23 mai 2023
Cour d'appel de Pau
RG n° 21/02792

1ère Chambre

Texte de la décision

BR/SH



Numéro 23/01740





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 23/05/2023







Dossier : N° RG 21/02792 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H6ZB





Nature affaire :



Demande en paiement du prix formée par le constructeur contre le maître de l'ouvrage ou son garant







Affaire :



[P] [Y]



C/



S.A.S.U. 6B ARCHITECTURE



























Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.







* * * * *





APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 20 Mars 2023, devant :



Madame REHM, magistrate honoraire chargée du rapport,



assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes,





Madame REHM, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :



Madame FAURE, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire,





qui en ont délibéré conformément à la loi.





















dans l'affaire opposant :













APPELANTE :



Madame [P] [Y]

née le 08 Octobre 1970 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Maître IRIART, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître CACHELOU, de la SARL DE TASSIGNY CACHELOU, avocat au barreau de PAU













INTIMEE :



S.A.S.U. 6B ARCHITECTURE

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître CHARBONNIER, avocat au barreau de PAU

























sur appel de la décision

en date du 08 JUILLET 2021

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU

RG numéro : 11-19-000047


























EXPOSE DU LITIGE



Madame [P] [Y] a procédé à la rénovation d'une maison individuelle dont elle est propriétaire, sise [Adresse 3] à [Localité 2] (64).



La maîtrise d'oeuvre de ces travaux a été confiée à la SASU 6B ARCHITECTURE, représentée par Monsieur [R] [Z], suivant lettre de mission n°15006 en date du 20 janvier 2016 moyennant une rémunération forfaitaire de 19 000,00 euros TTC soit 17 272,73 euros HT outre 1 727,27 euros au titre de la TVA au taux de 10 %.



La SASU 6B ARCHITECTURE s'est vue confier les missions de base suivantes :

- REL : relevé de l'existant ;

- ESQ : esquisses ;

- AVP : avant-projet ;

- DPC : dossier permis de construire ;

- DCE : dossier de consultation des entreprises ;

- DET : direction de l'exécution des travaux ;

- AOR: assistance aux opérations de réception.



Sont intervenus à l'acte de construire les entreprises suivantes :

- la société DDTP pour le lot n°1 VRD ;

- Monsieur [S] [C] [E] pour le lot n°2 démolitions-gros-oeuvre ;

- la société FP CHARPENTES pour le lot n°3 charpente-couverture ;

- la société M3A FERMETURES pour le lot n°4 menuiseries extérieures ;

- la société MULTIPLATRES pour le lot n°5 plâtrerie ;

- la société MENUISERIE MARTINEZ pour le lot n°6 menuiseries intérieures ;

- la société BACHOUE ÉLECTRICITÉ pour le lot n°7 électricité ;

- la société MENDIBOURE FRÈRES pour le lot n°8 plomberie-sanitaire-chauffage ;

- la SARL BUSO PATRICK pour le lot n°9 carrelage ;

- la société MOURTEROU & FILS pour le lot n°10 peinture ;

- la société SOBEBAT pour le lot n°11 façades.



L'estimation des travaux en phase faisabilité était de 201 520,00 euros TTC pour :

- la rénovation et l'aménagement complet de la maison ;

- la création et la modification d'ouvertures ;

- le réaménagement des extérieurs.



Les travaux ont débuté au mois de mars 2017.



La réception des travaux a été prononcée le 24 novembre 2017 en présence du maître d'oeuvre :

- sans réserves pour :

* le lot n°3 charpente et couverture confié à la société FP FERMETURE ;

* le lot n°7 électricité confié à la société BACHOUE ÉLECTRICITÉ ;

* le lot n°8 plomberie-sanitaire-chauffage confié à la société MENDIBOURE FRÈRES ;

* le lot n°9 carrelage confié à la SARL BUSO PATRICK ;

- avec réserves pour :

* le lot n°10 peinture confié à l'entreprise MOURTEROU & FILS, avec les réserves suivantes: 'cheminée non peinte car le support placo réalisé par l'entreprise FORGE ADOUR n'est pas accepté par le peintre - plafond cuisine: zone côté salon à reprendre car rebouchages difficiles';

* le lot n°4 menuiseries extérieures confié à la société M3A FERMETURES avec les réserves suivantes : 'Remise en place des volets après réalisation des enduits-Fourniture et pose des cylindres définitifs (2 identiques)';

* le lot n°5 plâtrerie confié à la société MULTIPLATRES avec les réserves suivantes: 'Pose plaque sous escalier - Doublage dressing à réaliser'.



