25 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.560

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300343

Texte de la décision

CIV. 3

RM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 343 F-D

Pourvoi n° E 21-24.560




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023

M. [A] [I], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 21-24.560 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [L] [F], épouse [M], domiciliée [Adresse 11],

2°/ à [Z] [V], domicilié [Adresse 7], décédé,

3°/ à M. [O] [V], domicilié [Adresse 5],

4°/ à Mme [X] [V]-[M], épouse [T], domiciliée [Adresse 10],

5°/ à Mme [N] [H], veuve [V], domiciliée [Adresse 9],

6°/ à M. [U] [V], domicilié [Adresse 8],

7°/ à Mme [W] [V], domiciliée [Adresse 4],

8°/ à Mme [P] [V], domiciliée [Adresse 6],

tous quatre pris en qualité d'héritiers d'[Z] [V],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [L] [M], MM. [U] et [O] [V], Mmes [N], [W] et [P] [V] et Mme [X] [V]-[M], après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mmes [N], [W], [P] [V] et à M. [U] [V], en leur qualité respective d'ayants droit d'[Z] [V], décédé le 5 mai 2022, de leur reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 octobre 2021), Mme [L] [M], [Z] [V] et M. [O] [V], et Mme [X] [V]-[M] (les consorts [M]-[V]) ont hérité de la propriété d'une parcelle bâtie cadastrée section AA n° [Cadastre 2].

3. M. [I] est propriétaire, depuis le 26 avril 2000, d'une parcelle contigüe, cadastrée section AA n° [Cadastre 3].

4. Contestant le retrait par leur voisin d'une gouttière installée à sa demande, avec autorisation de l'autorité municipale, sur la toiture de leur bâtiment, les consorts [M]-[V] l'ont assigné en remise en place de cet ouvrage. Ils ont également demandé le retrait de compteurs de gaz installés sur le mur séparatif est de leurs deux parcelles qui, selon eux, leur appartient.

5. A titre reconventionnel, M. [I] a revendiqué l'acquisition de la mitoyenneté du mur litigieux et demandé la condamnation des consorts [M]-[V] à canaliser leurs eaux de pluie qui s'écoulent de leur toiture et se déversent sur son fonds.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en condamnation des consorts [M]-[V] à canaliser leurs eaux de pluie provenant du versant est de leur toiture, alors « que si une servitude d'écoulement des eaux pluviales peut s'acquérir par prescription, c'est à la condition que la possession soit continue et apparente ; qu'en se bornant à relever que de 1966 à 2009, la toiture des consorts [M]-[V] n'avait pas été modifiée pour rejeter la demande de canalisation des eaux pluviales formulée par M. [I], qui contestait le caractère apparent de la possession, la cour d'appel a violé l'article 690 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la toiture datait de 1966 et qu'elle n'avait pas été modifiée avant 2009, date à laquelle une gouttière avait été installée sur son versant est pour éviter les déversements d'eaux pluviales sur le fonds de M. [I], ce dont il résultait que la servitude était révélée par la configuration de la toiture elle-même, la cour d'appel a pu en déduire que les consorts [M]-[V] étaient fondés à se prévaloir d'une servitude d'écoulement des eaux pluviales acquise par prescription trentenaire.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. [I] fait grief à l'arrêt de le condamner à enlever ses compteurs de gaz implantés dans le mur privatif des consorts [M]-[V], alors : « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité, le défaut de réponse à conclusions constituant un défaut de motif ; que dans ses conclusions d'appel M. [I] invoquait la prescription acquisitive de la mitoyenneté du mur du rez-de-chaussée sur lequel sont accrochés les compteurs litigieux ; qu'en se bornant en l'espèce à relever que le mur litigieux était intégralement construit sur la parcelle des consorts [M]-[V], sans vérifier si le fait d'appuyer une construction contre ce mur ne constituait pas un acte de possession caractérisé et si le maintien de cette situation pendant trente ans ne pouvait donner lieu à acquisition de la mitoyenneté par prescription, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

11. Pour rejeter la demande d'enlèvement des compteurs du mur séparatif, l'arrêt retient que cet ouvrage est intégralement construit sur la parcelle des consorts [M]-[V], et qu'il n'est pas établi que sa surépaisseur corresponde à la largeur d'origine du mur, ce dont il déduit qu'il présente un caractère privatif.

12. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [I] qui soutenait que même privatif, la mitoyenneté du mur litigieux avait été acquise par prescription, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [I] à enlever ses compteurs de gaz implantés dans le mur privatif des consorts [M]-[V], et ce, dans un délai de trois mois suivant la signification de cette décision, sous astreinte passé ce délai de 20 euros par jour de retard pendant trois mois, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [L] [M], MM. [U] et [O] [V], Mmes [N], [W] et [P] [V] et Mme [X] [V]-[M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.

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