25 mai 2023
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 21/01689

Chambre Sociale

Texte de la décision

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 25 MAI 2023 à

la SCP BLACHER - GEVAUDAN

la SELARL DERBY AVOCATS

Me LEPAGE





AD



ARRÊT du : 25 MAI 2023



MINUTE N° : - 23



N° RG 21/01689 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMI2



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 05 Mai 2021 - Section : ENCADREMENT







APPELANTS :



SOCIETE ANONYME SPORTIVE PROFESSIONNELLE [Localité 11] FC prise en la personne de son représentant légal en exercice,

[Adresse 10]

[Localité 3]



représentée par Me Nathalie BLACHER de la SCP BLACHER - GEVAUDAN, avocat au barreau de TOURS



Maître [F] [U] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SASP [Localité 11] FC

[Adresse 1]

[Localité 6]



représenté par Me Nathalie BLACHER de la SCP BLACHER - GEVAUDAN, avocat au barreau de TOURS



ET



INTIMÉ :



Monsieur [O] [M]

[Adresse 5]

[Localité 4]



représenté par Me Samuel CHEVRET de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS





PARTIES INTERVENANTES :



S.E.L.A.R.L. MJ CORP, représentée par Maître [T] [L], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SASP [Localité 11] FC,

[Adresse 2]



non représentée, n'ayant pas constitué avocat



Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) intervenant par l'UNEDIC - CGEA de RENNES, agissant poursuites et diligences de son président, en qualité de gestionnaire de l'AGS,

[Adresse 7]

[Adresse 7]



représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS





Ordonnance de clôture : 7 mars 2023



Audience publique du 14 Mars 2023 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.



Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :



Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller



Puis le 25 Mai 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.




FAITS ET PROCÉDURE



Selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2016, M. [O] [M] a été engagé par la SASP [Localité 11] FC en qualité de directeur des services, statut cadre.



La relation de travail était régie par la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football (C.C.P.A.A.F).



Le [Localité 11] Football club a évolué en ligue 2 et avait le statut de club de football professionnel. Il a fait l'objet d'une rétrogradation administrative au niveau National 3 à l'issue de la saison sportive 2018/2019, perdant ainsi son statut de club professionnel. Des licenciements pour motif économique ont été prononcés durant l'été 2019.



Par requête adressée par lettre recommandée envoyée le 12 février 2020 et reçue au greffe le 17 février 2020, M. [O] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.



Par un jugement du 5 mai 2021 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Tours a':



- Jugé que certaines demandes de M. [O] [M] de rappel de salaire, détaillées ci-après, sont fondées.



En conséquence,



En conséquence,



- Dit que la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC versera à M. [O] [M] les sommes suivantes':

- 8 043, 75 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté 2016 et 804 euros de congés payés afférents, en deniers ou quittance

- 35 564, 76 euros et 3 556,48 euros au titre de rappel de prime d'ancienneté 2017 à janvier 2021 inclus et congés payés afférents, en deniers ou quittance

- 5 313.72 euros au titre de la prime 20 ans d'activité,

- 40 451 euros et 4 045 euros au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents,

- 2 353 euros au titre des heures de nuit, outre 235 euros de congés payés afférents

- 9 692 euros d'indemnités au titre des repos compensateurs non pris,

- 5 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail.



-Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] [M] aux torts de la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC.



En conséquence,



La SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC versera à M. [M] les sommes suivantes':

16 121 euros et 1 612 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis et congés payés afférents,

77 133 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

49 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement réputé sans cause réelle et sérieuse,



-Dit que SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC versera à M. [M] la somme de 1 500 euros nets sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile



-Rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les créances salariales sur la base moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire prévue à l'article R.1454-28 du Code du travail qui s'établit dans le cas présent à la somme brute de 5 373.72 euros.



-Ordonné la remise par la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC à M. [M] d'un bulletin de paie et des documents de fin de contrat conformes au présent jugement dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, ou passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.



