25 mai 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/09401

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 25 MAI 2023



(n° / 2023, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09401 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF2CV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2022L00900





APPELANTE



S.A.S. OMNAM FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 850 143 322,

Dont le siège social est situé [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]





Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Assistée de Me Thibaut LEFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : L265,





INTIMES



Maître [R] [J], ès qualités,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 484 709 191,

Dont l'étude est située [Adresse 1]

[Localité 6]



Non constituée





S.E.L.A.S. BL & ASSOCIES, ès qualités,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRÉTEIL sous le numéro 898 429 816,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 7]





S.E.L.A.R.L. BLERIOT & ASSOCIES, ès qualités

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 6]





S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, ès qualités,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 6]





Représentées par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018,

Assistées de Me Julien ANDREZ de la SCP AyacheSalama, avocat au barreau de PARIS, toque : P334,





S.N.C. CAPENA OFFICE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 845 174 515,

Dont le siège social est situé [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]





Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056,





PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES :





S.E.L.A.S. MJS PARTNERS, ès qualités,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 6]





Maître [R] [J], ès qualités,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 484 709 191,

Dont l'étude est située [Adresse 1]

[Localité 6]





Représentées par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018,

Assistées de Me Julien ANDREZ de la SCP AyacheSalama, avocat au barreau de PARIS, toque : P334,





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double rapporteur de Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport,



Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère



Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [E] [Z] dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL







ARRÊT :



- Réputé contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.




*

* *



FAITS ET PROCÉDURE:



Le groupe Omnam est un groupe immobilier international qui réhabilite et développe des immeubles emblématiques pour le compte de tiers investisseurs.



En 2018, la société Omnam UK a conduit des discussions avec un trust chypriotte détenu par des investisseurs israéliens, portant sur la transformation des Tours Mercuriales à [Localité 8] (93), notamment en un ensemble hôtelier.



Le11 octobre 2018, la société Omnam UK ayant pour représentant légal M.[W] [H], a signé une promesse de vente globale des Tours Mercuriales avec la SAS Foncière les Mercuriales comportant une clause de substitution au profit de sociétés en cours d'immatriculation. La promesse a été consentie moyennant un prix de 102.740.000,00 euros, assorti d'un crédit vendeur à hauteur de 85 millions d'euros.



Le 4 janvier 2019, ont été constituées et immatriculées les sociétés SNC Capena Office, SNC Capena Hôtel et SNC Capena parking, ayant pour dirigeant M.[W] [H].



Le 31 janvier 2019, les SNC Capena se sont substituées à Omnam UK dans le bénéfice de la promesse de vente, selon la répartition suivante:



- la SNC Capena Hôtel, la Tour Ponant et la salle S

- la SNC Capena Office, la Tour Levant

- la SNC Capena Parking, le lot de parkings



La SAS Omnam France, également dirigée par M.[W] [H], a été constituée le 16 avril 2019 avec pour objet la recherche, l'étude, la structuration, l'organisation, la réalisation et la gestion de tout programme de construction, réhabilitation, restructuration et aménagement ou autre projet immobilier.Elle devait assurer l'aspect opérationnel du projet de réhabilitation des tours Mercuriales.



Par trois actes notariés du 6 juin 2019, les SNC Capena ont acquis auprès de la SAS Foncière les Mercuriales, selon la répartition ci-dessus les Tours Mercuriales pour les montants respectifs de 55,44 millions d'euros TTC/ 39,1 millions d'euros TTC/ 8,2 millions d'euros). Des contrats de crédits-vendeur ont été signés par chacune des sociétés Capena avec le vendeur, pour des montants payables à terme le 6 juin 2020, le vendeur ayant transféré sa créance de crédit-vendeur à la société de droit luxembourgeois European Real Estate Deb II (Ered II), alors son actionnaire unique. Ces crédits-vendeur étaient garantis par trois contrats de fiducie-sûreté, la société Equitis Gestion étant le fiduciaire et la société Ered II le bénéficiaire, ainsi que par le privilège de vendeur de l'article 2374 du code civil, par une hypothèque sur les immeubles et un cautionnement solidaire.