Estimant que certains travaux n'étaient pas terminés ou étaient affectés de non-conformités, Madame [P] [Y] a refusé de signer les procès-verbaux de réception pour le lot n°1 VRD confié à la société DDTP, le lot n°2 démolition-gros-oeuvre confié à l'entreprise [C] [E], le lot n°6 menuiseries intérieures confié à la société MENUISERIE MARTINEZ et le lot n°11 façades confié à la SARL SOBEBAT.



La SASU 6B ARCHITECTURE a adressé à Madame [P] [Y] deux notes d'honoraires :

- une note d'honoraires n°15006-07 en date du 30 juin 2017 d'un montant de 1 000,00 euros TTC relative à la mission DET ;

- une note d'honoraires n°15006-11 en date du 30 novembre 2017 d'un montant de 1 800,00 euros TTC relative à la mission AOR.



Le 13 mars 2018, Madame [P] [Y], insatisfaite des travaux, a chargé un huissier de justice de constater des inachèvements et des malfaçons.



Reprochant à l'architecte une augmentation du coût des travaux, un retard dans le délai de réalisation des travaux, un défaut de conseil et un suivi défectueux des travaux étant à l'origine d'inachèvements de certains travaux et de malfaçons, par courrier de son conseil en date du 18 septembre 2018 Madame [P] [Y] a fait savoir à l'architecte qu'elle refusait de régler ces deux notes d'honoraires.



Préalablement à ce courrier, le 18 mai 2018, conformément à la clause insérée dans la lettre de mission en son article 11 prévoyant qu'en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat et avant toute procédure judiciaire, les parties devaient saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes, la SASU 6B ARCHITECTURE a saisi le conseil régional de l'ordre des architectes de Nouvelle Aquitaine qui a rendu, le 19 octobre 2018, un avis aux termes duquel il a considéré que les reproches de Madame [P] [Y] envers l'architecte n'étaient pas fondés, que l'architecte n'avait failli dans aucune de ses missions et que les honoraires réclamés étaient dus sans délai ainsi que les intérêts moratoires contractuellement prévus à l'article 6.2 du contrat de maîtrise d'oeuvre.



En l'absence de solution amiable, par exploit du 14 janvier 2019, la SASU 6B ARCHITECTURE a fait assigner Madame [P] [Y] devant le tribunal d'instance de Pau, devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020, devant lequel elle a formulé les demandes suivantes :

- condamner Madame [P] [Y] au titre de la facture n°7 du 30 juin 2017 d'un montant de 1 000,00 euros TTC et ce, avec intérêts au taux légal depuis le 30 juin 2017 et anatocisme à compter du 30 juin 2018,

- la condamner au titre de la facture n°11 du 30 novembre 2017 d'un montant de 1 800,00 euros TTC et ce avec intérêts au taux légal depuis le 30 novembre 2017 et anatocisme à compter du 30 novembre 2018,

- condamner Madame [P] [Y] à lui payer la somme de 1 000,00 euros de dommages et intérêts,

- débouter Madame [P] [Y] de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens et autoriser Maître CHARPENTIER à les recouvrer,

- ordonner l'exécution provisoire.



Devant le tribunal, Madame [P] [Y] a formulé les demandes suivantes :

- juger qu'elle est bien fondée à invoquer l'exception d'inexécution,

- débouter la société 6B ARCHITECTURE,

- juger que la société 6B ARCHITECTURE a commis une faute contractuelle,

- la condamner à lui verser :

* la somme de 7 000,00 euros en réparation du préjudice matériel subi,

* la somme de 3 000,00 euros en réparation du préjudice moral subi,

* la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens en ce compris le coût du rapport d'expertise amiable de Monsieur [N] et du procès-verbal d'huissier.