-Se réserve la faculté de liquider ladite astreinte



-Rejeté toutes autres demandes plus amples et reconventionnelles.



-Dit que la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC sera tenue aux entiers dépens de la présente instance.



La SASP [Localité 11] FC a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Tours du 25 mai 2021, la Selarl Mj Corp, prise en la personne de Maître [T] [L], étant nommée mandataire judiciaire et Maître [F] [U] étant nommé administrateur judiciaire.



Le 29 mai 2021, M. [M] a été licencié pour faute grave.



Le 31 mai 2021, la SASP [Localité 11] FC et Maître [F] [U], en sa qualité d'administrateur judiciaire, ont relevé appel du jugement du conseil de prud'hommes.



Un plan de redressement sur 10 ans a été arrêté par jugement du tribunal de commerce de Tours du 3 mai 2022, la Selarl Mj Corp, prise en la personne de Maître [T] [L], étant nommée Commissaire à l'exécution du plan.







PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Vu les dernières conclusions remises au greffe le'21 février 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la SASP [Localité 11] FC demande à la cour de':



-Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Tours, en date du 5 mai 2021,

-Débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-Condamner M. [M] au paiement d'une somme de 3.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.





Vu les dernières conclusions remises au greffe le'12 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [O] [M] demande à la cour de':



Au titre des rappels de salaire

- '8 043,75 euros outre 804 euros de congés payés afférents (bulletins de paie janvier 2019 non versé) rappel de prime d'ancienneté 2016

- '5 313,72 euros outre 531 euros de congés payés afférents pour prime 20 ans d'activité non versée ;

- '35 564 76 euros outre 3556 euros de congés payés afférents (bulletins de paie janvier 2019 non versé) pour rappel de prime d'ancienneté 2017 à 2020

- '40 451 euros outre 4 045 euros de congés payés afférents pour heures supplémentaires

- '9 692 euros au titre des repos compensateurs non pris

- '2 353 euros au titre des heures de nuit outre 235 euros de congés payés afférents

- '5 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail

-Fixer au passif du redressement judiciaire de la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC la créance de M. [M] pour les sommes suivantes

- '8 043,75 euros outre 804 euros de congés payés afférents (bulletins de paie janvier 2019 non versé) rappel de prime d'ancienneté 2016

- '5 313,72 euros outre 531euros de congés payés afférents pour prime 20 ans d'activité non versée ;

- '35 564 76 euros outre 3556 euros de congés payés afférents (bulletins de paie janvier 2019 non versé) pour rappel de prime d'ancienneté 2017 à 2020

- '40 451 euros outre 4 045 euros de congés payés afférents pour heures supplémentaires

- '9 692 euros au titre des repos compensateurs non pris

- '2 353 euros au titre des heures de nuit outre 235 euros de congés payés afférents

- '5 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail



Au titre de la résiliation judiciaire du contrat :

-Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [M] aux torts de la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC.



En conséquence infirmant partiellement la décision dont appel sur le quantum des condamnations:

-Fixer au passif du redressement judiciaire de la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC les sommes suivantes au profit de M. [M]:

- '17 464 euros outre 1746 euros de congés payés afférents au titre de l'indemnité de préavis

- '84 118 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- '116 000 euros dommages et intérêts pour licenciement abusif



Subsidiairement si la Cour estimait devoir entrer en voie de condamnations contre la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC redevenue in bonis

-Condamner la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC les sommes suivantes au profit de M. [M] :

- '8 043,75 euros outre 804 euros de congés payés afférents (bulletins de paie janvier 2019 non versé) rappel de prime d'ancienneté 2016

- '5 313,72 euros outre 531euros de congés payés afférents pour prime 20 ans d'activité non versée ;

- '35 564 76 euros outre 3556 euros de congés payés afférents (bulletins de paie janvier 2019 non versé) pour rappel de prime d'ancienneté 2017 à 2020

- '40 451 euros outre 4 045 euros de congés payés afférents pour heures supplémentaires

- '9 692 eurod au titre des repos compensateurs non pris

- '2 353 euros au titre des heures de nuit outre 235 euros de congés payés afférents

- '5 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail



Au titre de la résiliation judiciaire du contrat

- '17 464 euros outre 1746 euros de congés payés afférents au titre de l'indemnité de préavis

- '84 118 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- '116 000 euros dommages et intérêts pour licenciement abusif



Condamner la SA Sportive Professionnelle [Localité 11] FC à verser à M. [M] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.



Ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard des bulletins de paie rectifiés et documents de fin de contrat, passé un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir.

Dire et juger la décision à intervenir commune et opposable à l'AGS-CGEA.





Vu les dernières conclusions remises au greffe le 27 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles l'Unedic délégation AGS CGEA de Rennes demande à la cour de':



-Réformer en tout point la décision entreprise,

-S'entendre M. [M] débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.



A titre subsidiaire,

-Réduire à de plus justes proportions les éventuels dommages et intérêts qui pourraient lui être alloués



En toute hypothèse,

-Déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA en qualité de gestionnaire de l'AGS, dans les limites prévues aux articles L 3253-8 et suivants du Code du travail, et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail.

La garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du Code du travail. En l'espèce, le plafond applicable est le plafond 6.





La Selarl Mj Corp, à laquelle les conclusions de l'AGS et de M. [O] [M] ont été signifiées les 31 janvier 2022 et 11 janvier 2023, par actes remis à personne, n'a pas constitué avocat.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2023.






MOTIFS



A titre liminaire, ainsi que le soutient M. [O] [M], les sommes qui lui sont dues à titre de rappel de salaire et d'indemnité doivent, s'agissant de créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective, être fixées au passif de la procédure collective de la SASP [Localité 11] FC, peu important l'adoption d'un plan de redressement (Soc., 20 mai 1992, pourvoi n° 90-43.286, Bull. 1992, V, n° 321).





Sur le rappel de prime d'ancienneté



La relation de travail entre la SASP [Localité 11] FC et M. [O] [M] était régie par la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football (C.C.P.A.A.F).



M. [O] [M] a droit à une prime d'ancienneté calculée selon les modalités de l'article 53 de ce texte.





Lors de la conclusion du contrat de travail, le 1er février 2016, l'ancienneté à prendre en compte n'était pas celle au sein de l'entreprise mais « l'ancienneté dans la profession», soit la somme des anciennetés acquises dans les emplois relevant du champ d'application de la convention collective.



Le texte conventionnel a été modifié pendant le cours de la relation de travail. Cependant, les partenaires sociaux ont prévu, s'agissant des contrats en cours au 30 juin 2017, tels que celui de M. [O] [M], que le salarié bénéficiant du taux d'ancienneté applicable avant l'entrée en vigueur du nouveau barème le conserve.



M. [O] [M] a saisi la juridiction prud'homale par requête adressée par lettre recommandée envoyée le 12 février 2020 et reçue au greffe le 17 février 2020.



La SASP [Localité 11] FC ne soulève, dans le dispositif de ses conclusions, aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription.



En application de l'article L. 3245-1 du code du travail, M. [O] [M] est recevable à former une demande de rappel de salaire au titre des primes dues depuis le mois de février 2017 inclus.



Il est mentionné sur le bulletin de paie de janvier 2020 une somme de 8043,75 euros brut à titre de « régularisation de prime d'ancienneté 2016 ».



La SASP [Localité 11] FC ne démontre ni même n'allègue avoir versé cette somme.



Il ne résulte d'aucun élément du dossier que c'est par erreur que l'employeur aurait porté cette mention sur le bulletin de paie, étant relevé que M. [O] [M] n'a pas bénéficié en 2016 de la prime d'ancienneté qui lui était applicable.



Contrairement à ce que soutient la SASP [Localité 11] FC, la demande formée à ce titre par M. [O] [M] s'analyse comme une demande portant sur un élément de salaire dû au titre du mois de janvier 2020, date d'établissement du bulletin de paie, et non pas comme une demande de rappel de salaire au titre de l'année 2016. Cette demande n'est donc pas prescrite.



