7 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.125

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00675

Titres et sommaires

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 - Accord du 15 juin 1992 relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires - Recours au travail intermittent - Cas - Accord du 7 juillet 2009 - Emploi de conducteur accompagnateur de transport spécialisé - Possibilité - Conditions - Détermination

Il résulte de l'application combinée de l'article L. 3123-31 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, des articles préambule et 1 de l'accord du 15 juin 1992 relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires, des articles préambule et 2 de l'accord du 24 septembre 2004 relatif à la définition, au contenu et aux conditions d'exercice de l'activité des conducteurs en périodes scolaires des entreprises de transport routier de voyageurs, de l'article préambule de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à l'emploi de conducteur accompagnateur, de l'article 3 D de ce même accord, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 2 du 10 juin 2013, attachés à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, que la possibilité de conclure un contrat de travail intermittent avec un conducteur en périodes scolaires d'une entreprise de transport routier de voyageurs concerne également les salariés occupant, au sein des entreprises exerçant cette même activité, un emploi de conducteur accompagnateur de transport spécialisé de personnes handicapées et/ou à mobilité réduite qui ne travaille que pendant les périodes scolaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Emploi intermittent - Recours - Conditions - Recours prévus par une convention ou un accord collectif - Modalités - Conclusion d'un contrat de travail intermittent pour un emploi de conducteur accompagnateur de transport spécialisé - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juin 2023




Rejet


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 675 FS-B

Pourvoi n° K 22-10.125

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M.[V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 novembre 2021.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUIN 2023

M. [Z] [V], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° K 22-10.125 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Z] [T], domicilié [Adresse 3], liquidateur judiciaire de la société Vortex,

2°/ à M. [Y] [C], domicilié [Adresse 2], liquidateur judiciaire de la société Vortex,

3°/ à la société BL & associés, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de M. [U] [L], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Vortex,

4°/ à l'UNEDIC AGS CGEA de Toulouse, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [T] ès qualités, de M. [C] ès qualités ainsi que de la société BL & associés és qualités, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 mai 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Aix-en-Provence, 22 janvier 2021), M. [V] a été engagé au poste de conducteur accompagnateur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite en période scolaire par la société Vortex le 29 septembre 2014.

2. Dans le cadre de ses fonctions, il avait pour mission d'assurer le transport d'enfants handicapés et/ou à mobilité réduite de leurs domiciles vers l'établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés (EEAP) « Les Calanques » puis dudit établissement vers leurs domiciles.

3. Il travaillait exclusivement pendant les périodes scolaires définies par l'EEAP, le contrat de travail étant automatiquement suspendu pendant les vacances.

4. La convention collective applicable était la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

5. Le salarié a démissionné le 4 mai 2015.

6. Le 9 novembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps complet, de demandes en paiement de rappel de salaire afférentes et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

7. Par jugement du 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société Vortex et désigné MM. [T] et [C] en qualité de liquidateurs.

8. La société BL et associés prise en la personne de M. [L] est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire de la société Vortex.

9. L'AGS-CGEA de Toulouse a été appelée en cause.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en requalification du contrat de travail et des demandes subséquentes, alors « que le contrat de travail intermittent s'applique exclusivement aux conducteurs engagés pour effectuer des transports liés à l'activité scolaire et ne doit intervenir que dans le cadre de l'activité de transport scolaire sans pouvoir être généralisé pour d'autres catégories de personnel ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Vortex a embauché M. [V] en qualité de "conducteur accompagnateur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite en période scolaire" pour un établissement d'enseignement qui reçoit des enfants handicapés et met en œuvre des actions éducatives spécifiques et un soutien thérapeutique ; qu'en estimant que le contrat de travail de M. [V] était conclu dans le cadre d'un transport scolaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les alinéas 5 et 6 du préambule de l'accord du 15 juin 1992, étendu par arrêté du 4 août 1992, relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires et l'article 1er alinéa 1er du même accord. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article L. 3123-31 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées. Il en résulte que la convention ou l'accord collectif prévoyant le recours au travail intermittent doit désigner de façon précise les emplois permanents qui peuvent être pourvus par la conclusion de contrats de travail intermittent et que le contrat de travail intermittent conclu malgré l'absence d'une telle convention ou d'un tel accord collectif est illicite et doit être requalifié en contrat de travail à temps complet.

12. Selon l'article préambule de l'accord du 15 juin 1992 relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, le recours au travail intermittent pour les conducteurs scolaires ne doit intervenir que dans le cadre de l'activité de transport scolaire. L'entrée en application du présent accord ne saurait avoir pour conséquence d'entraîner la généralisation du contrat de travail intermittent pour d'autres catégories de personnel que celle visée par son champ d'application.