Par jugement contradictoire en date du 11 mars 2021, la chambre des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau a :

- débouté Madame [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Madame [Y] à payer les sommes suivantes à la société 6B ARCHITECTURE :

* 1 000,00 euros TTC et ce, avec intérêts au taux légal depuis le 30 juin 2017,

* 1 800,00 euros TTC et ce, avec intérêts au taux légal depuis le 30 novembre 2017,

- débouté la société 6B ARCHITECTURE de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,

- condamné Madame [P] [Y] à payer 800,00 euros à la société 6B ARCHITECTURE en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [P] [Y] aux entiers dépens,

- débouté les parties de toute autre demande non satisfaite,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.



Pour statuer ainsi le premier juge a considéré que Madame [P] [Y] ne pouvait pas fonder ses contestations exclusivement sur un rapport d'expertise amiable non contradictoirement établi près de 15 mois après la réception des travaux et qu'il était établi par les pièces versées aux débats que l'architecte avait manifesté des diligences normales et conformes à sa mission.



Il a par ailleurs rejeté la demande de dommages et intérêts complémentaires formée par la SASU 6B ARCHITECTURE au motif qu'elle ne justifiait pas de son préjudice.



Par déclaration du 25 août 2021, Madame [P] [Y] a interjeté appel de cette décision, la critiquant en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant débouté la SASU 6B ARCHITECTURE de sa demande de dommages et intérêts complémentaires.



Aux termes de ses dernières écritures déposées le 25 mai 2022, Madame [P] [Y] demande à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1219 et 1231-1 du code civil de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société 6B ARCHITECTURE de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande de capitalisation des intérêts et en conséquence, rejeter l'appel incident,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* débouté Madame [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

* condamné Madame [P] [Y] à payer à la SASU 6B ARCHITECTURE les sommes suivantes :

* 1 000,00 euros TTC et ce, avec les intérêts au taux légal depuis le 30 juin 2017,

* 1 800,00 euros TTC et ce, avec intérêts au taux légal depuis le 30 novembre 2017,

* condamné Madame [P] [Y] à payer 800,00 euros à la SASU 6B ARCHITECTURE en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Madame [P] [Y] aux entiers dépens,

* débouté les parties de toute autre demande non satisfaite,

Et statuant à nouveau :

- condamner la SASU 6B ARCHITECTURE à payer à Madame [Y] :

* la somme de 6 336,26 euros TTC au titre de son préjudice matériel,

* la somme de 3 000,00 euros TTC au titre de son préjudice moral,

- condamner la société 6B ARCHITECTURE à payer à Madame [Y] la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce compris les frais d'expertise de Monsieur [N] et le procès-verbal de constat d'huissier,

- condamner la SASU 6B ARCHITECTURE aux entiers dépens.



Aux termes de ses dernières écritures déposées le 12 juillet 2022, la SASU 6B ARCHITECTURE demande à la cour, sur le fondement des articles 542, 562, 901 et 910-4 du code de procédure civile, des articles 1134 et 1147 du code civil dans leurs versions antérieures au 1er octobre 2016 et des articles 1104, 1231-1 et 1343-2 du code civil, de :

A titre principal, vu l'absence d'effet dévolutif de l'appel de Madame [P] [Y] du 25 août 2021 :

- dire et juger que la cour d'appel de céans n'est saisie d'aucune demande de Madame [P] [Y],

Si par cas, la cour s'estimait saisie de demandes de Madame [P] [Y] :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Pau du 08 juillet 2021 en ce qu'il a :

* débouté Madame [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

* condamné Madame [P] [Y] à payer les sommes suivantes à la société 6B ARCHITECTURE :

* 1 000,00 euros TTC et ce avec intérêts au taux légal depuis le 30 juin 2017,

* 1 800,00 euros TTC et ce avec intérêts au taux légal depuis le 30 novembre 2017,

* condamné Madame [P] [Y] à payer 800,00 euros à la société 6B ARCHITECTURE en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Madame [P] [Y] aux entiers dépens,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* débouté la société 6B ARCHITECTURE de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,

* débouté les parties de toute autre demande non satisfaite,

Statuant à nouveau et ajoutant aux dispositions confirmées :

- dire et juger que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, porteront intérêts,

- condamner Madame [P] [Y] à payer à la SASU 6B ARCHITECTURE la somme de 1 000,00 euros à titre de légitimes de dommages et intérêts,

- la condamner à payer à la SASU 6B ARCHITECTURE la somme complémentaire de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles devant la cour,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser Maître Olivia MARIOL - SCP LONGIN ASSOCIES à recouvrer directement ceux-ci conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dans tous les cas :

-débouter Madame [P] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2023.






