25 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.174

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100344

Titres et sommaires

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Domaine d'application - Préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux - Cas - Atteinte à une personne ou à un bien autre que le produit défectueux - Applications diverses

Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d'une atteinte à la réputation causée par une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, y compris par ricochet, sont couverts par le régime de responsabilité du fait des produits défectueux. Les dispositions de l'article 189 bis, devenu L. 110-4, I, du code de commerce, en ce qu'elles prévoient un délai de prescription de dix ans et non un délai-butoir enserrant un délai de prescription, ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une interprétation conforme à l'article 11 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, qui instaure un délai-butoir enserrant le délai de prescription de l'article 10, de sorte que l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit selon les dispositions du droit interne, soit à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu connaissance

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Producteur - Responsabilité - Action en responsabilité contractuelle - Prescription - Délai - Détermination

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Produit - Défectuosité - Dommage - Réparation - Régime - Domaine d'application - Cas - Préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux - Atteinte à la réputation

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription décennale - Article L. 110-4, I, du code de commerce - Domaine d'application - Responsabilité du fait des produits défectueux - Produit défectueux mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive - Produit défectueux mis en circulation avant la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 - Application des dispositions du droit interne

UNION EUROPEENNE - Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 - Interprétation par le juge national du droit interne au regard de la directive - Condition

UNION EUROPEENNE - Responsabilité du fait des produits défectueux - Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 - Domaine d'application - Limites - Détermination - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2023




Cassation partielle


M. SOULARD, premier président



Arrêt n° 344 FS-B

Pourvoi n° Y 21-23.174




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2023

La Société des automobiles Marcot, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-23.174 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Metz (renvoi après cassation), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [J], veuve [S], domiciliée [Adresse 8],

2°/ à Mme [X] [S], épouse [L], domiciliée [Adresse 5],

3°/ à Mme [E] [U], domiciliée [Adresse 6], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de son fils mineur [T] [S],

4°/ à la société Renault Trucks, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],

5°/ à la société Iveco France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Iribus France,

6°/ à la société Allianz Global Corporate & Speciality SE, dont le siège est [Adresse 10], venant aux droits de AGF IART,

7°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dont le siège est [Adresse 4],

8°/ à la société Gan assurances IARD, dont le siège est [Adresse 7],

9°/ à la société MMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société Covea Fleet,

défenderesses à la cassation.

La société Gan assurances IARD a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la Société des automobiles Marcot, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de la société Gan assurances IARD, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Iveco France, de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de la société Renault Trucks, de la société Allianz global corporate & speciality SE, et l'avis écrit et oral de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Soulard, Premier président, M. Chauvin, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la Société des automobiles Marcot (la société Marcot) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes [J], [S] et [U].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 24 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 18 mai 2016, pourvoi n° 14-16.234, Bull. IV, n° 76), le 5 juin 1991, la société Renault véhicules industriels, aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks, a vendu à la société Marcot un autocar qui avait été mis en circulation le 26 septembre 1990.

3. En janvier 1999, la société Renault véhicules industriels a apporté à la société Irisbus, devenue Iveco France, sa branche d'activités « autocars et autobus ».

4. Le 24 juin 1999, l'autocar acquis par la société Marcot a subi un accident, entraînant le décès du chauffeur, [M] [S], et des blessures aux passagers.

5. Le 7 juin 2005, la société Marcot, ainsi que la société Gan assurances, assureur de sa responsabilité civile, et la société Covea Fleet, assureur des dommages au véhicule, faisant valoir que l'accident avait été causé par la rupture d'un élément de roue de celui-ci, ont assigné en responsabilité les sociétés Iveco France et Renault Trucks. La société Iveco France a appelé en garantie la société Allianz Global Corporate & Specialty, assureur de la société Renault Trucks. Les ayants droit de [M] [S] et la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges sont intervenus à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Marcot fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors « que, selon l'article 9 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, les dispositions de celle-ci s'appliquent à la réparation du dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles et au dommage causé à une chose ou la destruction d'une chose, autre que le produit défectueux lui-même, sous déduction d'une franchise, à condition que cette chose soit d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés et ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés ; qu'en jugeant que « le préjudice moral, financier, commercial et d'image résultant des faits pour lequel une somme de 40 000 euros est demandé » entre dans le champ d'application de cette directive, quand ce préjudice, ne découlant pas d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, était exclu de son champ d'application, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

8. Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d'une atteinte à la réputation causée par une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, y compris par ricochet, sont couverts par le régime de responsabilité du fait des produits défectueux.

9. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'étaient réparables sur le fondement de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, les « préjudices moral, financier, commercial et d'image » que la société Marcot avait subis à la suite de la survenue de l'accident de l'autocar et de la gravité des dommages corporels qu'il avait provoqués.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

10. Par son moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, la société Marcot fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre des dommages entrant dans le champ d'application de la directive 85/374/CEE, alors :

« 2° / que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment le principe de sécurité juridique ; que la Cour de cassation juge de manière constante qu'en l'absence de précision par la loi, le point de départ de la prescription décennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime (V. not. Com., 12 mai 2004, n°02-10653, Bull. IV, n°93 ; Civ. 3e, 20 octobre 2004, n°02-21576 ; Com., 14 juin 2005, n°04-11241 ; Com., 27 septembre 2005, n°02-21045, Bull. IV, n°187 ; Com., 3 avril 2012, n° 09-16.805 ; Com., 17 mai 2017, n°15-21.260 ; Civ. 2e, 18 mai 2017, n°16-17.754, Bull. II, n°102 ; Civ. 1re, 16 janvier 2019, n°17-21.218) ; qu'en jugeant que « pour ce qui concerne les dommages entrant dans le champ de la directive, la fixation du point de départ du délai de dix ans prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce doit être fixé à la date de mise en circulation du bus litigieux, soit le 26 septembre 1990 », quand une telle solution, qui va à l'encontre d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation, n'était aucunement prévisible par les justiciables, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble le principe de sécurité juridique ;