13. Selon l'article 1 de ce même accord, le présent protocole relatif au contrat de travail intermittent s'applique exclusivement aux conducteurs engagés pour effectuer des transports liés à l'activité scolaire : ramassage et desserte des établissements scolaires, cantines, piscines, centres aérés, classes vertes, classes de neige, tiers temps pédagogique. En conséquence, le contrat de travail intermittent pour exercer des activités liées aux transports scolaires n'est proposé que dans les cas où ces activités conduisent, au sein de l'entreprise, à devoir y pourvoir par des emplois de conduite, comportant une alternance de périodes travaillées et non travaillées, pour lesquelles les autres formes de contrat de travail à durée indéterminée sont donc inadaptées.

14. Selon l'article préambule de l'accord du 24 septembre 2004 relatif à la définition, au contenu et aux conditions d'exercice de l'activité des conducteurs en périodes scolaires des entreprises de transport routier de voyageurs, attaché à la convention collective, les partenaires sociaux ont créé le concept de conducteur en périodes scolaires, dans la perspective de répondre aux besoins des clients pendant la période scolaire, tout en améliorant les conditions de travail des personnels concernés (garantie de TTE, indemnisation des amplitudes et coupures, 13e mois...). Par ailleurs, le recours au contrat de travail à temps partiel modulé n'étant pas envisageable, les partenaires sociaux sont convenus d'aboutir à une égalité de traitement (y compris pour ce qui concerne le coefficient attribué) entre les conducteurs "CPS" et ceux à temps partiel pour des conditions identiques d'exercice de leurs activités.

15. L'article 2 de cet accord prévoit que le coefficient du conducteur en périodes scolaires est le coefficient 137 V si les activités de conduite comprennent les services suivants : scolaire (desserte des établissements scolaires), périscolaire (cantine, piscine, centres aérés, activités sportives et culturelles...), activités pédagogiques, ligne régulière publique ou privée (sans être susceptible de recette).

16. Selon l'article préambule de l'accord du 7 juillet 2009 relatif à l'emploi de conducteur accompagnateur, attaché à la convention collective, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit dans son article 45 : « La chaîne des déplacements, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité est organisée pour permettre son accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. ». Afin de permettre le transport de personnes présentant un handicap ou à mobilité réduite, en dehors des lignes régulières, des services de transport à la demande, appelés communément « transport de personnes à mobilité réduite » (TPMR), se sont développés. Les partenaires sociaux ont souhaité, dans le cadre de la convention collective nationale du transport routier et des activités auxiliaires du transport, et plus particulièrement dans le cadre des dispositions sur le transport interurbain de voyageurs, définir et fixer les modalités et caractéristiques de cette activité. Tel est l'objet du présent accord.

17. Selon l'article 3 D de cet accord, dans sa rédaction issue de l'avenant n°2 du 10 juin 2013 se rapportant à l'emploi et à la classification, lorsqu'un conducteur accompagnateur de transport spécialisé de personnes handicapées et/ ou à mobilité réduite ne travaille que pendant les périodes scolaires, en application de l'accord du 24 septembre 2004, il est rappelé que l'ensemble des dispositions de cet accord et notamment du coefficient 137 V, de la garantie d'horaire annuel de 550 heures pour 180 jours de travail, de la garantie d'horaire journalier, selon le nombre de vacations, de l'indemnisation de l'amplitude et des coupures s'appliquent.

18. Il résulte de l'application combinée de ces textes que la possibilité de conclure un contrat de travail intermittent avec un conducteur en périodes scolaires d'une entreprise de transport routier de voyageurs concerne également les salariés occupant, au sein des entreprises exerçant cette même activité, un emploi de conducteur accompagnateur de transport spécialisé de personnes handicapées et/ ou à mobilité réduite qui ne travaille que pendant les périodes scolaires.

19. La cour d'appel, après avoir relevé que le salarié avait été engagé en qualité de conducteur accompagnateur de personnes présentant un handicap et/ou à mobilité réduite en période scolaire, qu'il travaillait exclusivement pendant les périodes scolaires définies par l'EEAP, que le contrat de travail était automatiquement suspendu pendant les vacances, qu'il prévoyait une durée minimale ainsi que la répartition des horaires et constaté que l'EEAP est un établissement d'enseignement qui reçoit des enfants handicapés et met en oeuvre des actions éducatives spécifiques en plus d'un soutien thérapeutique, en sorte que les enfants n'y reçoivent pas que des soins mais aussi une scolarité adaptée à leur handicap, en a exactement déduit que le contrat était relatif à une activité de transport scolaire, en sorte que le salarié avait valablement pu conclure un contrat de travail intermittent.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.

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