La gestion du projet a été confiée aux sociétés du groupe Omnam. A cet effet, trois contrats ont été conclus le 1er juillet 2019:



- un contrat " Devlopment management agreement " entre Omnam France et Capena Hôtel,

- un contrat " Development management agreement " entre Omnam France et Capena Office

- un contrat "Services Agreement" entre Omnam UK, Capena Hôtel et Capena Office .



Le 7 août 2019, Omnam France a déposé auprès des services de la mairie de [Localité 8] une demande de permis de construire et de démolition, qui lui a été délivré le

24 février 2020.



Face aux difficultés rencontrées pour la réalisation du projet, les contrats de crédit-vendeur ont été prorogés à deux reprises, leur nouveau terme étant reporté au 31 mars 2021 au lieu du 6 juin 2020. La défaillance des sociétés Capena persistant, la société Ered II a notifié la réalisation de la fiducie-sûreté à la société Equitis Gestion en lui demandant d'exercer son droit de vote d'associé des sociétés Capena, de nommer un nouveau gérant et de mettre en oeuvre un processus de cession des tours.



Le 16 avril 2021, le fiduciaire ( Equitis Gestion) est devenu l'unique associé des sociétés Capena (la part sociale détenue par M.[H] lui étant transférée). Le 11 juin 2021, M.[H] a été révoqué de son mandat de gérant des sociétés Capena et remplacé par la société Infinitis.



Sur déclaration de cessation des paiements du nouveau gérant et par jugement du 28 octobre 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de chacune des sociétés Capena Hôtel, Capena Office et Capena Parking, la date de cessation des paiements étant fixée au 30 septembre 2021. La SELAS BL&Associés en la personne de Maître [O] et la SELARL Bleriot & Associés, en la personne de Maître [F] ont été désignés co-administrateurs judiciaires avec une mission d'assistance.Maître [J] et la SELAS MJS Partners en la personne de Maître [C] ont été nommés co-mandataires judiciaires.



Le 8 avril 2022, les administrateurs judiciaires de la société Capena Office, invoquant l'existence de flux financiers anormaux ont fait assigner la société Omnam France devant le tribunal de commerce de Bobigny en extension de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de Capena Office en application de l'article L621-2 alinéa 2 du code de commerce.



Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a étendu la procédure de redressement judiciaire de la SNC Capena Office à la SAS Omnam France, dit que les patrimoines seront confondus, maintenu Maître [J] et la SELAS MJS Partners, en la personne de Maître [C] comme mandataires judiciaires, et la SELAS BL&Associés en la personne de Maître [O] et la SELARL Bleriot et associés, en la personne de Maître [F] comme administrateurs judiciaires avec mission d'assister le débiteur pour tous actes de gestion et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure de redressement judiciaire.



Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment relevé que la réalité de l'exécution du contrat conclu le 1er juillet 2019, aux termes duquel Omnam France s'était engagée moyennant rémunération à fournir des services à Capena Office en vue de la réhabilitation de la Tour Mercuriale, était à l'opposé de sa précision rédactionnelle, Omnam France n'ayant produit aucun des rapports qui lui incombait au titre de sa période de rémunération, ne justifiant pas des travaux réalisés, ne produisait même pas les factures établies à l'attention de Capena Office, de sorte que la totalité des versements étaient intervenus dans des conditions anormales ou non usuelles et de façon non conformes aux stipulations contractuelles prévoyant un paiement sous 30 jours. Le tribunal a également considéré qu'Omnam France avait entretenu une confusion patrimoniale en se comportant auprès des tiers comme un propriétaire, ayant voulu négocier les modalités de transfert du permis de construire qu'elle avait obtenu en se prévalant de la qualité de 'owner' , alors que Capena Office aurait dû être titulaire du permis dès son obtention.



La SAS Omnam France a relevé appel de cette décision le 1er juin 2022. L'affaire a été orientée en circuit court.



