14 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-17.520

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100408

Titres et sommaires

AVOCAT - Responsabilité - Faute - Prescription de l'action en responsabilité - Point de départ - Expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client

Il résulte de la combinaison des articles 2225 du code civil, 412 du code de procédure civile et 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date

AVOCAT - Responsabilité - Faute - Prescription de l'action en responsabilité - Point de départ - Expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client - Exception - Détermination

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 juin 2023




Cassation


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 408 FS-B

Pourvoi n° Y 22-17.520





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023

M. [F] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 22-17.520 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile, 1re chambre), dans le litige l'opposant à M. [J] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I], de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [G], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Le Gall, conseiller référendaire, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 6 avril 2022), à l'issue du prononcé du divorce de M. et Mme [I], un jugement du 26 janvier 2012 a statué sur les opérations de liquidation de leur régime matrimonial. Le 26 mars 2012, M. [I], représenté par M. [G] (l'avocat), en a interjeté appel. Par ordonnance du 9 octobre 2012, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel à la date du 26 juin 2012.

2. Le 16 octobre 2017, M. [I] a assigné en responsabilité civile l'avocat, qui lui a opposé la prescription de son action.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 2225 du code civil, l'article 412 du code de procédure civile et l'article 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat :

4. Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant assisté ou représenté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

5. Il résulte du deuxième que la mission d'assistance en justice emporte pour l'avocat l'obligation d'informer son client sur les voies de recours existant contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci.

6. Selon le troisième, l'avocat conduit jusqu'à son terme l'affaire dont il est chargé, sauf si son client l'en décharge ou s'il décide de ne pas poursuivre sa mission.

7. La Cour de cassation juge que l'action en responsabilité contre un avocat se prescrit à compter du prononcé de la décision juridictionnelle obtenue (1re Civ., 14janvier 2016, pourvoi n° 14-23.200, Bull. n° 14).

8. Si cette jurisprudence permet de fixer un point de départ unique à la prescription de l'action en responsabilité formée contre un avocat, elle se concilie toutefois difficilement avec d'autres dispositions, telles que celles des deux derniers textes précités.

9. Il y a lieu de déduire désormais de la combinaison des textes précités que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.

10. Pour déclarer irrecevable l'action de M. [I], l'arrêt retient que la mission de l'avocat a pris fin au jour de la décision constatant la caducité de l'appel.

11. En statuant ainsi, après avoir constaté que M. [I] avait mis fin à sa collaboration avec l'avocat par lettre du 23 octobre 2012, de sorte que la prescription avait commencé à courir à compter de cette date, précédant celle de l'expiration du délai de déféré, et que, le 16 octobre 2017, elle n'était pas acquise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [I] la somme 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.

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