14 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.864

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00413

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Plan - Plan de cession - Réalisation - Cession d'un bien - Bien grevé d'une sûreté réelle - Droit de suite d'un créancier antérieur - Participation à la distribution de la quote-part du prix de vente

L'article L. 642-12, alinéa 1, du code de commerce, qui impose au tribunal qui arrête un plan de cession de déterminer la quote-part du prix de vente affecté aux biens grevés d'une sûreté réelle, a pour finalité de déterminer l'assiette du droit de préférence. Il ne déroge pas à l'ordre de paiement des créanciers. Il résulte de l'article R. 643-5 du code de commerce que le créancier d'un propriétaire antérieur qui a régulièrement fait connaître au liquidateur l'existence de son droit de suite participe à la distribution de cette quote-part au même titre que les créanciers de la procédure

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Redressement judiciaire - Plan - Plan de cession - Réalisation - Cession d'un bien - Quote-part du prix de vente affecté aux biens grevés d'une sûreté réelle - Dérogation à l'ordre de paiement des créanciers (non)

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 juin 2023




Cassation sans renvoi


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 413 FS-B

Pourvoi n° C 21-15.864




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 JUIN 2023

La société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [J] [N], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Sonia, a formé le pourvoi n° C 21-15.864 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Paulaner Brauerei Gruppe Gmbh & Ko Kgaa, dont le siège est [Adresse 2] (Allemagne), défenderesse à la cassation.

La société Paulaner Brauerei Gruppe Gmbh & Ko Kgaa a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et la demanderesse au pourvoi incident invoquent, chacune, à l'appui de leurs recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Axyme, ès qualités, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Paulaner Brauerei Gruppe Gmbh & Ko Kgaa, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, conseillers, Mmes Barbot, Kass-Danno, M. Boutié, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2021), le 26 novembre 2015, la société Sonia, qui avait acquis de la société Mamy un fonds de commerce, a été mise en redressement judiciaire. Un plan de cession a été arrêté par un jugement du 30 septembre 2016, puis, le 4 novembre suivant, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la société EMJ étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire, remplacée le 20 juillet 2017 par la société Axyme.

2. La société Paulaner Brauerei Gruppe Gmbh & Ko Kgaa (la société Paulaner), qui avait consenti à la société Mamy un prêt garanti par un nantissement et qui, n'ayant pas été réglée de la totalité du crédit, était bénéficiaire d'un droit de suite sur le fonds de commerce, a assigné le liquidateur pour être colloquée en premier rang sur le prix de vente à concurrence de la somme de 87 044,13 euros.

3. Par jugement du 30 septembre 2019, le tribunal a dit que la société Paulaner devait être colloquée sur le prix de vente du fonds de commerce à hauteur de 87 044,13 euros et qu'elle viendrait au rang des créanciers bénéficiaires d'un nantissement sur le fonds de commerce. La société Axyme, ès qualités, a interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.







Sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

5. La société Paulaner fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle devait être colloquée sur le prix de vente du fonds de commerce et de dire qu'en conséquence, elle devait être colloquée sur la quote-part du prix de cession de l'entreprise affectée au fonds de commerce de la société Sonia, qui devait être définie par le tribunal de la procédure collective conformément à l'article L. 642-12 du code de commerce, alors « que le tribunal saisi par le créancier nanti sur le fonds de commerce qui exerce son droit de suite peut, après avoir constaté que l'inscription n'a pas été purgée par le jugement arrêtant le plan de cession faute d'avoir affecté une quote-part du prix au bien grevé de la sûreté, ordonner que le créancier sera directement colloqué sur le prix payé par le cessionnaire, dès lors que le fonds de commerce nanti constitue le seul actif cédé, sans qu'il soit besoin d'exercer une requête en omission de statuer contre le jugement ayant arrêté le plan ; qu'en énonçant que le jugement sera confirmé sauf à préciser que la société Paulaner doit être colloquée non sur le prix de cession mais sur sa quote-part devant être définie par le tribunal de la procédure collective, le cas échéant saisi dans le cadre d'une omission de statuer, la cour d'appel a violé l'article L. 143-12 du code de commerce, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 642-12, alinéa 1er, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2014, du code de commerce :

6. Il résulte de ce texte que le tribunal qui arrête le plan de cession doit déterminer la quote-part du prix de vente affectée aux biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, pour la répartition du prix et l'exercice sur ce montant du droit de préférence, cette quote-part correspondant au rapport entre la valeur de ce bien et la valeur totale des actifs cédés.

7. Pour dire que le tribunal de la procédure collective devra définir la quote-part du prix de cession du fonds de commerce de la société Sonia, sur laquelle la société Paulaner devra être colloquée, l'arrêt retient que le tribunal a omis de statuer sur ce point, imposé par la loi.

8. En statuant ainsi, après avoir relevé que le plan de cession ne portait que sur le fonds de commerce objet du nantissement, de sorte que, en l'espèce, l'absence d'affectation par le tribunal était sans portée sur l'assiette des droits du créancier qui était déterminable, comme portant nécessairement sur la totalité du prix de l'actif cédé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen relevé d'office

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 642-12, alinéa 1er, L. 641-13, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 15 septembre 2021, et R. 643-5 du code de commerce :

10. Le premier de ces textes, ayant pour finalité de déterminer l'assiette du droit de préférence, ne déroge pas à l'ordre de paiement des créanciers prévu par le deuxième.

11. Il résulte du troisième de ces textes que, sous peine d'être déchu de son droit de participer à la distribution, le créancier d'un propriétaire antérieur qui a fait connaître au liquidateur l'existence de son droit de suite dans le délai de deux mois après l'avertissement de ce dernier, participe à la distribution des biens au même titre que les créanciers de la procédure.

12. Pour dire que la société Paulaner vient en premier rang par rapport aux créanciers de la procédure collective de la société Sonia, l'arrêt retient que cette société est titulaire d'un nantissement inscrit sur le fonds de commerce du chef du propriétaire antérieur et qu'une priorité doit lui être accordée sur les créanciers personnels de la société Sonia.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 30 septembre 2019 ;

Condamne la société Axyme, en qualité de liquidateur de la société Sonia, aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.

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