Par ordonnance du 13 décembre 2022 le président de la chambre, statuant sur l'incident soulevé par la société Omnam France a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 8 novembre 2022 par la société Capena Office.



Le 8 décembre 2022, le tribunal a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné la SELAS MJS Partners, en la personne de Maître [C] et Maître [J], ès qualités de co-liquidateurs judiciaires.



Dans ses dernières conclusions (n°3)déposées augreffe et notifiées le 28 février 2023 la SAS Omnam France demande à la cour de déclarer recevable et fondé son appel, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, constater l'absence de flux anormaux entre les sociétés Capena Office et Omnam France, l'absence d'imbrication des comptes des sociétés Capena Office et Omnam France, constater qu'il n'existe dès lors aucun juste motif permettant de démontrer une confusion de patrimoines, en conséquence, dire n'y avoir lieu de lui étendre la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la SNC Capena Office, débouter la SELAS MJS Partners, en la personne de Maître [C] et Maître [J], ès qualités de co-liquidateurs de leurs demandes, fins et conclusions, y ajoutant condamner solidairement la SELAS MJS Partners, en la personne de Maître [C] et Maître [J], au paiement de 50.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.



Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA les 18 août 2022 et 28 septembre 2022, la SELAS BL & Associés, en la personne de Maître [O], la SELARL Bleriot & Associés, en la personne de Maître [F] , en leur qualité de co-administrateurs judiciaires des sociétés Capena Hôtel, Office et Parking, et la SELAS MJS Partners en la personne de Maître [C], ès qualités de co-mandataire judiciaire de ces sociétés, demandent à la cour de débouter la société Omnam France de toutes ses fins, demandes et conclusions et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.



Par conclusions d'intervention volontaire et au fond déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 février 2023, la SELAS MJS Partners en la personne de Maître [C] et Maître [J], en qualité de co-liquidateurs judiciaire des sociétés Capena Office et Omnam France demandent à la cour de débouter la société Omnam France de toutes ses fins, demandes et conclusions et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.






SUR CE



Il résulte de l'article L 621-2 al 2 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire par renvoi de l'article L631-7 du même code qu' " À la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale'.



Les organes de la procédure fondent leur demande d'extension sur la confusion de patrimoines des sociétés Capena Office et Omnam, cette confusion résultant selon eux des difficultés à établir leurs comptabilités respectives, de relations financières anormales caractérisées par des flux de trésorerie inexpliqués entre les deux sociétés, de la confusion entretenue par Omnam France à l'égard des tiers s'agissant du permis de construire obtenu qu'elle refusait de transférer sans en tirer un bénéfice et de la mise à disposition gratuite de plus de 450m² de locaux dans l'une des tours.



La société Omnam conteste toute confusion de patrimoines et relations financières anormales.



Il sera liminairement relevé que l'extension sollicitée ne concernant que les sociétés Capena Office et Omnam France, il n'y a pas lieu d'analyser les mouvements de fonds concernant les deux autres sociétés Capena avec les sociétés du groupe Omnam, ni les relations financières entre Capena Office et les sociétés du groupe Omnam autres que Omnam France.



Omnam France faisant valoir que les flux ayant existé avec Capena Office, loin d'être anormaux, étaient au contraire en cohérence avec les relations contractuelles définies, il y a lieu d'analyser les conventions existantes.



Omnam invoque tout d'abord l'article 20.20 du contrat de crédit-vendeur (Vendor Loan Agreement) conclu le 6 juin 2019, entre d'une part la société Foncière les Mercuriales agissant en tant que vendeur des tours et crédit-vendeur et d'autre part les trois SNC Capena, d'un montant de 85 millions d'euros.



