1 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.516

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00401

Texte de la décision

COMM.

SH



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 401 F-D

Pourvoi n° X 22-11.516




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023

1°/ Le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 4],

2°/ le directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° X 22-11.516 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à [Y] [E], ayant été domicilié [Adresse 1], décédé,

2°/ à Mme [Z] [W], veuve [E], prise en son nom personnel et en sa qualité d'héritière de [Y] [E],

3°/ à M. [B] [E], pris en sa qualité d'héritier de [Y] [E],


Demeurant tous deux [Adresse 1], défendeurs à la cassation.

4°/ à M. [L] [E], pris en sa qualité d'héritier de [Y] [E], domicilié [Adresse 2],

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône et du directeur général des finances publiques, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de Mme [W], veuve [E], après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M.Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte au directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, et au directeur général des finances publiques, de leur reprise d'instance contre Mme [Z] [W] veuve [E] et MM. [B] et [L] [E], en leur qualité d'héritiers de [Y] [E].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 octobre 2021), M. et Mme [E] ont bénéficié d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre de l'année 2009 à raison de l'investissement réalisé, le 11 juin 2009, dans le capital de la société Fineylia PME.

3. Après avoir, le 5 octobre 2015, adressé à M. et Mme [E] une proposition de rectification remettant en cause cette réduction d'impôt, l'administration fiscale a émis, le 29 juillet 2016, un avis de mise en recouvrement et rejeté, le 21 novembre 2016, la réclamation contentieuse de M. et Mme [E].

Enoncé du moyen

4. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la prescription abrégée était applicable et en ce qu'il a annulé la décision de rejet de la direction générale des finances publiques en date du 21 novembre 2016 avec toutes les conséquences de droit, alors « qu'il résulte des dispositions des articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales que, sauf lorsque l'exigibilité certaine des droits omis découle de manière complète et directe de la déclaration ou de l'acte soumis à la formalité sans qu'il soit besoin de procéder à des recherches ultérieures pour constater l'existence du fait juridique imposable, l'administration dispose d'un délai de six ans pour établir l'exigibilité des droits ; qu'il s'ensuit que si un doute subsiste quant à l'exigibilité des droits et s'il est nécessaire, pour en apporter la preuve, de procéder à des recherches quelconques notamment par rapprochement de divers actes, déclarations ou faits à l'affaire, le délai de prescription abrégée ne peut s'appliquer ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 885-0 V bis ancien du code général des impôts, le redevable peut imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 75% des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l'exercice de l'activité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu' alors qu'elle ne conteste pas que M. et Mme [E] ont satisfait à leurs obligations déclaratives, la direction générale des finances publiques ne caractérise cependant nullement en quoi leur déclaration et l'attestation jointe auraient par elles-mêmes insuffisamment révélé l'exigibilité au sens de l'article L 180 du livre des procédures fiscales, de sorte qu'il aurait été nécessaire de procéder à des recherches" ; qu'en statuant ainsi, alors que la déclaration et l'attestation litigieuses n'établissaient pas de façon certaine que la société Fineylia remplissait les conditions prévues par l'article 885-0 V bis ancien du code général des impôts et que, pour établir la preuve contraire, l'administration a dû procéder à des recherches ultérieures puisque les éléments établissant l'exigibilité des droits ne ressortaient ni de la déclaration d'ISF déposée, ni de l'attestation jointe, la cour a commis une erreur de droit ; qu'en conséquence, l'administration ne pouvait procéder à la proposition de rectification en cause au vu des seules mentions portées sur la déclaration litigieuse et de l'attestation jointe et, elle devait, en revanche, procéder à des recherches ultérieures aux fins de s'assurer que les conditions exigées pour bénéficier de l'avantage en impôt prévu par l'article 885-0 V bis ancien du code général des impôts étaient bien remplies, la cour d'appel a violé les articles L. 180 et L. 186 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, 299 septies de l'annexe III du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-336 du 14 avril 2008, L. 180 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable, et L. 186 du même livre :

5. Le premier de ces textes a institué le principe d'une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune à hauteur de 75 % des versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit.

6. Il résulte du deuxième que lorsqu'un contribuable souscrit au capital d'une telle société, celle-ci lui délivre un état individuel, précisant, notamment, qu'elle satisfait aux conditions exigées par ce texte, qu'il peut joindre à sa déclaration d'ISF ou fournir dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de sa déclaration. Si la remise de ce document est une formalité nécessaire à l'obtention de l'avantage en cause, elle ne suffit pas à démontrer que les conditions prévues à l'article 885-0 V bis sont réunies et ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend, fût-il de bonne foi.

7. En application des deux derniers, le droit de reprise de l'administration à l'égard des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière, des droits de timbre ainsi que des taxes, redevances et autres impositions assimilées se prescrit par six ans dès lors que la connaissance de l'exigibilité des droits ne résulte pas de manière certaine et directe du seul examen d'un acte enregistré ou présenté à la formalité et que des recherches ultérieures sont nécessaires.

8. Pour juger que le droit de reprise de l'administration fiscale était prescrit à la date de la notification de la proposition de rectification, annuler la décision de rejet du recours contentieux formé par M. et Mme [E] et ordonner le dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée, l'arrêt retient qu'alors qu'elle ne conteste pas que M. et Mme [E] ont satisfait à leurs obligations déclaratives, l'administration fiscale ne caractérise pas en quoi leur déclaration et l'attestation de la souscription de 60 actions de la société Fineylia PME, jointe à cette déclaration, auraient par elles-mêmes insuffisamment révélé l'exigibilité, au sens de l'article L 180 du livre des procédures fiscales, de sorte qu'il aurait été nécessaire de procéder à des recherches.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'administration fiscale pouvait, au seul vu de la déclaration d'ISF déposée par M. et Mme [E] au titre de l'année 2009, et de l'attestation jointe, sans avoir à se livrer à des recherches ultérieures, s'assurer de ce que la société Fineylia PME remplissait les conditions requises pour qu'une souscription à son capital ouvre droit à la réduction d'ISF prévue à l'article 885-0 V bis du code général des impôts, alors applicable, et ainsi prouver l'exigibilité des droits éventuellement omis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne Mme [E], M. [B] [E] et M. [L] [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] et condamne Mme [E], M. [B] [E] et M. [L] [E] à payer au directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

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