1 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.181

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00646

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) - Action en justice - Nullité des actes de citation - Effets - Frais et honoraires d'avocat exposés par le comité - Recouvrement par l'avocat - Recours contre l'employeur - Modalités - Détermination

Si l'action du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui s'est constitué partie civile devant la juridiction pénale sur les poursuites exercées par le ministère public du chef de délit d'entrave au fonctionnement du CHSCT, n'est pas étrangère à sa mission, les dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail ne bénéficient qu'au CHSCT et n'ouvrent pas à l'avocat de ce dernier une action directe, en son nom propre et pour son propre compte, contre l'employeur. En conséquence, une cour d'appel décide à bon droit que l'avocat du CHSCT ne dispose pas d'un recours contre l'employeur en paiement des honoraires facturés par lui, dès lors qu'il appartient au CHSCT de faire fixer par la juridiction civile, en fonction des diligences accomplies, le montant des frais de procédure devant être pris en charge par l'employeur en application de l'article L. 4614-13 du code du travail

AVOCAT - Honoraires - Recouvrement - Action en paiement - Débiteur - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) - Comité constitué partie civile - Recours de l'avocat à l'encontre de l'employeur - Exclusion - Portée

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2023




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 646 FS-B

Pourvoi n° Y 21-14.181




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2023

La société d'avocats Juris-Thalès, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-14.181 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Aldi marché [Localité 3], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société d'avocats Juris-Thalès, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Aldi marché [Localité 3], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 avril 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 janvier 2021), la société civile professionnelle d'avocats Juris-Thalès (la société d'avocats), en la personne de M. [O], avocat au barreau de Marseille, a défendu le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Aldi marché [Localité 3] (le comité), qui s'était constitué partie civile devant le tribunal correctionnel d'Avignon saisi par le ministère public de poursuites pour délit d'entrave à l'encontre de la société Aldi marché [Localité 3] (la société) et dont le jugement de condamnation du 30 juin 2014 a été infirmé par un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nîmes du 28 mars 2017, qui a annulé les citations. Estimant que la société était débitrice de ses frais et honoraires afférents à cette procédure, la société d'avocats a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille qui l'a déboutée de ses demandes par une décision du 27 juillet 2015 au motif qu'il n'avait compétence que pour fixer les honoraires de l'avocat dans les litiges l'opposant à son client et non à des tiers.

2. La société d'avocats a, par acte du 6 mars 2017, fait assigner la société devant le tribunal de grande instance en paiement du solde de ses honoraires.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société d'avocats fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement de ses frais et honoraires au titre de la procédure devant le tribunal correctionnel, alors :

« 1°/ que le CHSCT, qui a la personnalité morale, mais ne dispose d'aucune ressource propre, a le droit d'ester en justice ; que dès lors que son action n'est pas étrangère à sa mission, et en l'absence d'abus, les frais de procédure et les honoraires d'avocat exposés doivent être pris en charge par l'employeur ; qu'en rejetant la demande de l'avocat tendant à obtenir de l'employeur le paiement des frais et honoraires exposés par le CHSCT dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à l'encontre de la société Aldi marché [Localité 3] du chef de délit d'entrave dans laquelle il s'était constitué partie civile, au motif inopérant que cette procédure est étrangère au champ de l'ancien article L. 4614-13 du code du travail et sans caractériser un abus de la part du CHSCT, la cour d'appel a violé ce texte ensemble l'article L. 4612-1 du code du travail ;

2°/ que le CHSCT ne dispose pas de fonds propres tandis que l'employeur est légalement tenu de prendre en charge les honoraires d'avocat exposés par le CHSCT ; que l'avocat ne peut dès lors disposer d'un recours effectif en paiement de ses honoraires qu'en agissant directement contre l'employeur sur ce fondement légal ; qu'en décidant au contraire que l'avocat ne pouvait agir que contre le CHSCT et non contre l'employeur tiers au contrat conclu avec son client, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 4612-12 et L. 4612-13 du code du travail, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1 du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 15 janvier 2013, pourvoi n° 11-19.640, Bull. 2013, V, n° 11), que l'article L. 4614-13 du code du travail, alors applicable, aux termes duquel les frais de procédure résultant de la contestation par l'employeur de la désignation par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) d'un expert, du coût, de l'étendue ou du délai de l'expertise sont à la charge de l'employeur dès lors qu'aucun abus du CHSCT n'est établi, ne s'applique qu'aux litiges opposant l'employeur au CHSCT.

5. La Cour de cassation juge également de façon constante (Soc., 22 février 2017, pourvoi n° 15-10.548, Bull. 2017, V, n° 24 ; Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-21.616) qu'en cas de contestation, il incombe au juge saisi du litige de fixer, au regard des diligences accomplies, le montant des frais et honoraires d'avocat exposés par le CHSCT qui seront mis à la charge de l'employeur en application de l'article L. 4614-13 du code du travail.

6. Si l'action du CHSCT qui s'est constitué partie civile devant la juridiction pénale sur les poursuites exercées par le ministère public du chef de délit d'entrave au fonctionnement du CHSCT, n'est pas étrangère à sa mission, les dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail ne bénéficient qu'au CHSCT et n'ouvrent pas à l'avocat de ce dernier une action directe, en son nom propre et pour son propre compte, contre l'employeur.

7. En l'espèce, l'arrêt constate que la facture n° 1904 du 10 juin 2016 d'un montant de 10 800 euros concernait la procédure pénale suivie contre l'employeur du chef du délit d'entrave au cours de laquelle le comité s'était constitué partie civile. Il relève cependant que, par arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nîmes du 28 avril 2017, les citations directes de l'employeur par le ministère public pour délit d'entrave au fonctionnement du comité saisissant le tribunal correctionnel ont été annulées.

8. En conséquence, la cour d'appel a décidé à bon droit que l'avocat du comité ne disposait pas d'un recours contre l'employeur en paiement des honoraires facturés par lui, dès lors qu'il appartenait au comité de faire fixer par la juridiction civile, en fonction des diligences accomplies, le montant des frais de procédure devant être pris en charge par l'employeur en application de l'article L. 4614-13 du code du travail.

9. D'autre part, il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la société d'avocats devant la cour d'appel que le moyen fondé sur l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été invoqué devant les juges du fond.

10. Enfin, la société d'avocats n'est pas privée de tout recours effectif dès lors qu'en application de l'article 9, VI, de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, l'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d'entreprise, des comités d'établissement, des comités centraux d'entreprise, des délégations uniques du personnel, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des instances prévues à l'article L. 2391-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la publication de l'ordonnance, existant à la date de publication de l'ordonnance sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques prévus au titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard au 31 décembre 2019.

11. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est, dès lors, pas fondé en sa seconde branche.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Juris-Thalès aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Juris-Thalès et la condamne à payer à la société Aldi marché [Localité 3] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

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