Ce contrat, auquel Omnam France n'était pas partie, prévoit en son article 20.20 les conditions auxquelles pourra être conclu un contrat de gestion de projet groupe. Il stipule ainsi que les SNC Capena s'engagent à ne conclure un contrat de gestion de projet groupe que dans la mesure où le montant total cumulé des frais et commissions payables par tous les Acquéreurs à tous les cocontractants au titre de tous les Contrats de Gestion de Projet Groupe n'excède pas 2.400.000 euros pendant la première année suivant la date du présent contrat et par la suite 3.600.000 euros jusqu'à ce que les crédits-vendeur soient remboursés en totalité, étant précisé que tout paiement effectué au titre de ces contrats sera limité au plus bas des montants mentionnés ci-dessus et des montants indiqués dans le budget.



La convention définit le Contrat de Gestion de Projet Groupe, de la manière suivante: ' pour un Immeuble un accord de gestion de projet conclu ou devant être conclu entre l'Acquéreur concerné et un Affilié du Sponsor ou d'un membre du Groupe se rapportant entre autres à l'élaboration de la conception finale et effective des travaux de rénovation, à la supervision des travaux, à la gestion du projet et de la construction, au suivi des essais, au suivi du coordinateur de la sécurité, au service des permis de construire, au support administratif et/ou à la gestion budgétaire relatif audit Immeuble.'



Ce plafond de dépenses, ainsi défini dans le cadre des relations crédit-vendeur/ acquéreur, est manifestement destiné à préserver les droits du crédit-vendeur afin d'éviter que des contrats de gestion de projet trop onéreux ne viennent empêcher les sociétés cessionnaires de faire face au paiement du crédit-vendeur. Contrairement à ce que soutient la société Omnam France, il ne constitue pas le cadre contractuel régissant ses relations avec Capena Office. Le moyen pris de ce que les montants facturés et payés sur 12 mois sont inférieurs aux plafonds de rémunération déterminés dans le Vendor Loan Agreement n'est donc pas opérant.



C'est en réalité la convention du 1er juillet 2019, intitulée 'Development Management Agreement relating to a property located in [Localité 8] France, conclue entre Omnam France et Capena Office qui constitue le cadre des relations contractuelles entre ces deux sociétés.



Le contrat de Development Management Agreement stipule que Capena Office a décidé pour réaliser son projet de retenir les services d'Omnam France aux conditions du contrat.



Un contrat de même nature a concomitamment été conclu entre Omnam France et Capena Hôtel, et un troisième contrat entre Omnam UK d'une part, et Capena Office et Capena Hôtel d'autre part intitulé 'Services Agreement relating to a property located in [Localité 8]'.



Le contrat confie une mission opérationnelle très large à Omnam France contre rémunération. Rédigé en langue anglaise, le contrat mentionne toutefois en français dans le texte les termes 'maître d'ouvrage délégué' notamment à l'article 3.9 pour désigner Omnam France.



Les organes de la procédure soutiennent tout d'abord qu'Omnam France a manqué à son obligation générale figurant à l'annexe 3q du contrat relative à la tenue de la comptabilité/coordination et gestion des services d'audit (Bookkepping/audit services coordination & management), applicable à tous les stades du chantier, en ce qu'il a fallu plus de 18 mois pour reconstituer les comptes sociaux de Capena Office pour l'exercice 2019 (publiés en avril 2022), cette déshérence de la comptabilité s'étant étendue à la propre comptabilité d'Omnam France. Ils attribuent cette situation à l'intrication des comptes, l'absence de comptabilité ayant permis à Omnam France d'accaparer la trésorerie de Capena Office.



Toutefois, s'il est constant que les comptes sociaux 2019 de Capena Office ont été déposés avec retard, ils ont néanmoins été établis, puis audités par KPMG, qui n'a pas formulé de réserves quant aux mouvements de fonds avec Omnam France.



Omnam France explique que l'avancement du projet a été compromis par la crise sanitaire, que Capena Office a été contrainte, en l'absence de fonds suffisants de la part des investisseurs, de différer le règlement des honoraires de l'expert-comptable ce qui a conduit ce dernier à mettre un terme à sa mission, qu'elle a dans ces conditions usé de la faculté offerte par le législateur de reporter l'établissement des comptes. Si c'est également avec retard qu'Omnam France a établi et déposé ses propres comptes, ceux-ci ont en définitive aussi été établis, de sorte qu'il existe des comptes distincts pour chacune des deux sociétés. Le retard dans l'établissement des comptes ne traduit pas une relation financière anormale, mais un éventuel manquement dans l'exécution de la convention liant les parties.



