7 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-84.442

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00721

Titres et sommaires

CRIMINALITE ORGANISEE - Procédure - Perquisitions - Locaux d'habitation - Absence de la personne dont le domicile est perquisitionné - Accord préalable du procureur de la République - Ecrit motivé ou mention des circonstances dans un procès verbal - Défaut - Portée

Il se déduit de l'article 706-94 du code de procédure pénale, dont les dispositions dérogent au principe que la perquisition est effectuée en présence de la personne au domicile de laquelle elle a lieu, qu'énonce l'article 57 du même code, que l'accord préalable du procureur de la République, pour que cette opération soit effectuée en l'absence de l'intéressé, doit faire l'objet d'un écrit motivé de ce magistrat, ou que cet accord, et les circonstances qui l'ont justifié, soit mentionné dans un procès-verbal dressé par les enquêteurs. Ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui, en l'absence de tels éléments, substitue sa propre appréciation à celle du procureur de la République

Texte de la décision

N° Q 22-84.442 F-B

N° 00721


GM
7 JUIN 2023


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 JUIN 2023



M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 28 juin 2022, qui, pour violences aggravées, infraction à la législation sur les stupéfiants, détention sans justificatif de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive, refus d'obtempérer et délit de fuite, l'a condamné à sept ans d'emprisonnement, au paiement d'une amende douanière, a ordonné une mesure de confiscation et prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [V], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction régionale des douanes de [Localité 2] et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Une enquête préliminaire a été ouverte sur la base d'informations recueillies à l'occasion d'une précédente procédure, relative à un trafic de stupéfiants, qui a mis en cause M. [M] [V].

3. Une perquisition a été effectuée dans un box mis à la disposition de celui-ci, où les enquêteurs ont saisi 100,38 kg de résine de cannabis, 4,8 kg de cocaïne et 1,02 kg d'héroïne, l'intéressé ayant été interpellé entre-temps après une course poursuite et placé en garde à vue.

4. Le procureur de la République a poursuivi M. [V] devant le tribunal correctionnel.

5. Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal a condamné le prévenu pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, détention de stupéfiants, détention sans justificatif de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive, refus d'obtempérer et délit de fuite, à sept ans d'emprisonnement, et a ordonné une mesure de confiscation. Sur l'action douanière, il a condamné M. [V] au paiement d'une amende. Il a prononcé sur l'action civile.

6. M. [V] a relevé appel et le ministère public a formé appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen


7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité concernant la perquisition, confirmé le jugement du tribunal correctionnel en ce qu'il avait déclaré M. [V] coupable des chefs de détention illégale de stupéfiants et de marchandise dangereuse pour la santé publique, refus d'obtempérer exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité permanente, délit de fuite et violences volontaires sur personnes dépositaires de l'autorité publique ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours ; l'a condamné à une peine de sept ans d'emprisonnement ; a ordonné la confiscation des substances stupéfiantes, du véhicule Peugeot 3008 immatriculé [Immatriculation 1] lui appartenant et du produit de l'infraction ; l'a condamné M. [V] au paiement d'une amende douanière de 616 860 euros et statué sur les intérêts civils, et a ordonné le maintien en détention de M. [V], alors :