M. [O] [M] justifie des périodes d'emploi sur des postes et auprès d'employeurs relevant de la convention collective dont il se prévaut dans le calcul de l'ancienneté (pièces n° 17 et 18).



A cet égard, contrairement à ce que soutient la SASP [Localité 11] FC, la période de service civique à la Ligue de Paris Ile-de-France de football doit être prise en compte dans la détermination de l'ancienneté. En effet, il importe peu que M. [O] [M] n'ait pas eu le statut de salarié puisque le texte conventionnel n'impose pas une telle condition, l'ancienneté acquise étant celle dans la profession.



Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [O] [M] les sommes de 8 043,75 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté 2016 et de 804 euros au titre des congés payés afférents.



Il y a lieu de fixer le rappel de prime d'ancienneté pour la période du 1er février 2017au 31 décembre 2020 sur la base de la méthode de calcul proposée par l'employeur (conclusions p. 11 et 12), en prenant en compte le mois de février 2017 et en excluant





le mois de janvier 2021. Il convient de préciser que cette méthode aboutit à « neutraliser » les retenues opérées sur la prime d'ancienneté à compter d'avril 2020.



Par voie d'infirmation du jugement, il y a lieu de fixer la créance de M. [O] [M] à ce titre à 34'161,12 euros brut et 3 416,11 euros brut au titre des congés payés afférents.





Sur la prime au titre des 20 ans d'ancienneté



Aux termes de l'article 53 de la convention collective, à 20 ans d'ancienneté, le salarié perçoit une gratification exceptionnelle unique correspondant à 1 mois de rémunération brute mensuelle totale (salaire de base + prime d'ancienneté).



L'employeur indique que M. [O] [M] a acquis 20 ans d'ancienneté le 1er mai 2020 (conclusions, p. 11). Il n'invoque aucun moyen de fait et de droit à l'appui de sa demande d'infirmation du chef de dispositif du jugement ayant fait droit à la demande du salarié.



Il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.





Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires



Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I et Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 17-31.046, FP, P+R+I).



Au soutien de sa demande, M. [O] [M] produit un décompte mentionnant les horaires de travail et le nombre d'heures de travail qu'il prétend avoir réalisés, chaque jour, entre le 6 février 2017 et le 1er mars 2020 (pièce n° 6), ainsi qu'un décompte de sa créance (pièce n° 10) et des échanges de courriels (pièces n° 7, 8 et 9).



Les éléments versés aux débats par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.



La SASP [Localité 11] FC critique les éléments produits par le salarié, en faisant notamment valoir que de nombreuses heures de travail qu'il revendique ne peuvent s'analyser comme du temps de travail effectif dans la mesure où elles n'ont pas été effectuées à la demande de l'employeur.



La SASP [Localité 11] FC ne verse aux débats aucun décompte des heures de travail effectivement accomplies par M. [O] [M].



Le contrat de travail, en son article 4, se borne à prévoir que le salarié exerce ses fonctions « selon les horaires en vigueur dans le club et sur une base temps plein ».



Le contrat de travail prévoit que M. [O] [M] exerce les fonctions de directeur de l'organisation et de la sécurité du club et précise que le salarié peut être amené à se déplacer. Il ressort des courriels qu'il verse aux débats (pièce 8) que le salarié a affectivement exercé cette fonction et que la pratique était que le directeur de l'organisation et de la sécurité se déplace pour les matchs joués à l'extérieur (courriel du 13 août 2018 à 22 h 24 organisant l'accueil du directeur de l'organisation et de la sécurité du RC [Localité 9] et courriel du 5 septembre 2018 à 19 h 57 déplorant l'absence de déplacement d'un responsable du club [Localité 8] FC pour un match joué à [Localité 11]).



