25 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-16.848

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100354

Titres et sommaires

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin-chirurgien - Responsabilité contractuelle - Intervention chirurgicale - Atteinte au patient - Faute du praticien - Exclusion - Cas - Anomalie rendant l'atteinte inévitable

L'atteinte portée par un chirurgien, en accomplissant son geste chirurgical, à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est fautive, en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin-chirurgien - Responsabilité contractuelle - Intervention chirurgicale - Atteinte au patient - Faute du praticien - Exclusion - Cas - Survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique

Texte de la décision

CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Rejet


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 354 F-B

Pourvoi n° T 22-16.848




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023

1°/ M. [O] [C], domicilié [Adresse 2],

2°/ la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° T 22-16.848 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 5]-[Localité 6], dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [C] et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 mars 2022), après avoir subi, le 21 mai 2013, une réparation de la coiffe associée à une acromioplastie sous arthroscopie, réalisée par M. [C], chirurgien orthopédique, (le chirurgien), assuré auprès de la Société hospitalière d'assurance mutuelle (l'assureur), M. [D] a présenté une atteinte de la branche terminale du nerf supra-scapulaire.

2. Après avoir saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France et conformément à l'avis émis par celle-ci le 12 mai 2015, il a été indemnisé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) à hauteur de 124 652,30 euros.

3. Le 10 septembre 2018, l'ONIAM a assigné le chirurgien et son assureur en remboursement des sommes versées à M. [D]. La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 6] (la caisse) est intervenue à l'instance afin d'obtenir le remboursement de ses débours.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le chirurgien et son assureur font grief à l'arrêt de dire que M. [C] a commis une faute lors du geste chirurgical, de le déclarer responsable du préjudice subi par M. [D] et de les condamer in solidum à payer à l'ONIAM les sommes de 124 652,30 euros et de 1 750 euros au titre des frais d'expertise amiable et à la caisse la somme en capital de 45 115,93 euros représentant les prestations versées et les arrérages échus de la rente accident du travail au 8 septembre 2021, outre des intérêts ainsi que les arrérages à échoir, au fur et à mesure de leur échéance, d'une rente dont le capital constitutif est de 39 067,80 euros, outre des intérêts et une indemnité forfaitaire de gestion, alors :

« 1°/ que l'atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas est jugée fautive en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique ; que la mise en œuvre de cette présomption de faute implique toutefois qu'il soit tenu pour certain que l'atteinte a été causée par le chirurgien lui-même en accomplissant son geste chirurgical ; qu'en l'espèce, pour mettre en œuvre cette présomption de faute, la cour d'appel a retenu qu'« il importe peu que le mécanisme exact de la lésion soit défini, dès lors que l'alternative présentée par les experts entre deux mécanismes conduit nécessairement à retenir l'une d'entre elles » et en a déduit que « dès lors que l'anesthésie n'a pu causer une telle lésion, seule une maladresse commise par le chirurgien au cours de l'intervention litigieuse doit être retenue, quelle que soit les modalités pratiques d'une telle maladresse » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres, en l'état d'une intervention considérée par les experts avoir été exécutée dans les règles de l'art médical, à caractériser de façon certaine que l'atteinte avait été causée par le chirurgien lui-même en accomplissant son geste chirurgical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 1142-1, I, alinéa 1er , du code de la santé publique ;

2°/ subsidiairement, que l'atteinte portée par un chirurgien à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est jugée fautive en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique ; qu'en retenant, pour écarter tout aléa thérapeutique, que « la faible probabilité de la lésion ne résulte en réalité pas de la faible fréquence du risque de survenue d'une telle lésion dans le cadre de ce type de chirurgie, mais de la fréquence limitée d'une faute identique à celle commise par le chirurgien dans le cadre d'une intervention qui aurait dû exclure une telle erreur », la cour d'appel, statuant par voie de simple affirmation, s'est prononcée par des motifs impropres à exclure la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relevait de l'aléa thérapeutique, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 1142-1, I, alinéa 1er du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute dont la preuve incombe, en principe, au demandeur.

6. Cependant l'atteinte portée par un chirurgien, en accomplissant son geste chirurgical, à un organe ou un tissu que son intervention n'impliquait pas, est fautive, en l'absence de preuve par celui-ci d'une anomalie rendant l'atteinte inévitable ou de la survenance d'un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être maîtrisé, relève de l'aléa thérapeutique .

7. Dès lors qu'elle a retenu que les experts n'avaient envisagé que deux mécanismes susceptibles d'expliquer l'atteinte du nerf, l'un imputable à l'anesthésie, qui avait été exclu en raison des aiguilles utilisées et de l'étendue de l'atteinte, et l'autre imputable à une lésion directe du nerf sus-épineux lors de l'arthrolyse des adhérences entre la coiffe et la face profonde du deltoïde, que, s'ils n'expliquaient pas une telle lésion et estimaient peu plausible un tel mécanisme, l'alternative présentée conduisait nécessairement à retenir la seconde éventualité, qu'aucun risque n'avait été identifié par les experts pour expliquer la survenance d'une telle lésion et que l'étude de la littérature médicale ne rapportait pas de complication de ce type de sorte que l'atteinte était due à une maladresse technique, la cour d'appel a caractérisé la cause de l'atteinte et l'exclusion d'un aléa thérapeutique, justifiant ainsi légalement sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et la Société hospitalière d'assurances mutuelles et les condamne à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.

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