13 juin 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/17143

Chambre 4-8

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2023



N°2023/571













Rôle N° RG 21/17143 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIP5N







S.A.S.P. [4]





C/



URSSAF [Localité 6]

































Copie exécutoire délivrée

le : 13/06/2023

à :



- Me Marine MONGES, avocat au barreau de MARSEILLE



- URSSAF [Localité 5]

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de NICE en date du 30 Juin 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 16/00449.





APPELANTE



S.A.S.P. [4], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Marine MONGES de la SARL GAROE, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE



URSSAF [Localité 6], demeurant [Adresse 2]



représentée par Mme [O] [M] en vertu d'un pouvoir spécial













*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.





Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :



Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller







Greffier lors des débats : Madame Séverine HOUSSARD.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023.







ARRÊT



contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2023





Signé par Madame Audrey BOITAUD-DERIEUX, Conseiller, pour Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre régulièrement empêchée et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






















































Faits, procédure, prétentions et moyens des parties



A l'issue d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 6] (ci-après désignée URSSAF), la société anonyme sportive professionnelle (SASP) [4], a été destinataire d'une lettre d'observations du 10 octobre 2013 faisant état de plusieurs chefs de redressement.



Après échange d'observations ayant conduit à une minoration de certains points de redressement, une mise en demeure a été notifiée le 17 décembre 2013 à la société cotisante, lui enjoignant de régler la somme de 154.585 euros, soit 132.563 euros de cotisations sociales et 22.022 euros de majorations de retard.



La société a saisi le 14 janvier 2014 la commission de recours amiable de l'organisme de sécurité sociale en contestation des chefs de redressement n°8, 9 et 10.



Par décision du 27 novembre 2014 notifiée le 21 décembre 2015, la commission de recours amiable a rejeté partiellement le recours, annulant le point n°9 et maintenant les points n° 8 et 10 de la lettre d'observations.



Par lettre du 24 février 2016, la société a porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes maritimes.



Par jugement en date du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire de Nice ayant repris l'instance, a notamment :



- rejeté la contestation et débouté la société [3] de ses demandes,

- dit que la mise en demeure en date du 17 décembre 2013 a été valablement délivrée pour la somme de 154.585 euros,

- condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 66.910,00 euros dont 45.669,00 euros de cotisations et 21.241,00 euros de majorations de retard, outre majorations de retard restant à courir jusqu'à parfait paiement sur les cotisations dues en principal,

- débouté la société de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société aux dépens.



Par déclaration au greffe de la cour expédiée le 21 juillet 2020, la société a interjeté appel à l'encontre de ce jugement dans ses dispositions précitées, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées .



En l'absence de diligences des parties, une ordonnance de radiation est intervenue le 13 janvier 2021.



L'affaire a été rétablie au rôle sur demande de l'appelante parvenue à la cour le 23 novembre 2021.



Par conclusions visées et développées oralement à l'audience des débats du 28 mars 2023, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et de :



- annuler le redressement opéré en son point n°10 de la lettre d'observations concernant la réintégration dans l'assiette des cotisations de la somme de 120.000 euros versée à M. [H] au titre d'indemnité transactionnelle, et annuler les majorations y afférant,

- condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.









Elle fait valoir essentiellement que :



- le contrat à durée déterminée de M. [H] n'a pas été rompu à l'initiative de l'employeur hors cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude conformément aux dispositions de l'article L. 1243-1 du code du travail mais d'un commun accord entre les parties en date du 30 juin 2008, sachant qu'il est d'usage dans le domaine du football professionnel de recourir à une rupture anticipée de contrat à durée déterminée lorsque le joueur est transféré vers un autre club professionnel,

- l'article L. 1243-4 du code du travail n'est donc pas applicable à l'espèce de sorte qu'elle n'avait pas à verser au salarié des dommages-intérêts équivalents aux salaires restant à courir jusqu'au terme du contrat à durée déterminée, lesquelles sommes ont en effet valeur de salaires selon une jurisprudence constante,

- la nature de dommages-intérêts de l'indemnité transactionnelle est clairement justifiée dans l'accord transactionnel conclu avec M. [H] et ne présente aucune ambiguïté,

- le litige est né d'un défaut homologation d'un avenant à son contrat, ayant entraîné un risque de sanction disciplinaire de la part de la ligue de Football en application des articles 255, 256 et 257 de la charte du football français, et M. [H] a évalué son préjudice, tant moral que professionnel, lié au risque de cette sanction disciplinaire à la somme de 300.000 euros et avait l'intention de diligenter une action devant les instances prud'homales,

- elle a consenti à lui verser la somme de 120.000 euros en réparation de ses préjudices tant matériel que moral en contrepartie d'une renonciation de ce dernier à toute contestation et à toute demande, instance et action à son encontre, ce qui démontre que l'indemnité transactionnelle versée à M. [H] a bien une nature indemnitaire et non salariale,

- en outre, cette indemnité de 120.000 euros est inférieure aux plafonds prévus par l'article 80 duodecies du code général des impôts.



Par conclusions visées et développées oralement à l'audience des débats du 28 mars 2023, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à lui payer une somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle soutient en substance que :



- les sommes accordées, même à titre transactionnel, en cas de rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée ne sont pas au nombre de celles limitativement énumérées par l'article 80 duodecies du code général des impôt auquel renvoie l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale,

- doivent être intégralement soumises à cotisations les indemnités de rupture anticipée de contrat de travail à durée déterminée, que la rupture soit à l'initiative de l'employeur ou d'un commun accord entre les parties,

- la jurisprudence citée par l'appelante ne concerne pas des cas de rupture anticipée de contrat de travail à durée déterminée,

- en l'espèce, les termes de la transaction ne vont pas dans le sens d'une qualification de dommages-intérêts des sommes versées,

- le fait que l'indemnité transactionnelle soit inférieure au plafond de deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par M. [H] au cours de l'année civile précédant la rupture du contrat de travail, soit l'année 2007, est sans incidence, puisque ce plafond concerne les indemnités de licenciement et non la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.