MOTIFS DE LA DÉCISION



1°) Sur la caducité de l'appel interjeté par Madame [P] [Y]



La SASU 6B ARCHITECTURE soulève la caducité de l'appel interjeté par Madame [P] [Y] en faisant valoir que la déclaration d'appel ne précise pas qu'il est sollicité l'infirmation de la décision concernée et elle soutient que la déclaration d'appel ne peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel conformément aux dispositions de l'article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile, le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond ayant expiré le 26 novembre 2021, de sorte qu'elle soutient que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande.



Les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile prévoient que la déclaration d'appel : - est faite par acte contenant, à peine de nullité, l'indication de la décision attaquée et l'énonciation des chefs critiqués du jugement,

- est signée par l'avocat constitué,

- est accompagnée d'une copie de la décision,

- est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.



En application de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.



L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.



Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908, doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel ; à défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954 alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.



En l'espèce, la déclaration d'appel déposée par Madame [P] [Y] le 25 août 2021 comporte les mentions suivantes : 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : Déboute Madame [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes, Condamne Madame [P] [Y] à payer les sommes suivantes à la société 6B ARCHITECTURE : - 1 000 euros TTC et ce avec intérêts au taux légal depuis le 30 juin 2017 - 1 800 euros TTC et ce avec intérêts au taux légal depuis le 30 novembre 2017 ; Condamne Madame [P] [Y] à payer 800 euros à la société 6B ARCHITECTURE en application de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Madame [P] [Y] aux entiers dépens, Déboute les parties de toute autre demande non satisfaite.'



S'il est exact que l'expression 'infirmation du jugement' ne figure pas dans cette déclaration d'appel, cela n'affecte ni la recevabilité de l'appel, ni l'effet dévolutif qui s'y attache car l'article 901 précité n'indique pas expressément que la déclaration d'appel doit comprendre la mention 'infirmation du jugement'; en effet, c'est dans le dispositif des conclusions de l'appelant qu'en application des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile, au titre de la détermination de l'objet du litige et non, comme le soutient la SASU 6B ARCHITECTURE, dans la déclaration d'appel, que doit figurer une demande d'annulation ou de réformation de la décision déférée.



En l'espèce, l'acte d'appel formalisé par Madame [P] [Y] mentionne les chefs du jugement critiqués conformément aux dispositions susvisées de l'article 901 du code de procédure civile et dans ses conclusions déposées le 24 novembre 2021, soit dans le délai de 3 mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile susvisé, l'appelante précise expressément les dispositions du jugement entrepris dont elle demande la confirmation et celles dont elle sollicite l'infirmation.



En conséquence la déclaration d'appel apparaît régulière et la présente cour est valablement saisie.



2°) Sur l'exception d'inexécution invoquée par Madame [P] [Y]



Madame [P] [Y] oppose à la demande en paiement des factures émises par la SASU 6B ARCHITECTURE, l'exception d'inexécution en se fondant sur la mauvaise exécution par cette dernière de ses obligations contractuelles.



La SASU 6B ARCHITECTURE affirme avoir respecté ses obligations contractuelles.



Madame [P] [Y] produit au soutien de ses prétentions, un rapport d'expertise non contradictoire intitulé audit technique, établi le 31 janvier 2019 à sa demande par Monsieur [W] [N] ; devant la cour, elle a communiqué un rapport d'expertise judiciaire établi le 09 décembre 2021 par Madame [F] [O], expert près la cour d'appel de Pau, désignée par ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Pau en date du 12 août 2020 dans le cadre d'une procédure initiée par Madame [P] [Y] à l'encontre de la SARL SOBEBAT, chargée du lot n°11 façades.



La SASU 6B ARCHITECTURE soutient que ces deux rapports non contradictoires ne lui sont pas opposables.



Il est constant que le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur une expertise non judiciaire établie unilatéralement à la demande d'une partie, si elle n'est pas corroborée par d'autres éléments de preuve.







En l'espèce, ces deux rapports, outre la constatation de désordres, formulent des observations sur la qualité des prestations de l'architecte, observations qui ne sont pas corroborées par d'autres éléments de preuve de nature technique sur l'exécution de sa mission par l'architecte.



