7 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-50.036

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100386

Titres et sommaires

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Discipline - Sanction - Sanction amnistiée - Rappel d'une condamnation amnistiée - Interdiction - Effet

Aux termes de l'article 114, alinéa 1, du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Il résulte des articles 133-9 du code pénal, 14, 17 et 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie et 11 et 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie que les lois d'amnistie qui interdisent le rappel d'une condamnation amnistiée ne prévoient pas la nullité de l'acte contenant la mention prohibée et que seule la décision prenant en considération la condamnation amnistiée pour l'appréciation de la nouvelle peine encourt une telle nullité. Viole ces textes la cour d'appel qui, pour annuler une assignation, retient que celle-ci évoque une sanction disciplinaire effacée par deux lois d'amnistie et que la prise en considération de la sanction effacée a influé sur la nouvelle sanction prononcée

PROCEDURE CIVILE - Assignation - Contenu - Rappel d'une sanction disciplinaire effacée - Interdiction - Sanction - Nullité de l'acte (non)

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juin 2023




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 386 FS-B

Pourvoi n° W 21-50.036




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUIN 2023

Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers, domicilié en son parquet général, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-50.036 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [Y] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Hascher, Ancel, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Cazaux-Charles, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 mars 2021), un procureur de la République a engagé des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [C], notaire (le notaire), devant un tribunal judiciaire.

2. La cour d'appel a annulé l'assignation et le jugement déféré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

4. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement déféré, alors « que, lorsque les décisions ont pu être annulées quand elles faisaient mention d'une sanction amnistiée, ce n'était pas sur l'appréciation de la culpabilité mais sur le constat qu'il résultait des motifs de la décision que la prise en considération de la décision amnistiée avait influé sur l'appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle infraction poursuivie ; que lorsque la nullité est prononcée, c'est dans les situations où la sanction amnistiée a été déterminante dans l'appréciation de la nouvelle sanction ; qu'au contraire, la nullité n'est pas encourue lorsque la mention erronée n'a pas été déterminante ; que la cour a dénaturé le jugement prononcé le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne ; que ce jugement n'évoque aucunement les faits de 1994 prétendument amnistiés dans son appréciation de la culpabilité du notaire sur les faits objets de la nouvelle poursuite ; que le jugement de première instance évoque les faits de 1994 uniquement dans le chapitre « sur la sanction » […] ; que la cour a bien dénaturé les termes précis et clairs du jugement de première instance en prononçant son annulation par les motifs rappelés, le jugement n'ayant jamais évoqué les faits de 1994 avant la motivation sur la sanction et la motivation de la sanction n'a pas considéré comme déterminants la sanction de 1994 mais bien les nouveaux faits et la sanction de 2015 ; qu'en particulier la phrase partiellement citée dans l'arrêt montre dans la lecture in extenso du jugement que lorsque celui-ci écrit « dès fin 2016 il réitère des faits », cela se réfère aux faits sanctionnés en 2015 et non aux faits de 1994 ; que le grief formulé au moyen porte bien sur une dénaturation et non sur une remise en question de l'appréciation souveraine des juges du fond ; que la cour a violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que la sanction disciplinaire prononcée le 15 septembre 1994 contre le notaire avait été effacée par les lois portant amnistie n° 95-884 du 3 août 1995 et n° 2002-1062 du 6 août 2002.

6. Elle a souverainement estimé, hors toute dénaturation, que le jugement déféré, en retenant que le notaire, sanctionné par la chambre des notaires en 1994 et en 2015, n'en avait pas tiré les conséquences, avait pris en considération la sanction effacée qui avait influé sur la nouvelle sanction prononcée.

7. Elle en a exactement déduit que le jugement devait être annulé.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler l'assignation délivrée au notaire, alors « que les nullités prévues par l'article 114 du code de procédure civile sont des nullités découlant de l'inobservation de formalités substantielles ou d'ordre public ; que le prononcé de la nullité de l'assignation au motif que celle-ci évoquerait des faits couverts par la loi d'amnistie n'entre pas dans les prévisions de l'article 114 du code de procédure civile, les articles 133-9 et 133-11 du code pénal, à supposer que les faits puissent être considérés comme amnistiés, ne permettent pas d'annuler l'assignation du procureur de la République ; que si l'article 133-9 du code pénal pose le principe de l'effacement des faits amnistiés, l'article 133-11 du code pénal fixe les conditions dans lesquelles s'applique l'interdiction d'évoquer des faits amnistiés sans pour autant que cette évocation entraîne la nullité de l'acte, sauf quand il résulte des motifs de la décision que la prise en considération de la condamnation amnistiée a influé sur l'appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle poursuite ; que le ministère public ne peut se voir interdire de viser dans son assignation une décision de condamnation de la chambre de discipline régionale du 20 mai 2015 et le rapport annexé, relatifs à une poursuite disciplinaire pour des faits de 2014 et 2015, même si celle-ci évoque des faits de 1994 ; que telle est bien la portée de l'arrêt de la cour dès lors que celui-ci en tire pour conséquence la nullité de l'assignation du ministère public ; qu'en considérant que l'assignation du ministère public devait être annulée, la cour a violé par fausse application les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile et les articles 133-9 et 133-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 114, alinéa 1er, du code de procédure civile, 133-9 du code pénal, 14, 17 et 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie, 11 et 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie :

10. Aux termes du premier de ces textes, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

11. Il résulte des suivants que les dispositions des lois d'amnistie qui interdisent le rappel d'une condamnation amnistiée ne prévoient pas la nullité de l'acte contenant la mention prohibée et que seule la décision prenant en considération la condamnation amnistiée pour l'appréciation de la nouvelle peine encourt une telle nullité.

12. Pour annuler l'assignation, l'arrêt retient que celle-ci évoque une sanction disciplinaire effacée par deux lois d'amnistie et que la prise en considération de la sanction effacée a influé sur la nouvelle sanction prononcée.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement déféré et de constater que l'effet dévolutif ne s'applique pas, alors « que dès lors qu'il a été conclu sur le fond, fût-ce à titre subsidiaire, la dévolution s'opère pour le tout, même si l'appel tend à la nullité du jugement ; que lorsque la cour estime devoir prononcer la nullité du jugement de première instance pour mention prohibée d'amnistie, elle se doit par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le fond de la poursuite dès lors qu'il a été conclu au fond et de déterminer la sanction, sans se déterminer au regard des faits de 1994 si elle les estime couverts par l'amnistie ; qu'en considérant que l'effet dévolutif de l'appel ne pouvait opérer, la cour a violé par fausse application les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile et les articles 133-9 et 133-11 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

15. La cassation prononcée sur le deuxième moyen emporte, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif constatant que l'effet dévolutif ne s'opère pas en raison de l'annulation de l'assignation, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement déféré prononcé le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne, l'arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille vingt-trois.

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