Quant aux 'anomalies' comptables invoquées par les organes de la procédure, il sera relevé que si dans son travail sur les comptes de Capena Office, la société d'expertise comptable DK Partners relève de nombreux 'points en suspens' au 31 décembre 2020 et au 31 décembre 2021, relativement au sort de factures de fournisseurs sur lesquelles elle a besoin d'information, ce compte-rendu n'établit pas le caractère anormal des flux entre Capena Office et Omnam France, mais seulement l'existence de ces flux.



Les organes de la procédure font à cet égard état d'importants mouvements de trésorerie entre les sociétés Capena et Omnam France représentant au titre de l'exercice 2019 ( 7 mois) un montant total de 2.703.390 euros et correspondant en ce qui concerne Capena Office à 817.053 euros en 2019 et 178.866 euros en 2020. Ils considèrent qu'aucune explication n'a été donnée quant aux prestations correspondant à ces montants et que cette rémunération fût-elle forfaitaire supposait la réalisation effectives de prestations, Omnam France ne pouvant se contenter de prétendre qu'elle n'a pas facturé au-delà du plafond contractuel.



Le montant des fonds réglés par Capena Office à Omnam France au titre de l'exercice 2019 (à compter de juin 2019), soit la somme de 817.035 euros n'est pas en lui-même contesté. Dans sa pièce 22 (tableau page 17), qui retrace les mouvements de fonds entre ces deux sociétés, Omnam mentionne en effet:



- 29.490 euros au titre des coûts de développement,

- 787.545 euros au titre des management fees

soit un total de 817.035 euros entre septembre et décembre 2019.



Ainsi qu'il a été dit Omnam France avait la qualité de maître d'ouvrage délégué de l'opération immobilière menée pour le compte de Capena Office et le contrat de gestion du projet lui conférait les plus larges pouvoirs notamment pour désigner directement tous les consultants pour la réalisation de toutes les études nécessaires au projet et devait fournir les services que l'on peut raisonnablement attendre d'un maître d'ouvrage délégué pour assurer la bonne réalisation du projet.



L'article 11 du contrat, intitulé 'Fee' prévoit qu' Omnam France percevra une rémunération mensuelle 'upon specified invoice from the Commencement Date'. Si le mode de calcul de cette rémunération n'est pas spécifié, le principe d'une rémunération pour Omnam France en contrepartie de l'exécution des prestations lui incombant, résulte en revanche bien du contrat.



Omnam France précise avoir accompli en tant que développeur immobilier et maitre d'ouvrage délégué les prestations suivantes: choix des prestataires, organisation des appels d'offres, préparation du projet de désign de réhabilitation, division des volumes entre les deux tours et les parties communes et l'ensemble des démarches auprès du cadastre, reconstitution des volumes manquants, préparation de la demande de permis de construire et de démolir, autorisations particulières (immeubles de grande hauteur/ architecte des bâtiments de France), procédure d'éviction des locataires des tours Mercuriales, opérations de désamiantage. Il est constant qu'un permis de construire/démolir a bien été obtenu par Omnam France.



Les organes de la procédure n'établissent pas que les versements effectués par Capena Office au profit d'Omnam France dans ce cadre contractuel étaient dépourvus de cause ou sans contrepartie pour Capena Office. Le débat existant sur l'adéquation entre le montant de la rémunération perçue par Omnam France et l'importance des prestations exécutées ou sur la mauvaise exécution des missions confiées à Omnam France relève de l'exécution du contrat et d'une éventuelle réduction du droit à rémunération, mais ne suffit pas à caractériser des relations financières anormales, incompatibles avec les obligations contractuelles des parties.