De surcroît, s'agissant du rapport établi par Madame [F] [O], Madame [P] [Y] a choisi, malgré les sollicitations de l'expert, de ne pas appeler l'architecte dans la cause, de sorte qu'elle ne peut aujourd'hui valablement invoquer les observations de cet expert judiciaire concernant les éventuelles fautes commises par l'architecte dans le cadre des travaux réalisés par la SARL SOBEBAT ; il convient donc de déclarer ce rapport inopposable à la SASU 6B ARCHITECTURE.



S'agissant du rapport établi par Monsieur [W] [N], Madame [P] [Y] qui a eu l'opportunité qu'elle a refusé de saisir, d'obtenir un avis technique contradictoire par un expert judiciaire sur l'exécution de sa mission par l'architecte, ne peut pas prétendre lui opposer un rapport établi à sa seule demande et dans son seul intérêt alors que la SASU 6B ARCHITECTURE n'a pas été appelée à la réunion d'expertise organisée par cet expert dont le rapport n'est donc pas contradictoire; dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que ce rapport ne pouvait être invoqué par Madame [P] [Y] à l'appui de ses demandes.



A titre liminaire, la cour rappelle qu'au regard de la date de conclusion du marché de travaux conclu le 20 janvier 2016, ce sont les textes du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016 applicable à compter du 1er octobre 2016, qui doivent recevoir application, de sorte que les dispositions de l'article 1219 du code civil visées par Madame [P] [Y] dans ses écritures ne s'appliquent pas au cas d'espèce.



En application de l'article 1134 devenu 1103,1104 et 1193 alinéa 2 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; elles doivent être exécutées de bonne foi.



Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, "la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.



Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.



La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances."



Au visa du même article 1184 ancien du code civil, il a été jugé que l'inexécution par l'une des parties de ses obligations peut justifier que l'autre partie s'affranchisse de ses propres obligations dès lors que l'inexécution revêt un caractère de gravité suffisant.



En outre, aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le débiteur d'une obligation est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.







Pour s'opposer à la demande de paiement de ses honoraires par l'architecte, Madame [P] [Y] invoque une multitude de manquements de l'architecte à ses obligations.



Les reproches faits par Madame [P] [Y] à l'encontre de l'architecte concernant le choix des entreprises, les délais d'exécution des travaux ou les erreurs de facturation sont énoncés en termes très généraux ; de plus, les erreurs de facturation très minimes ont été réparées et les délais d'exécution des travaux s'expliquent par l'ancienneté de l'ouvrage existant et les imprévus constatés en cours de chantier ou résultant de demandes nouvelles du maître de l'ouvrage, et ils ne sont pas susceptibles de caractériser une quelconque faute de la part de l'architecte pouvant justifier le non paiement de ses honoraires par le maître de l'ouvrage.



Madame [P] [Y] se plaint par ailleurs de ce que les travaux réalisés sont atteints de malfaçons et que certains sont inachevés et elle impute cette situation à un défaut de surveillance des travaux par l'architecte.



Les éventuels désordres allégués par le maître de l'ouvrage ne peuvent être appréciés que dans le cadre de la mise en cause de la responsabilité contractuelle ou décennale de l'architecte et des entreprises concernées et après un avis technique d'un expert en matière de construction rendu au contradictoire des parties, constatant les désordres, en déterminant les causes et l'imputabilité et en chiffrant le coût de réfection, de sorte que les seules affirmations de Madame [P] [Y], ses seuls reproches et la seule constatation de désordres par un huissier de justice ne sauraient suffire à établir la faute de l'architecte et à justifier le non paiement de ses factures d'honoraires en l'absence d'un avis technique et contradictoire sur sa responsabilité éventuelle, avis qui a été refusé par Madame [P] [Y] lorsqu'elle a eu l'occasion de l'obtenir.



Enfin et surtout, force est de constater que les travaux litigieux ont fait l'objet, pour chaque lot, d'une réception en date du 24 novembre 2017 et que si des réserves ont été mentionnées par le maître de l'ouvrage pour certains lots, Madame [P] [Y] ne formule aucun grief s'agissant des entreprises concernées pas plus qu'elle ne prétend que les réserves mentionnées dans les procès-verbaux de réception n'ont pas été levées ; en outre, bien qu'elle reproche à l'architecte un manquement à sa mission d'assistance aux opérations de réception, la signature des procès-verbaux de réception assortis de réserves et le refus de réception d'autres travaux démontrent que l'architecte n'a nullement manqué à sa mission.



