1 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.924

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100377

Titres et sommaires

INDIVISION - Chose indivise - Usage - Usage par un indivisaire - Effets - Indemnité d'occupation - Attribution - Conditions - Indivision en jouissance - Défaut - Portée

Selon l'article 815-9 du code civil, l'indemnité due au titre de l'occupation d'un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère. Aux termes de l'article 582 du même code, l'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit. Il résulte de ces textes qu'en cas d'indivision portant sur la nue-propriété, l'indivisaire occupant n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation à cette indivision, en l'absence d'indivision en jouissance

INDIVISION - Chose indivise - Usage - Usage par un indivisaire - Effets - Indemnité d'occupation - Attribution - Conditions - Indivision en jouissance - Défaut - Cas - Indivision portant sur la nue-propriété

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2023




Cassation sans renvoi


Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 377 F-B

Pourvoi n° F 21-14.924




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2023

M. [W] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-14.924 contre l'arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 3e chambre famille), dans le litige l'opposant à Mme [R] [D], épouse [S] [P], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Beauvois, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [F], après débats en l'audience publique du 12 avril 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Beauvois, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2021), par ordonnance de non-conciliation du 12 mai 2014, un juge aux affaires familiales a attribué à M. [F] la jouissance à titre onéreux du domicile conjugal, bien indivis en nue-propriété avec Mme [D], son épouse séparée de biens.

2. Un jugement du 26 mai 2016 a prononcé le divorce.

3. Le 10 avril 2018, Mme [D] a assigné M. [F] en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. M. [F] fait grief à l'arrêt de le dire redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à compter du 12 mai 2014, alors :

« 2°/ qu'une indemnité due au titre de l'occupation d'un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère ; que l'usufruitier a seul le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit ; qu'en l'espèce, pour dire M. [F], indivisaire, redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision en nue-propriété, la cour d'appel a retenu que « la seule privation de jouissance subie par le coïndivisaire génère un droit à indemnité » ; qu'en statuant ainsi, tandis que, la privation de jouissance subie par le coïndivisaire ne génère de droit à indemnité que si l'indivision a droit aux fruits, ce qui n'est pas le cas lorsque celle-ci ne porte que sur la nue-propriété du bien, la cour d'appel a violé, par une fausse application, l'article 815-9 du code civil et, par refus d'application, l'article 582 de ce code ;

3°/ qu'une indemnité due au titre de l'occupation d'un bien indivis, a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère ; que l'usufruitier a seul le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit ; qu'en l'espèce, pour dire M. [F], indivisaire, redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision en nue-propriété, la cour d'appel a retenu que « le démembrement de propriété entre les époux et Mme [V] [L] veuve [F] mère, usufruitière est indifférent dès lors que M. [F] occupe effectivement le bien indivis qui constituait le domicile conjugal occupé par les époux malgré ledit démembrement de propriété et que ce démembrement de propriété est sans incidence sur la privation de jouissance subie par l'épouse » ; qu'en statuant ainsi, quand l'existence d'un usufruit grevant les biens indivis prive l'indivision de tout droit aux fruits et, par voie de conséquence, de tout droit à une indemnité d'occupation, la cour d'appel a violé, par une fausse application, l'article 815-9 du code civil et, par refus d'application, l'article 582 de ce code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 815-9 et 582 du code civil :

5. Il résulte du premier de ces textes, que l'indemnité due au titre de l'occupation d'un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère.

6. Aux termes du second, l'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit.

7. Pour dire M. [F], indivisaire, redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à compter du 12 mai 2014, l'arrêt retient qu'en vertu de l'ordonnance de non-conciliation, celui-ci jouit privativement du bien indivis qui constituait le domicile conjugal et que la seule privation de jouissance subie par Mme [D], coïndivisaire, génère un droit à indemnité, peu important l'existence d'un démembrement de propriété entre les époux et la mère de M. [F], usufruitière.

8. En statuant ainsi, alors qu'il n'existait pas d'indivision en jouissance entre les époux nus-propriétaires, de sorte qu'aucune indemnité d'occupation n'était due par M. [F] envers l'indivision, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement en ce qu'il dit que M. [F] est redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à compter du 12 mai 2014 ;

Dit que M. [F] n'est pas redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour l'utilisation privative du bien indivis, sis sur la commune de [Localité 3] (07) ;

Condamne Mme [D] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [D] à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-trois.

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