Par conséquent, le temps passé dans le stade et les locaux de l'équipe adverse à l'occasion d'un match joué à l'extérieur doit s'analyser comme du temps de travail effectif. Il en est de même du temps de déplacement entre le siège du club de [Localité 11] et le stade de l'équipe adverse.



M. [O] [M] justifie qu'en sa qualité de directeur des services il était convié à différents événements, tels que la soirée des voeux du maire de [Localité 11], auxquels il se rendait avec l'accord de son employeur (pièces n° 30 et 31). La participation à ces événements faisait donc partie des attributions du salarié. Le temps qui y était consacré est donc du temps de travail effectif.



Il ressort du dossier d'organisation de la rencontre [Localité 11] FC / RC [Localité 9] (pièce 25 du dossier du salarié) que M. [O] [M] était responsable de l'organisation générale et de la sécurité et devait, avec M. [V] et la société SOS, assurer la responsabilité du dispositif de sûreté à l'intérieur de l'enceinte du stade. Il y a donc lieu de retenir que, comme l'affirme le salarié, il travaillait jusqu'à 23 h 59 les vendredis où un match de ligue 2 était organisé au stade de la vallée du Cher, à [Localité 11].



Il apparaît cependant, s'agissant des courriels envoyés tardivement ou le dimanche, que l'intégralité du temps séparant l'émission de deux courriels ou la fin de la journée de travail et l'envoi d'un courriel ne peut être considéré comme du temps de travail.



Au regard des éléments produits par l'une et l'autre des parties, il y a lieu de fixer à 27 000 euros brut la créance de M. [O] [M] au titre des heures supplémentaires, outre 2 700 euros brut au titre des congés payés afférents.



Certaines de ces heures ont été accomplies au-delà de 22 heures et ouvrent droit à repos équivalent à 25 % de la durée de travail effectuée au-delà de cet horaire.



M. [O] [M] n'ayant pas été mis en mesure par son employeur de bénéficier de ce temps de repos, il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 1'568 euros net, ainsi que la somme de 156,80 euros net correspondant aux congés payés afférents.





Sur la contrepartie obligatoire en repos



Il y a lieu de retenir que le salarié a accompli en 2017, 2018 et 2019 des heures de travail au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires, ce contingent étant de 220 heures.



Au regard des éléments produits devant la cour, il y a lieu de fixer à 6'454 euros net la créance de M. [O] [M] au titre de la contrepartie obligatoire en repos, cette somme incluant les congés payés afférents.





Sur la demande de dommages-intérêts pour dépassement des durées maximales de travail et non-respect des repos quotidien et hebdomadaire



Il ressort des pièces produites par le salarié que les dispositions imposant de faire bénéficier un salarié de 11 heures consécutives de repos quotidien et de 24 heures consécutives de repos hebdomadaire, en plus du repos quotidien, n'ont pas été respectées à plusieurs reprises, de même que celles relatives à l'amplitude maximale de la journée de travail et à la durée maximale hebdomadaire de travail.



L'employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir respecté les dispositions d'ordre public du code du travail relatives aux durées minimales quotidienne et hebdomadaire de repos et aux durées maximales de travail.



Par voie d'infirmation du jugement, il y a lieu de fixer à 2 000 euros la créance de M. [O] [M] à titre de dommages-intérêts pour dépassement des durées maximales de travail et non-respect des repos quotidien et hebdomadaire.





Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail



Ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes, les sommes dues au titre du treizième mois mentionnées sur le bulletin de paie de décembre 2019 n'ont été réglées que le 15 mai 2020. Les difficultés financières rencontrées par la SASP [Localité 11] FC ne sauraient atténuer la gravité de ce manquement à une obligation essentielle du contrat.



M. [O] [M] a également effectué un grand nombre d'heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées.



Chacun de ces manquements est, à lui seul, suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.



Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail. Il y a lieu de fixer la date d'effet de la résiliation au 5 mai 2021, date de prononcé de la décision du conseil de prud'hommes.





Sur les conséquences pécuniaires de la rupture



En application de l'article 21 de la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football, la durée du préavis applicable aux cadres, tels que M. [O] [M], est de trois mois.



