1 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.289

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00404

Titres et sommaires

BANQUE - Paiement - Opération de paiement non autorisée - Applications diverses - Modification ultérieure du numéro IBAN du compte destinataire par un tiers

Il résulte des articles L. 133-3 et L. 133-6 du code monétaire et financier dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, qu'une opération de paiement initié par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de service de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti à son bénéficiaire. Aux termes de l'article L. 133-18 du même code, en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu, sauf, dans le cas d'une opération réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19 du même code. Ne constitue pas une opération autorisée un ordre de virement régulier lors de sa rédaction mais dont le numéro IBAN du compte destinataire a été ultérieurement modifié par un tiers à l'insu du donneur d'ordre

BANQUE - Compte - Virement - Paiement - Opération de paiement non autorisée - Applications diverses - Modification ultérieure du numéro IBAN du compte destinataire par un tiers

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 404 F-B


Pourvois n°
A 21-19.289
P 21-21.831 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2023


I - 1°/ M. [Z] [I],

2°/ Mme [N] [J], épouse [I],

domiciliés tous deux [Adresse 2] (Belgique),

ont formé le pourvoi n° A 21-19.289 contre un arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant :

1°/ à la société ING Belgique, société anonyme de droit belge, dont le siège est [Adresse 3] (Belgique),

2°/ à la société la Banque postale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

II - La Société ING Belgique, a formé le pourvoi n° P 21-21.831 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [Z] [I],

2°/ à Mme [N] [J], épouse [I],

3°/ à la société la Banque postale,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs aux pourvois n° A 21-21.289 et P 21-21.831 invoquent, à l'appui de chacun de leur recours, deux moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société ING Belgique, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société la Banque postale, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 21-19.289 et P 21-21.831 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2021), le 4 juillet 2015, M. et Mme [I] ont rempli, signé et adressé par lettre simple à la société la Banque postale deux ordres de virement de, respectivement, 14 000 euros et 86 000 euros, à exécuter à partir de leur compte-joint ouvert dans les livres de cette banque.

3. Les ordres de virement mentionnaient Mme [I] comme bénéficiaire et comportaient les coordonnées de son compte détenu auprès de la société ING Belgique.

4. Le 29 juillet 2015, M. et Mme [I] ont constaté que les fonds virés n'avaient pas été crédités sur le compte détenu auprès de la société ING Belgique et ont appris de la société la Banque postale qu'ils avaient été versés sur un compte tiers à la suite d'une modification du numéro IBAN figurant sur les ordres de virement.

5. Le 23 décembre 2015, M. et Mme [I] ont assigné la société la Banque postale en remboursement, laquelle a appelé en garantie la société ING Belgique.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi n° A 21-19.289 et les premier et second moyens du pourvoi n° P 21-21.831


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen du pourvoi n° A 21-19.289

Enoncé du moyen

7. Par leur premier moyen, M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de remboursement de la somme de 100 000 euros par la société la Banque postale, alors « qu'aux termes de l'article L. 133-18 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2017/1252 du 9 août 2017, "en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 dudit code, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu" ; que ce texte ne distingue pas selon que l'opération non autorisée consiste en un ordre de virement faux ab initio ou en un ordre de virement falsifié ; qu'en retenant en l'espèce qu'un virement falsifié après sa rédaction régulière ne constitue pas un virement non autorisé au sens de ce texte et en réservant en conséquence le bénéfice du droit légal à remboursement prévu par celui-ci aux seuls ordres de virement faux ab initio, soumettant, en revanche, les ordres de virement falsifiés à un régime de responsabilité pour faute du banquier, la cour d'appel a violé l'article L. 133-18 du code monétaire et financier, dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2017/1252 du 9 août 2017, tel qu'il doit s'interpréter au regard des articles 54 et 60 de la directive n° 2007/64/CE du 13 novembre 2007. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 133-3, L. 133-6 et L. 133-18 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 :

8. Il résulte des deux premiers de ces textes qu'une opération de paiement initié par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de service de paiement, est réputée autorisée uniquement si le payeur a également consenti à son bénéficiaire.

9. Aux termes du dernier, en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24 du code monétaire et financier, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu, sauf, dans le cas d'une opération réalisée au moyen d'un instrument de paiement doté de données de sécurité personnalisées, si la responsabilité du payeur est engagée en application de l'article L. 133-19 du même code.

10. Pour rejeter la demande de condamnation de la société la Banque postale à rembourser la somme de 100 000 euros à M. et Mme [I], l'arrêt retient que, dans l'hypothèse d'un ordre de virement régulier lors de sa rédaction mais ultérieurement falsifié, notamment par la modification du nom ou du numéro de compte du bénéficiaire, il n'y a pas de virement non autorisé, de sorte que la responsabilité de la société la Banque postale ne peut être recherchée que pour faute. Il ajoute que la modification du numéro IBAN et l'existence d'un grattage ne se révélant que par un examen particulièrement minutieux des documents et sous une lumière puissante, il ne peut être reproché à la société la Banque postale de ne pas avoir décelé une telle falsification et que, justifiant des diligences entreprises pour tenter de récupérer les fonds dès qu'elle a été informée de la malversation, sa responsabilité n'est pas engagée.

11. En statuant ainsi, alors qu'un ordre de virement régulier lors de sa rédaction mais dont le numéro IBAN du compte destinataire a été ultérieurement modifié par un tiers à l'insu du donneur d'ordre ne constitue pas une opération autorisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement, elle déboute M. et Mme [I] de leur demande de remboursement de la somme de 100 000 euros par la société la Banque postale et de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société la Banque postale et la société ING Belgique aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés la Banque postale et ING Belgique ainsi que celle formée par M. et Mme [I] à l'encontre de la société ING Belgique et condamne la société la Banque postale à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

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