Il en est de même du remboursement à Omnam France des frais se rapportant à deux factures émises par la société israélienne Tax solutions Ltd (pièce 45 de l'appelante) d'un montant de 21.542,50 USD et de 526,50 USD, relatives à des consultations en matière de fiscalité internationale au sujet desquelles les intimés soutiennent qu'il s'agit de prestations sans lien avec l'objet de Capena Office, société française.



S'agissant du permis de construire, la demande en a été faite par Omnam France le 7 août 2019 et le permis a été délivré à son nom le 24 février 2020. Le permis ne mentionne pas Capena Office, propriétaire de la tour, mais Omnam en sa qualité de maître d'ouvrage délégué disposait de la possibilité de déposer la demande de permis de construire. S'il ressort des pièces aux débats, qu'Omnam France a tenté de résister au transfert du permis de contruire, réclamé par les administrateurs judiciaires en tant qu'actif de Capena Office, en faisant valoir que l'obtention d'un permis autorisant un changement de destination ayant nécessité des autorisations spécifiques aux immeubles de grande hauteur ( IGH) , avait été réalisée par le seul groupe Omnam, en amont et en marge des contrats de développement et en 'dehors de tout cadre contractuel avec les SNC Capena', c'était pour monnayer ce transfert, transfert qui est depuis intervenu.



Cette résistance a posteriori, intervenue parallélement à la décision des administrateurs judiciaires de ne pas poursuivre le contrat de gestion de projet, quand bien même elle ne se justifiait pas, trouve son origine dans la volonté d'Omnam France de préserver son droit à rémunération pour l'ensemble du projet, et ne caractérise pas une confusion des patrimoines.



Quant à la mise à disposition gratuite de 453 m² de bureaux dans la tour Levant appartenant à Capena Office et de 2 parkings, elle résulte d'un contrat de prêt à usage conclu le 6 janvier 2020 entre les sociétés Capena Office et Capena Parking d'une part et Omnam France, pour une durée de deux ans. Le contrat précise que le prêt prendra fin de plein droit le 31 décembre 2022 et qu'une occupation au-delà de cette date n'ouvrirait aucun droit pour l'emprunteur.



Ainsi que l'expose Omnam France, cette mise à disposition s'explique par la nécessité d'installer l'ensemble de l'équipe gestionnaire du projet directement sur le site. Le projet impliquait une restructuration des tours, donc d'importants travaux de réaménagement à l'intérieur de celles-ci et rendait indispensable la libération des locaux, des actions étant conduites en ce sens auprès des occupants. Dans cette perspective, il n'était donc pas envisageable pour Capena Office de continuer à louer partie des locaux à des tiers à l'opération, de sorte que ce prêt à usage gratuit, en lien direct après le projet qu'elle entendait conduire, ne lui a pas fait perdre de loyer, étant observé qu'Omnam France avait l'obligation d'entretenir les locaux mis à sa disposition pendant la durée du prêt.



Ainsi, la gratuité de l'usage de locaux pour une durée de deux ans qui est en lien direct avec le projet de construction conduit par Omnam France pour Capena Office, ne s'analyse pas en une relation financière anormale.



Les conditions d'une extension de la procédure collective n'étant pas établies, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a étendu à Omnam France, la procédure collective ouverte à l'égard de Capena Office et déboutera les organes de la procédure de leur demande.



- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive



Omnam France soutient que l'action en extension initiée par les administrateurs judiciaires constitue un détournement de procédure,en ce qu'elle n'avait pour but que d'obtenir le permis de construire, qui constituait le seul actif, sans avoir à débattre sur les conditions de son transfert, alors que des discussions étaient en cours.



Toutefois, le rejet de la demande d'extension ne suffit pas à caractériser un abus du droit d'agir des organes de la procédure. La société Omnam France sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.



- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective de la société Capena Office.



Aucune considération d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de procédure collective,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Rejette la demande d'extension à la société Omnam France de la procédure collective ouverte à l'égard de la SNC Capena Office,



Déboute la société Omnam France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,



Rejette toutes les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,



Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective de la société Capena Office.









La greffière,





Liselotte FENOUIL



La présidente,





Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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