7 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.012

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00666

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juin 2023




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 666 F-D

Pourvoi n° Y 21-21.012




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023

La société Socotec construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Socotec France, a formé le pourvoi n° Y 21-21.012 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [P], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Socotec construction, de Me Haas, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 11 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juin 2021), M. [P] a été engagé en qualité de cadre technique, à compter du 1er décembre 2000, par la société de contrôle technique (Socotec), aux droits de laquelle se trouve la société Socotec construction. Dans le dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait, depuis le 1er janvier 2015, la fonction de directeur de pôle construction Rhône.

2. Le 20 juin 2016, l'employeur a proposé une mesure de rétrogradation au salarié qui l'a refusée.

3. Licencié le 6 juillet 2016, ce dernier a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement avait un caractère disciplinaire et qu'il était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamné à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en lui ordonnant de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage perçues par le salarié licencié dans la limite de trois mois, de fixer le salaire mensuel moyen du salarié à une certaine somme et de le condamner à payer à ce dernier, avec intérêts, diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés afférents, et d'indemnité pour travail dissimulé, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d'appel, alors « qu'il appartient au juge de donner ou de restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à une dénomination que les parties auraient donnée à des actes antérieurs ; que le caractère disciplinaire d'un licenciement suppose que l'analyse des motifs du licenciement énoncés dans la lettre de notification laisse apparaître que la mesure a été prise à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif ; qu'en retenant la qualification de licenciement disciplinaire, sans rechercher si les dysfonctionnements managériaux invoqués par la lettre de licenciement étaient dus à une faute plutôt qu'à une insuffisance professionnelle, la cour d'appel n'a pas rempli son office et a privé sa décision de base légale au regard tant de l'article 12 du code de procédure civile que des articles L. 1331-1, L. 1232-1 et L. 1235-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

6. Il résulte de ce texte que c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important la proposition faite par l'employeur d'une rétrogradation disciplinaire, impliquant une modification du contrat de travail refusée par le salarié.

7. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle reproduit à l'identique les mêmes faits et griefs que ceux retenus dans la lettre du 20 juillet 2016 (en réalité 20 juin 2016) à l'appui de la rétrogradation du salarié, de sorte que le licenciement prononcé en substitution d'une sanction disciplinaire de rétrogradation revêt lui-même un caractère disciplinaire, peu important qu'il ne soit pas fait référence expressément à une sanction et que soient visées une insuffisance professionnelle ainsi qu'une cause réelle et sérieuse.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le motif mentionné dans la lettre de licenciement pouvait être qualifié de disciplinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt fixant le salaire mensuel moyen du salarié et condamnant l'employeur à payer à ce dernier, avec intérêts, diverses sommes à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos, outre congés payés afférents, et d'indemnité pour travail dissimulé, qui sont sans lien d'indivisibilité ni de dépendance nécessaire avec elle.

10. Elle n'emporte pas davantage cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, qui sont justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant constaté que le licenciement de M. [P] revêtait un caractère disciplinaire, dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, ordonné d'office le remboursement par la société Socotec aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par le salarié licencié dans la limite de trois mois, et condamné la société Socotec à verser à M. [P] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, sauf à préciser que les condamnations confirmées sont prononcées à l'encontre de la société Socotec construction, et en ce qu'il condamne la société Socotec construction à payer à M. [P] la somme de 135 060 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, l'arrêt rendu le 23 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.

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