25 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.887

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C300338

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 338 F-D

Pourvoi n° K 21-24.887




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023

1°/ M. [L] [F], domicilié [Adresse 4],

2°/ Mme [V] [F], divorcée [B], domiciliée [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° K 21-24.887 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [Y] [U], domiciliée [Adresse 5],

2°/ à M. [D] [U],

3°/ à Mme [J] [R], épouse [U],

domiciliés tous deux [Adresse 6], 4°/ à Mme [N] [F], épouse [M], domiciliée [Adresse 7],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [L] [F] et de Mme [V] [F], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [Y] [U] et de M. et Mme [U], après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 septembre 2021), M. et Mme [U] ainsi que Mme [Y] [U], leur fille, (les consorts [U]), sont respectivement usufruitiers et nu-propriétaire de parcelles cadastrées A n° [Cadastre 1] et [Cadastre 3].

2. Sur la seconde, qui jouxte celle cadastrée A n° [Cadastre 2] supportant un chemin d'exploitation et appartenant à M. [F] et Mme [F], pour l'avoir héritée de leur père, les consorts [U] ont fait construire un garage.

3. Le 6 octobre 2016, ces derniers ont assigné M. [F] et Mme [F] en revendication de la propriété de la parcelle A n° [Cadastre 2] sur le fondement de la prescription trentenaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. M. [F] et Mme [F] font grief à l'arrêt de juger que les consorts [U] sont propriétaires par prescription trentenaire de l'intégralité de la parcelle A n° [Cadastre 2] et de rejeter leurs demandes en cessation de l'empiétement et en paiement de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que pour pouvoir prescrire, il faut une possession non équivoque exercée à titre de propriétaire ; qu'en se bornant, pour juger que les consorts [U] avaient acquis par prescription la propriété de la parcelle A [Cadastre 2], à relever que « les consorts [U] démontr[ai]ent avoir empierré la quasi-intégralité du chemin d'exploitation afin de le rendre carrossable », et qu'ils « entret[enaient] régulièrement les lieux depuis 1975 par des opérations de tonte et de débroussaillage, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser des actes de possession non équivoques, incompatibles avec les droits des autres usagers du chemin d'exploitation passant sur la parcelle litigieuse, lesquels participaient également à son entretien, a privé sa décision de base légale au regard des article 2258 et 2261 du code civil ;

2°/ qu'en toute hypothèse, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ; qu'en relevant, pour juger que les consorts [U] avaient acquis par prescription la propriété de la parcelle A [Cadastre 2], qu'ils « démontr[ai]ent avoir empierré la quasi-intégralité du chemin d'exploitation afin de le rendre carrossable », sans relever que ces actes de possession, à les supposer utiles pour prescrire, avaient été exercés depuis plus de trente ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2258 et 2272 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2258 et 2261 du code civil :

5. Aux termes du premier de ces textes, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

6. Aux termes du second, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

7. Pour retenir que les consorts [U] ont prescrit la propriété de l'intégralité de la parcelle A n° [Cadastre 2], l'arrêt énonce que celle-ci doit être appréhendée dans son ensemble, en l'absence d'un état de division établi par un géomètre, puis relève qu'en 1975, ils y avaient implanté un portail et une clôture, et qu'ils avaient entretenu « les lieux » régulièrement depuis cette date, par des opérations de tonte et de débroussaillage.

8. Il ajoute qu'ils ont fait procéder à l'empierrement de la quasi-totalité du chemin d'exploitation traversant la parcelle, pour le rendre carrossable, alors que M. [F] et Mme [F], qui n'avaient pas justifié de tels actes, ne s'étaient pas comportés comme propriétaires de cette voie d'accès depuis trente ans. Il relève, enfin, que plusieurs témoins, dont le père de M. [F] et Mme [F], avaient notamment désigné M. [U] comme propriétaire de la parcelle A n° [Cadastre 2].

9. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi les actes d'entretien retenus sans date ni localisation précises, constituaient des actes de possession de la parcelle A n° [Cadastre 2], incompatibles avec les droits des autres usagers du chemin d'exploitation, tout en relevant la participation financière de l'un des propriétaires riverains aux travaux réalisés sur l'assiette du chemin la traversant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme [Y] [U], Mme [J] [U] et M. [D] [U], ensemble, sont propriétaires par prescription trentenaire de l'intégralité de la parcelle A n° [Cadastre 2], d'une contenance de 6 ares, et que la décision vaut titre de propriété et sera publiée au service de la publicité foncière à la requête de la partie la plus diligente, et confirme le jugement ayant rejeté les demandes de Mme [Y] [U], Mme [J] [U] et M. [D] [U] au titre de l'empiétement et en dommage-intérêts, l'arrêt rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. et Mme [U] et Mme [Y] [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [U] et Mme [Y] [U] et les condamne, in solidum, à payer à M. [F] et Mme [F] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.

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