S'agissant des travaux réalisés par les entreprises DDTP, [C] [E], MENUISERIE MARTINEZ et SOBEBAT pour lesquels Madame [P] [Y] a refusé de signer les procès-verbaux de réception, cette dernière ne donne aucune précision sur les suites qui ont été données à ces refus de réception, se contentant d'indiquer dans ses écritures que les travaux initialement confiés à l'entreprise [C] [E] ont finalement été terminés par une autre entreprise, la société DESIGNFACADES et qu'une procédure judiciaire a été engagée à l'encontre de la seule SARL SOBEBAT, procédure sur les suites de laquelle elle n'a fourni aucune information.



Il résulte de ce qui précède que les relations contractuelles entre Madame [P] [Y] et la SASU 6B ARCHITECTURE ont pris fin le 24 novembre 2017, au moment de la réception des travaux litigieux ; Madame [P] [Y] qui a payé sans difficultés toutes les notes d'honoraires de l'architecte pour un montant de plus de 16 000,00 euros à l'exception des deux dernières, n'a, à aucun moment, fait délivrer à l'architecte une quelconque mise en demeure de respecter ses obligations en cours de chantier ; elle n'est donc pas recevable à invoquer, à l'issue des relations contractuelles, une exception d'inexécution des obligations de l'architecte pour justifier le non paiement de ses notes d'honoraires émises le 30 juin 2017 et le 30 novembre 2017 alors que par ailleurs, malgré tous les griefs qu'elle fait valoir à son encontre, elle s'est asbtenue d'engager à son encontre une procédure judiciaire et que c'est la SASU 6B ARCHITECTURE qui s'est trouvée dans l'obligation de l'attraire en justice pour obtenir le paiement de ses factures d'honoraires.



L'architecte peut répondre de la mauvaise exécution de sa mission par voie de dommages-intérêts assurant une complète réparation avec une éventuelle compensation si des honoraires lui sont encore dus par le maître de l'ouvrage mais non par la privation ab initio de ses honoraires sans que sa responsabilité n'ait été consacrée sur la base d'une expertise contradictoire réalisée par un homme de l'art et chiffrant le coût des travaux de reprise des éventuels désordres.



C'est donc par une juste appréciation des faits de la cause que le premier juge a débouté Madame [P] [Y] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SASU 6B ARCHITECTURE les sommes dues au titre des notes d'honoraires des 30 juin et 30 novembre 2017 ; le jugement sera confirmé de ces chefs.



Comme cela résulte de ses écritures signifiées en première instance, devant le premier juge la SASU 6B ARCHITECTURE avait demandé, pour les deux factures d'honoraires, qu'il soit dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière porteront intérêts.



Sans avoir répondu à cette demande dans les motifs de sa décision, le premier juge est sensé l'avoir rejetée en indiquant dans le dispositif que les parties étaient déboutées de toute autre demande non satisfaite.



Le jugement sera infirmé de ce chef et la cour ordonnera la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, pour les deux factures d'honoraires, la capitalisation des intérêts étant de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée.



3°) Sur la demande de dommages et intérêts



C'est à juste titre que le premier juge, considérant que la SASU 6B ARCHITECTURE ne justifiait pas d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par les intérêts légaux qui lui ont été alloués, l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ; le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.



4°) Sur les demandes annexes



Le jugement de première instance sera confirmé en ce qui concerne les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Madame [P] [Y] sera condamnée en cause d'appel, à payer à la SASU 6B ARCHITECTURE la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande à ce titre.



Elle sera condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.





PAR CES MOTIFS



La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,





Déclare recevable la déclaration d'appel de Madame [P] [Y] et la cour valablement saisie,



Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande de la SASU 6B ARCHITECTURE au titre de la capitalisation des intérêts ;



Le réforme sur ce point,



Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé et y ajoutant,



Ordonne la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil pour les deux factures d'honoraires en date du 30 juin 2017 et du 30 novembre 2017,



Condamne Madame [P] [Y] à payer à la SASU 6B ARCHITECTURE la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute Madame [P] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Madame [P] [Y] aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.



Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.







LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,









Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE

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