Le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis qu'il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé durant le préavis.









Il y a lieu de fixer la créance de M. [O] [M] aux sommes de 15'750 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 575 euros brut au titre des congés payés afférents.





M. [O] [M] peut prétendre à une indemnité de licenciement calculée selon les modalités de l'article 23 de la convention collective. Conformément à ce texte, l'ancienneté est fixée en prenant en compte les périodes de travail au sein de la profession, incluant celles antérieures à l'engagement par la SASP [Localité 11] FC. La période à prendre en considération s'étend du 1er juillet 1999 au 5 mai 2021, date de la résiliation judiciaire du contrat de travail, à l'exclusion de la période de préavis. L'indemnité de licenciement doit être fixée à 73'937,50 euros net.





Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.



Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.



M. [O] [M] a acquis une ancienneté de cinq années complètes au moment de la rupture. Le montant maximal de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est de 6 mois de salaire brut.



Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).



Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de fixer à 25 000 euros brut la créance de M. [O] [M] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Le jugement est infirmé de ces chefs.





Sur la remise d'un bulletin de paie



Il y a lieu d'ordonner à la Selarl Mj Corp ès qualités de remettre à M. [O] [M] un bulletin de salaire conforme aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.



Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d'une astreinte.





Sur l'intervention de l'AGS



Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC - CGEA de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [O] [M] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, le plafond applicable étant le plafond 6.



Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après un plan de redressement au régime de la procédure collective. Dès lors, la garantie de l'AGS doit intervenir dans les conditions des articles L. 3253-8 à L. 3253-17 du code du travail (Soc., 27 octobre 1998, pourvoi n° 95-45.353).





Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.



Il y a lieu de fixer les dépens de l'instance d'appel au passif de la procédure collective de la SASP [Localité 11] FC.



L'équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles de l'instance d'appel.







PAR CES MOTIFS



La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition du greffe :



Infirme le jugement rendu le 5 mai 2021, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Tours, en sa section de l'encadrement, mais seulement en ce qu'il a condamné la SASP [Localité 11] FC à payer à M. [O] [M] les sommes de 35.564,76 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté 2017 à janvier 2021, de 3.556,48 euros au titre des congés payés afférents, de 40 451 euros au titre des heures supplémentaires, de 4 045 euros au titre des congés payés afférents, de 2.353 euros au titre des heures de nuit, outre 235 euros de congés payés afférents, de 9 692 euros d'indemnités au titre des repos compensateurs non pris, de 5 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail, de 16 121 euros brut au titre de l'indemnité de préavis, de 1 612 euros au titre des congés payés afférents, de 77 133 euros au titre de l'indemnité de licenciement et de 49 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement réputé sans cause réelle et sérieuse ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :



Fixe la créance de M. [O] [M] au passif de la procédure collective de la SASP [Localité 11] FC aux sommes suivantes :

- 34'161,12 euros brut à titre de rappel de prime d'ancienneté pour la période du 1er février 2017au 31 décembre 2020 ;

- 3 416,11 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 27 000 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 2 700 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 1'568 euros net au titre des repos pour heures de nuit ;

- 156,80 euros net au titre de la somme correspondant aux congés payés afférents ;

- 6'454 euros net au titre de la contrepartie obligatoire en repos, cette somme incluant les congés payés afférents ;

- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement des durées maximales de travail et non-respect des repos quotidien et hebdomadaire ;

- 15'750 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 575 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 73'937,50 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

- 25 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;



Ordonne à la Selarl Mj Corp ès qualités de remettre à M. [O] [M] un bulletin de paie conforme aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte ;



Déclare le présent arrêt opposable à l'Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l'UNEDIC - CGEA de Rennes, laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées à M. [O] [M] que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail, le plafond applicable étant le plafond 6 ;



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Fixe les dépens de l'instance d'appel au passif de la procédure collective de la SASP [Localité 11] FC.





Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier





Karine DUPONT Alexandre DAVID

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