MOTIFS DE L'ARRÊT



À titre liminaire, la cour relève que demeure seule soumise à son appréciation la contestation portant sur le point n°10 de la lettre d'observations du 10 octobre 2013 : cotisations - rupture forcée du contrat de travail : rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée, relative à la seule rupture du contrat conclu entre la société et M. [V] [H], qui a donné lieu au versement d'une indemnité de 120.000,00 euros.



Aux termes de la lettre d'observations, les inspecteurs du recouvrement ont constaté à l'examen des dossiers des salariés que M. [V] [H], embauché sous contrat à durée déterminée, avait subi une rupture anticipée de son contrat au titre d'une faute grave, et que suite à ce licenciement, l'employeur a versé une indemnité transactionnelle.



Au rappel des termes de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 7 octobre 2010, dont il résulte que les sommes accordées, même à titre transactionnel, en cas de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée, doivent être incorporées à l'assiette des cotisations de sécurité sociale, et au visa des articles L.242-1 et L.136-2 du code de la sécurité sociale, et 14 de l'ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996, les inspecteurs du recouvrement ont procédé à la réintégration en brut de l'indemnité transactionnelle ainsi réglée.



La société soutient que la rupture du contrat de travail du joueur est intervenue d'un commun accord entre les parties, et qu'en conséquence, en application de l'article L.1243-1 du code du travail, les dispositions de l'article L.1243-4 n'ont pas matière à s'appliquer.



Dans sa version applicable, la rupture du contrat concerné étant intervenue en juin 2008, le premier de ces textes dispose :

« Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure. »



le second de ces textes prévoit :

« La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave ou de force majeure, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8. »



Il appartient à la société qui soutient que la rupture du contrat est intervenue d'un commun accord entre les parties de prouver ce fait.



Or, il résulte des termes de la transaction régularisée le 1er juin 2010 avec M. [H], que le contrat conclu avec ce dernier, le 29 août 2005 pour une durée de quatre saisons expirant à l'issue de la saison 2008-2009, a fait l'objet d'une rupture anticipée le 30 juin 2008 par accord intervenu entre les parties.



Il en résulte que c'est à tort que l'inspecteur du recouvrement a mentionné, pour asseoir le redressement opéré, que M. [H] avait subi une rupture anticipée de son contrat au titre d'une faute grave, alors qu'il s'agissait d'une rupture d'un commun accord des parties.



Dès lors, si en effet les sommes accordées, même à titre transactionnel, en cas de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée et dans la situation d'une transaction intervenue après un licenciement pour faute grave, ne sont pas au nombre de celles limitativement énumérées par l'article 80 duodecies du code général des impôts auquel renvoie l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tel n'est pas obligatoirement le cas de sommes versées à la suite de la rupture d'un commun accord entre les parties d'un contrat de travail à durée déterminée, à la condition que soit justifiée la nature purement indemnitaire des sommes versées.



Dans le cas d'espèce, le protocole de transaction précise qu'à la suite de la rupture d'un commun accord entre les parties, le salarié a réclamé d'autres sommes qu'il estimait dues au titre de l'engagement de garantie pour l'impôt sur les revenus du premier semestre 2008 d'une part au titre du solde d'indemnité de congés payés qui lui étaient dus d'autre part, réclamations auxquelles la société s'est opposée dans la mesure où elle estimait son ancien salarié définitivement rempli de ses droits. M. [H] en réplique a fait connaître qu'il avait l'intention de mettre en cause la responsabilité civile de la société en raison du risque de sanction disciplinaire qu'elle lui avait fait courir en assurant par l'homologation de l'annexe, faisant peser sur lui un risque d'amende et de sanction disciplinaire, constituant pour lui un préjudice tant moral que professionnel lié au risque de sanction disciplinaire à ce stade de sa carrière, préjudice évalué par lui à un montant de 300.000,00 euros. À cette réclamation, la société a accepté de verser une indemnité transactionnelle de 120.000,00 euros.



Il résulte ainsi des termes de la transaction que la somme versée a eu pour effet d'indemniser le joueur du préjudice résultant pour lui d'un risque de poursuite et de sanction disciplinaire.



Le caractère indemnitaire de cette somme est ainsi démontré.



Il s'ensuit que le redressement sur ce point n'est pas fondé et doit être annulé.



Le jugement qui a rejeté la contestation de la société de ce chef, a dit la mise en demeure valablement délivrée pour la somme de 154.585,00 et condamné la société à payer à l'URSSAF la somme de 66.910,00 euros sera par conséquent infirmé, la cour annulant le chef de redressement portant sur le point n°10 de la lettre d'observations du 10 octobre 2013 : cotisations - rupture forcée du contrat de travail : rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée, en l'occurrence le contrat conclu entre la société et M. [V] [H].



L'URSSAF qui succomba supportera la charge des dépens et verra sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles rejetée.



L'équité conduit à allouer à l'appelante une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



Infirme le jugement du 30 juin 2020 en ses dispositions soumises à la cour.



Statuant à nouveau,



Annule comme infondé le chef de redressement portant sur le point n°10 de la lettre d'observations du 10 octobre 2013 : cotisations - rupture forcée du contrat de travail : rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée, uniquement sur la situation afférant à la rupture du contrat conclu entre la société et M. [V] [H].



Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 6] aux dépens.



Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 6] à payer à la SASP [4] une somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Déboute l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 6] de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.





Le Greffier La Conseillère pour la Présidente empêchée

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