25 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.075

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C200511

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 511 F-D

Pourvoi n° R 21-23.075




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023

Mme [S] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-23.075 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Allianz global corporate & specialty SE, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à M. [T] [R], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz global corporate & specialty SE, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 25 mars 2021), Mme [L] a été victime d'un accident de la circulation le 17 janvier 2014. Elle a perçu des indemnités journalières au titre de cet accident du travail jusqu'au 14 février 2016, avant d'être déclarée inapte à la reprise de son poste par le médecin du travail le 22 février 2016 et licenciée pour inaptitude le 16 mars suivant.

2. Elle a assigné l'assureur du véhicule impliqué, la société Allianz global corporate & specialty SE et la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse (la caisse) aux fins d'indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

3. Mme [L] fait grief à l'arrêt de retenir l'existence d'une perte de gains professionnels futurs mais uniquement pour la période des arrérages échus et ainsi d'écarter toute perte de gains professionnels futurs pour la période des arrérages à échoir et de fixer en conséquence, la perte de gains professionnels futurs à la seule somme de 36 398,96 euros, de juger que cette perte était entièrement compensée par la rente servie par la caisse et ainsi de la débouter de sa demande d'indemnisation au titre de ce poste de préjudice, alors :

« 2°/ que dès lors qu'elles n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire au profit des tiers payeurs, les allocations perçues de Pôle emploi ne s'imputent pas sur la perte de revenus subie par la victime et ne doivent, dès lors, pas être prises en compte pour calculer sa perte de gains professionnels ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était cependant invitée, sur les raisons pour lesquelles elle avait, au mépris de la règle précitée, pour calculer la perte de gains professionnels futurs pour la période des arrérages échus, inclus, dans le revenu de la victime après l'accident, les sommes versées par Pôle emploi à titre d'allocations chômage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

3°/ que pour la débouter de sa demande d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs, la cour d'appel a relevé qu'avant son accident, datant du 17 janvier 2014, elle occupait un emploi de conseillère de vente en parfumerie et percevait à ce poste un salaire moyen mensuel de 1 231,04 euros, que, du fait de cet accident, elle avait été reconnue inapte à ce poste le 22 février 2016 par le médecin du travail et licenciée pour inaptitude le 16 mars 2016 et que, si elle avait retrouvé depuis 2016 un autre emploi, en l'occurrence celui de maquilleuse à domicile, sa rémunération mensuelle moyenne à ce poste n'était plus que de 643,96 euros, soit une différence de 587,08 euros par rapport au poste occupé avant l'accident ; qu'il résulte de ces constatations qu'au jour de l'arrêt attaqué, l'accident dont elle avait été victime l'avait définitivement empêchée de reprendre son emploi de conseillère de vente en parfumerie et l'avait contrainte, ensuite de son licenciement pour inaptitude, à occuper un emploi moins rémunérateur, de sorte qu'elle subissait nécessairement une perte de gains professionnels futurs pour la période postérieure à l'arrêt attaqué ; qu'en écartant cependant l'existence d'une perte de revenus pour la période des arrérages à échoir, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

4. Il résulte de ces textes que seules doivent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime les prestations versées par les tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation.

5. L'arrêt énonce que le premier juge a constaté que le licenciement était en lien de causalité directe avec l'accident et relève que la victime inscrite à Pôle emploi, exerce la profession de maquilleuse professionnelle à domicile à son compte et qu'elle a perdu son emploi de conseillère en parfumerie qui lui procurait un salaire moyen mensuel de 1 231,04 euros.

6. Il déduit de l'analyse des avis d'imposition des années 2016 à 2020 que la nouvelle activité professionnelle de Mme [L] lui procure des revenus moindres qu'il évalue à la somme mensuelle de 643,96 euros tenant ainsi compte des allocations chômage perçues.

7. Il ajoute que s'agissant de la perte de gains professionnels futurs à échoir,
le préjudice professionnel de la victime n'est ni total ni définitif et qu'elle peut trouver un emploi dans le domaine de l'esthétique, ce qu'elle a fait, la perception d'une rente accident du travail étant insuffisante à remettre en cause les conclusions de l'expert desquelles il découle qu'elle n'est pas inapte à tout emploi.

8. Il en conclut qu'en l'absence d'élément nouveau permettant de juger que Mme [L] n'a plus la possibilité de retrouver un emploi susceptible de lui procurer des revenus identiques à son emploi au moment de l'accident, il ne peut être fait droit à sa demande de pertes de gains professionnels futurs.

9. En statuant ainsi, d'une part, en prenant en compte les allocations chômage, qui n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire, sur les gains professionnels futurs de Mme [L] pour évaluer la perte de gains professionnels futurs échue, d'autre part, en rejetant la demande au titre de la perte de gains professionnels futurs à échoir, alors qu'il résultait de ses constatations que l'accident dont Mme [L] avait été victime l'avait empêchée de reprendre son emploi de conseillère en parfumerie et l'avait contrainte à exercer une autre activité professionnelle dont elle constatait qu'elle tirait des revenus moindres, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif rejetant la demande au titre des pertes de gains professionnels futurs entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif relatifs à l'incidence professionnelle et au déficit fonctionnel permanent, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, en raison de l'imputation par la cour d'appel de la rente accident du travail sur ces postes.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [L] au titre des pertes de gains professionnels futurs à la somme de 36 398,96 euros d'arrérages échus, au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 20 000 euros et au titre du déficit fonctionnel permanent à la somme de 8 536,83 euros + 19 513,17 euros (CPAM) au titre du déficit fonctionnel permanent et condamne en conséquence la société Allianz global corporate & specialty SE à payer à Mme [L] la somme de 72 745,19 euros dont devront être déduites les provisions déjà versées, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Allianz global corporate & specialty SE aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz global corporate & specialty SE et la condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.

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