce que les préjudices subis par les proches de la victime directe non décédée ne sont pas indemnisés par le FGTI, leur qualité d'ayants droit faisant défaut.

9.. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit irrecevables en leurs demandes M. [D] [S], M. [B] [S], [Z] [S] et [N] [S] représentés par M. [D] [S] et Mme [S], M. [K] [L] et Mme [W] [L], l'arrêt rendu le 4 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et le condamne à payer à M. [D] [S], M. [B] [S], [Z] [S] et [N] [S] représentés par M. [D] [S] et Mme [S], M. [K] [L] et Mme [W] [L] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-trois.

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