« 1°/ que c'est par une dénaturation que la Chambre de l'instruction a affirmé que l' « autorisation de perquisition donnée par le procureur de la République s'inscrit nécessairement dans le cadre des dispositions de l'article 706-94 du code de procédure pénale » et que le ministère public « a manifestement, en application des dispositions susvisées et compte tenu du risque d'évasion que le comportement de M. [V] pouvait légitimement laisser craindre », quand ces éléments ne résultent d'aucun élément de la procédure, en violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que s'il peut être procédé à la perquisition du box appartenant au gardé à vue hors sa présence et sans que l'officier de police judiciaire l'ait invité à désigner un représentant de son choix, c'est à la condition, édictée à l'article 706-94 du code de procédure pénale, que le ministère public l'autorise eu égard aux risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport de la personne gardée à vue sur les lieux de la mesure ; que cet accord doit être motivé, à défaut de quoi la juridiction appelée à statuer sur la régularité de la mesure ne peut s'assurer de cette régularité ; qu'en affirmant que l' « autorisation de perquisition donnée par le procureur de la République s'inscrit nécessairement dans le cadre des dispositions de l'article 706-94 du code de procédure pénale » et que le ministère public « a manifestement, en application des dispositions susvisées et compte tenu du risque d'évasion que le comportement de M. [V] pouvait légitimement laisser craindre », quand ces motifs sont inopérants à établir que l'autorisation du ministère public était régulièrement motivée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 57, 706-94, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que s'il peut être procédé à la perquisition du box appartenant au gardé à vue hors sa présence et sans que l'officier de police judiciaire l'ait invité à désigner un représentant de son choix, c'est à la condition, édictée à l'article 706-94 du code de procédure pénale, que le ministère public l'autorise eu égard aux risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport de la personne gardée à vue sur les lieux de la mesure ; qu'il appartient à la juridiction qui rejette l'exception de nullité tirée de l'irrégularité d'une telle mesure d'établir la réalité de ces « risques graves », laquelle ne saurait se déduire de la seule qualification pénale des faits reprochés au gardé à vue ; qu'en se bornant, pour écarter l'exception de nullité tirée de l'absence de « risques graves » justifiant qu'il ait été procédé à la perquisition du box appartenant à M. [V] hors sa présence et sans que l'officier de police judiciaire ne l'ait invité à désigner un représentant de son choix, à relever qu'un risque d'évasion était à craindre compte tenu des faits de refus d'obtempérer exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité permanente, de délit de fuite et de violences sur dépositaires de l'autorité publique étaient reprochés à l'exposant, quand ces motifs sont insuffisants à établir les « risques graves » visé à l'article 706-94 du code de procédure pénale, lequel doit être caractérisé tant par des éléments de droit que des éléments de faits distincts de la seule qualification pénale des faits reprochés au mis en cause, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment justifié sa décision au regard des articles 57, 706-94, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-94 du code de procédure pénale :

9. Selon ce texte, lorsqu'au cours d'une enquête de flagrance ou d'une information relative à l'une des infractions visées par les articles 706-73 et 706-73-1 du même code, la personne au domicile de laquelle est effectuée une perquisition est en garde à vue ou détenue dans un autre lieu et que son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de troubles à l'ordre public, d'évasion ou de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins requis ou d'un représentant désigné par celui dont le domicile est en cause.

10. Il se déduit de ces dispositions, qui dérogent au principe énoncé par l'article 57 du même code, selon lequel la perquisition a lieu en présence de la personne au domicile de laquelle elle est opérée, que l'accord du magistrat doit faire l'objet d'un écrit motivé, ou bien de son accord à une demande d'un enquêteur, mentionné dans un procès-verbal, indiquant les circonstances de nature à justifier le recours à ces modalités dérogatoires.

11. Une telle obligation vise à garantir du caractère contradictoire du déroulement des opérations ainsi que de l'authentification de la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis.

12. Pour rejeter l'exception de nullité prise de la violation des dispositions de l'article 57 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué retient que l'autorisation de perquisition donnée par le procureur de la République relève nécessairement de l'application de l'article 706-94 du même code.




13. Les juge ajoutent qu'après la notification supplétive de la garde à vue pour des infractions visées à l'article 706-73, 3° de ce code sur instruction du procureur de la République, ce dernier a manifestement, en application des dispositions susvisées et compte tenu du risque d'évasion que le comportement de M. [V] pouvait légitimement laisser craindre, autorisé la perquisition du box en présence de deux témoins, laquelle a été régulièrement réalisée.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a substitué sa propre appréciation à celle du procureur de la République, a méconnu le texte susvisé et le principe sus-énoncé.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation portant sur le rejet, par la cour d'appel, de l'exception de nullité relative à la perquisition, entraînera celle de la déclaration de culpabilité pour infraction à la législation sur les stupéfiants et détention sans justificatif de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive et aux peines, y compris l'amende douanière. Les autres dispositions de l'arrêt, relatives à la déclaration de culpabilité pour les autres infractions et au rejet de l'exception concernant la pose du dispositif de géolocalisation, seront maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 28 juin 2022, mais en ses seules dispositions ayant trait au rejet de l'exception de nullité relative à la perquisition, à la déclaration de culpabilité pour infraction à la législation sur les stupéfiants et détention sans justificatif de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive, et aux peines, y compris l'amende douanière, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit jugé conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE le cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transposition sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la site de l'arrêt partiellement annulé ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.

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