3°/ que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ; qu'en jugeant que les demandes de la société des Automobiles Marcot concernant les dommages entrant dans le champ d'application de la directive sont irrecevables comme prescrites, aux motifs que l'article L. 110-4 du code de commerce, qui fixe un délai de prescription, doit être interprété à la lumière de l'article 11 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, quand cet article fixe un délai de forclusion et non de prescription, ce qu'elle a d'ailleurs admis en précisant qu'il s'agit d'« un délai butoir, qui peut être considéré comme un délai de forclusion et non de prescription », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi retenu une interprétation contra legem du droit national eu égard aux différences de nature, de finalité et de régime qui opposent ces deux délais, violant ainsi par fausse application l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause. »

11. Par son moyen, pris en sa première branche, la société Gan assurances fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'action en responsabilité contractuelle contre le fabriquant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime ; qu'en jugeant que « l'article L. 110-4 précité, en ce qu'il ne comporte aucune indication quant au point de départ de la prescription qu'il édicte, est susceptible d'être interprété, pour ce qui concerne la responsabilité du fait des produits défectueux, à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 » et que « par conséquent, (…) pour ce qui concerne les dommages entrant dans le champ de la directive, le point de départ du délai de dix ans prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce doit être fixé à la date de mise en circulation du bus litigieux », la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable à la cause, ensemble les principes généraux du droit de sécurité et de non-rétroactivité. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 189 bis, devenu L. 110-4, I, du code de commerce, celui-ci dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et les articles 10 et 11 de la directive 85/374/CEE :

12. Selon le premier de ces textes, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans.

13. Selon le deuxième, l'action en réparation prévue par directive se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

14. Selon le troisième, les droits conférés à la victime en application de la directive s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit qui a causé le dommage, à moins que durant cette période la victime n'ait engagé une procédure judiciaire contre celui-ci.

15. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler, C-212/04, du 15 avril 2008, Impact, C-268/06 et du 24 juin 2019, Poplawski, C-573/17) que, si le principe d'interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci, l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national.

16. La Cour de cassation a déjà jugé que l'action en responsabilité extra-contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé (1re Civ., 15 mai 2015, pourvoi n° 14-13.151, Bull. 2015, I, n° 117).

17. Les dispositions de l'article 189 bis, devenu L. 110-4, I, du code de commerce, en ce qu'elles prévoient un délai de prescription de dix ans et non un délai-butoir enserrant un délai de prescription, ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une interprétation conforme à l'article 11 de la directive qui instaure un délai-butoir enserrant le délai de prescription de l'article 10, de sorte que l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit selon les dispositions du droit interne, soit à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu connaissance (1re Civ., 9 juillet 2009, pourvoi n° 08-10.820, Bull. 2009, I, n° 172 ; 2e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-17.754, Bull. 2017, II, n° 102 ; 3e Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.898, publié).

18. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Marcot et de la société Gan assurances au titre des dommages entrant dans le champ d'application de la directive, l'arrêt retient que, l'article L. 110-4 du code de commerce ne précisant pas quel est le point de départ du délai qu'il fixe, il est susceptible, en ce qui concerne la responsabilité du fait des produits défectueux, d'être interprété à la lumière de l'article 11 de la directive et qu'en conséquence le point de départ du délai de dix ans doit être fixé à la date de mise en circulation de l'autocar, soit le 26 septembre 1990, que ce délai a expiré le 26 septembre 2000 et que l'action engagée le 7 juin 2005 par les sociétés Marcot et Gan assurances est donc prescrite.

19. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident, réunis

Enoncé des moyens

20. Par son moyen, pris en sa quatrième branche, la société Marcot fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre des dommages ne relevant pas du champ d'application de la directive 85/374/CEE, alors « que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle, exercée par l'acquéreur d'une chose contre son vendeur, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à l'acquéreur si celui-ci établit qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en jugeant, sur la recevabilité des demandes concernant des dommages ne relevant pas du champ d'application de la directive, qu'en matière d'obligations découlant du contrat de vente « et s'agissant d'une action relative aux qualités mêmes exigées du bien vendu indépendantes de toute faute contractuelle, il convient de considérer que l'obligation visée à l'article L. 110-4 du code de commerce se prescrit par dix ans à compter de la vente du bien litigieux », quand bien même la Société des Marcot fondait ses demandes sur la responsabilité contractuelle en raison du vice affectant l'autocar et du défaut d'information relatif à ce vice connu du fabricant-vendeur, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable. »

21. Par son moyen, pris en sa deuxième branche, la société Gan assurances fait le même grief à l'arrêt, alors « que le point de départ du délai de prescription décennal de l'article L. 110-4 du code de commerce tel qu'applicable avant la réforme de la prescription de 2008 courait à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle le dommage a été révélé à la victime ; qu'en jugeant que l'action fondée sur l'article L. 110-4 se prescrivait par dix ans à compter de la date de la vente du bien litigieux, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 189 bis, devenu L. 110-4, du code de commerce, celui-ci dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

22. Il résulte de ce texte que la prescription de l'action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

23. Pour déclarer irrecevables les demandes concernant des dommages ne relevant pas du champ d'application de la directive, l'arrêt retient que l'obligation visée à l'article L. 110-4 du code de commerce se prescrit par dix ans à compter de la date de la vente du bien litigieux.

24. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par la Société des automobiles Marcot et la société Gan assurances et en ce que, ajoutant au jugement déféré, il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne les sociétés Renault Trucks et Iveco France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés Renault Trucks et Iveco France à payer à la Société des automobiles Marcot la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.