1 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-81.075

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00673

Titres et sommaires

PEINES - Peines complémentaires - Confiscation - Attribution - Possibilité - Conditions - Disposition textuelle prévoyant l'attribution du bien confisqué

En l'absence de disposition textuelle prévoyant l'attribution du bien confisqué, il ne relève pas de l'office du juge qui prononce une mesure de confiscation de décider de l'attribution dudit bien. L'affectation du bien confisqué relève de l'exécution de la mesure de confiscation. Encourt la censure l'arrêt qui, après avoir confirmé la confiscation d'un véhicule, infirme la décision du premier juge d'affectation de ce véhicule à l'administration des douanes pour l'affecter à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives

Texte de la décision

N° E 22-81.075 F-B

N° 00673


MAS2
1ER JUIN 2023


CAS. PART. PAR VOIE DE RETRANCH. SANS RENVOI


Mme DE LA LANCE conseiller doyen faisant fonction de président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER JUIN 2023


L'administration des douanes, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-4, en date du 12 janvier 2022, qui, pour importation de marchandises prohibées, blanchiment douanier, blanchiment, infractions à la législation sur les stupéfiants et refus de remettre ou mettre en oeuvre une convention secrète de chiffrement d'un moyen de cryptologie, a condamné M. [D] [U] notamment à une mesure de confiscation.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents Mme de la Lance, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. de Lamy, conseiller rapporteur, M. Wyon, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La brigade des douanes a procédé au contrôle d'un véhicule immatriculé en Belgique [Immatriculation 1] conduit par M. [D] [U].

3. Les douaniers ont trouvé dans ce véhicule une cache aménagée au niveau de la roue de secours dont la fouille a permis la découverte d'herbe de cannabis et de cocaïne.

4. M. [U] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel qui l'a déclaré coupable des chefs susvisés et a, notamment, ordonné la confiscation du véhicule au profit de l'administration des douanes.

5. M. [U] et le ministère public ont interjeté appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement ordonnant la confiscation au profit de l'administration des douanes du véhicule Audi A3, immatriculé [Immatriculation 1], comportant une cache aménagée et a confisqué ce véhicule au profit de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, alors :

« 1°/ que tout fait de contrebande de marchandise prohibée fait encourir la sanction fiscale de confiscation ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement et ordonner la confiscation du véhicule au profit de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), qu'« il n'existe pas de « confiscation douanière » (arrêt, p. 7 , § 1er ), quand elle avait retenu, sur l'action douanière, la culpabilité de M. [U] pour des faits « de transport, de détention et d'importation de marchandises prohibées sans justification d'origine dangereuses pour la santé publique » (arrêt, p. 5, dernier paragraphe), la cour d'appel a violé les articles 343 et 414 du code des douanes ;

2°/ que les confiscations douanières ont un caractère mixte, répressif et indemnitaire ; qu'en excluant toute « affectation à la douane des objets saisis par celle-ci » et confisqués (arrêt, p. 7, § 1er), cependant que la mesure de confiscation douanière participe de la réparation du préjudice causé par le délit douanier, la cour d'appel, qui a privé l'administration des douanes d'une partie de l'indemnisation qui devait lui revenir, a violé les articles 343 et 414 du code des douanes ;

3°/ que toute condamnation pour contrebande de marchandises prohibées entraîne la confiscation des moyens de transport lorsque les actes de contrebande ont été commis par dissimulation dans des cachettes spécialement aménagées ; que la cour d'appel a relevé que, « dans la voiture, les douaniers avaient identifié au niveau de la roue de secours une cache aménagée dont la fouille permettait la découverte de 289 grammes d'herbe de cannabis et de 91 grammes de cocaïne » (arrêt, p. 4, § 16) ; qu'en libérant néanmoins le contrevenant de la confiscation douanière du moyen de transport, fût ce pour en ordonner la confiscation sur le fondement des dispositions du code pénal, cependant qu'elle retenait elle-même que le véhicule comportait une cache aménagée dans laquelle la marchandise de fraude avait été dissimulée, en sorte que la confiscation douanière était obligatoire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 369 et 414 du code des douanes ;

4°/ que la confiscation d'un moyen de transport saisi, au cours de l'enquête, par les agents des douanes ne peut être prononcée qu'à titre de sanction fiscale ; qu'en se fondant, pour ordonner la confiscation du véhicule au profit de la MILDECA , sur « les dispositions de l'article 131-21 du code pénal » (arrêt, p. 7, § 1er), quand le moyen de transport de la marchandise de fraude avait été saisi par les agents des douanes, en sorte que seule une confiscation douanière pouvait être ordonnée, et en retenant que « le code pénal et le code de procédure pénale ne distinguent pas les saisies pénales selon l'infraction ou l'autorité ayant initialement appréhendé le bien », la cour d'appel , qui s'est déterminée par un motif inopérant, a méconnu le privilège du Trésor et violé les articles 323, 343, 379 et 414 du code des douanes ;

5°/ qu'en toute hypothèse, en ordonnant, « sur l'action douanière » (arrêt, p. 7, § 1 1), la confiscation du véhicule Audi A3 au profit de la MILDECA, quand seul le produit des recettes provenant de la confiscation, ordonnée sur l'action publique, des biens des personnes reconnues coupables du délit de trafic de stupéfiants prévu par le code pénal peut abonder le fonds de concours « drogue » que gère cette Mission interministérielle, la cour d'appel a violé , par fausse application, les articles 706-161 du code de procédure pénale et 1er du décret n° 95-322 du 17 mars 1995 et, par refus d'application, les articles 390 et 391 du code des douanes. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1124-1 du code général de la propriété des personnes publiques :

7. Aux termes de ce texte, les biens, à caractère mobilier ou immobilier, dont la confiscation a été prononcée par décision de justice sont, sauf disposition particulière prévoyant leur destruction ou leur attribution, dévolus à l'État.

8. Pour confirmer la confiscation du véhicule immatriculé [Immatriculation 1], l'arrêt attaqué relève que les dispositions de l'article 131-21 du code pénal permettent au juge de confisquer tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.

9. L'arrêt relève que le code pénal et le code de procédure pénale ne distinguent pas les saisies pénales selon l'infraction ou l'autorité ayant initialement appréhendé le bien et que c'est alors à tort que le premier juge a prononcé la confiscation dudit véhicule au profit de l'administration des douanes.

10. Les juges ajoutent qu'il n'existe pas de « confiscation douanière » au sens d'une affectation à la douane des objets saisis par celle-ci.

11. Ils en déduisent que le jugement sera infirmé sur ce point et que le véhicule immatriculé [Immatriculation 1] sera affecté à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

13. En premier lieu, en l'absence de disposition prévoyant l'attribution du bien confisqué, il ne relève pas de l'office du juge qui prononce une mesure de confiscation de décider de l'attribution dudit bien.

14. En second lieu, l'affectation du bien confisqué relève de l'exécution de la mesure de confiscation.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation, par voie de retranchement, portera sur l'affectation du véhicule immatriculé [Immatriculation 1] à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.

17. Les autres dispositions seront donc maintenues.

18. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 janvier 2022, en ses seules dispositions relatives à l'affectation du véhicule immatriculé en Belgique [Immatriculation 1] à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

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