23 mai 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/09069

Chambre 4-8

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2023



N°2023/















Rôle N° RG 21/09069 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHU26





URSSAF PACA





C/



S.A.S. [4]



































Copie exécutoire délivrée

le :





à :





- URSSAF PACA



- Me Jérôme BIEN, avocat au barreau de DEUX-SEVRES











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Juillet 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 18/11201.





APPELANTE



URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]



représentée par M. [H] [S] en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMEE



La S.A.S. [4] venant aux droits de la société [3], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Jérôme BIEN, avocat au barreau de DEUX-SEVRES substitué par Me Carole MAROCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE











*-*-*-*-*

















COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 21 Mars 2023 en audience publique devant la Cour composée de :



Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Madame Isabelle PERRIN, Conseiller



qui en ont délibéré.





Greffier lors des débats : Madame Aurore COMBERTON.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2023.







ARRÊT





contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2023



Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






























































Faits, procédure, prétentions et moyens des parties



La société [3], aux droits de laquelle vient désormais la SAS [4], a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance-chômage et de garantie des salaires AGS opéré sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, qui a donné lieu à une lettre d'observations du 29 février 2012 portant sur sept points dont six chefs de redressement :



* point 1 : indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations (préavis ...) : 3.385,00 euros,

* point 2 : cotisations - rupture conventionnelle du contrat de travail : 46.712,00 euros,

* point 3 : indemnités de rupture forcée intégralement soumises à cotisations : 453,00 euros,

* point 4 : assurance-chômage et AGS - assujettissement : 447,00 euros,

* point 5 : plafond temps partiel : abattement d'assiette plafonnée : 324,00 euros,

* point 6 : loi TEPA : réduction salariale principes généraux : 516,00 euros,

* point 7 : avantage en nature logement : évaluation en nature logement - évaluation dans le cas général (hors couples et nécessités de service) : observations



Après observations de la société présentées par courrier du 1er août 2012, l'inspectrice du recouvrement a maintenu les chefs et les montants de redressement.



Une mise en demeure a été adressée à la cotisante le 15 octobre 2012 portant sur un montant total de 57.615,00 euros dont 51.837,00 euros de cotisations, et 5.778,00 euros de majorations de retard.



La société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme le 13 novembre 2012, sur les points 1, 2, 3 et 4 de la lettre d'observations, et en l'absence de décision explicite, a porté son recours devant le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille par lettre recommandée reçue le 31 mai 2013.



La commission de recours amiable a statué le 26 mars 2014 en confirmant les trois premiers chefs de redressement contesté, et en annulant le point 4.



Par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal a accueilli favorablement la contestation de la société portant sur les trois premiers chefs de redressement, dit n'y avoir lieu à majorations de retard des suites de la procédure de redressement ainsi diligentée, débouté les parties du surplus de leur demande et réservé les dépens.



Par déclaration du 1er août 2019, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur (ci-après désignée URSSAF) a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.



En l'absence de diligences accomplies par les parties, une ordonnance de radiation est intervenue le 22 janvier 2020.



L'affaire a été rétablie au rôle sur demande de l'appelante reçue le 16 juin 2021.



Par conclusions visées et développées oralement à l'audience des débats du 21 mars 2023, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :



- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 mars 2014 en tout point,

- confirmer les redressements portant sur les points 1, 2 et 3 de la lettre d'observations du 27 juin 2012,

- condamner la société à lui payer en deniers ou quittance la somme de 57.168,00 euros,

- condamner la société à lui payer la somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.









Elle fait valoir essentiellement que :



sur le point n° 1

- au visa des articles L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail, le licenciement pour faute grave prive le salarié de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement,

- en présence d'une indemnité transactionnelle forfaitaire globale, distinction doit être opérée entre la partie indemnitaire et la partie comportant nature de rémunération,

- en présence d'un chèque établi avant signature de la convention, d'un très bref délai entre la prétendue faute et la signature de la transaction, d'une transaction muette sur cette dernière, en l'état encore d'une indemnité globale et forfaitaire, d'une absence de négociation sur la faute, de l'absence d'une mise à pied préalable consécutive à la prétendue faute grave, d'un préjudice hypothétique et d'un montant incompatible avec l'indemnisation du seul préjudice moral du salarié, le redressement doit être confirmé,



sur le point n° 2

- la lettre d'observations précise en page 7 que l'inspectrice a examiné le relevé de carrière de l'un des salariés et ajoute, dans la liste des documents consultés, qu'ont également été analysés les dossiers de départ à la retraite, aucune irrégularité n'est donc encourue du seul fait que les documents consultés ne soient pas exhaustivement listés, dès lors que la lettre d'observations met le cotisant contrôlé en mesure d'avoir une exacte connaissance des causes de redressement, lui permettant de faire valoir ses observations,

- le traitement social de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle du contrat de travail est identique à celui applicable en matière fiscale (article 80 duodecies du code général des impôts ), ainsi le régime social diffère selon que le salarié est en droit ou non de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime obligatoire, cette condition s'appréciant à la date de la rupture effective du contrat, le droit à liquidation d'une pension de retraite devant exister, peu important qu'il s'agisse d'une pension à taux plein ou non,

- lorsque le salarié est en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire à la date de la rupture effective du contrat de travail, l'indemnité de rupture conventionnelle est alors soumise dès le premier euro aux cotisations et contributions sociales, l'âge du salarié n'étant pas un critère suffisant, et l'employeur devant vérifier et justifier au moment du contrôle de ce que le salarié ne peut pas prétendre à une telle pension,

- en l'espèce, le redressement porte sur les indemnités versées à deux salariés pour lesquels l'employeur n'a pu apporter cette justification,

- au visa des articles L.351-1, L.351-1-1, et D.351-1-1 du code de la sécurité sociale, les deux salariés pouvaient prétendre à un départ anticipé, le redressement est donc justifié,



sur le point n°3

- la transaction doit contenir nécessairement des concessions réciproques formulées par les parties et permettant de mettre fin au différend déjà existant ou susceptible de naître,

- la rupture conventionnelle doit être homologuée par la DIRECCTE,

- l'indemnité transactionnelle ne peut être exonérée de cotisations que pour sa fraction constitutive des indemnités elles-mêmes susceptibles d'être exonérées,

- ainsi employeur et salarié ne peuvent valablement conclure une transaction que postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative, ou à l'autorisation de l'inspecteur du travail pour un salarié protégé, et si la convention a pour objet de régler un différend relatif, non pas à la rupture du contrat de travail, mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture,

- en l'espèce l'indemnité transactionnelle versée afin d'indemniser M. [K] de la prise en compte de 35 jours de maladie sur son bulletin de salaire constituait bien un élément de rémunération au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale.



Par conclusions visées et développées oralement à l'audience, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Elle soutient en substance que :



sur le point n°1

- le motif du licenciement, pour faute grave, exclut tout versement d'indemnités de préavis ou de licenciement,

- ce motif n'a été ni contesté par le salarié, ni abandonné par l'employeur dans le cadre de la transaction, dont la validité ne peut donc être remise en cause,



sur le point n°2

- le redressement est fondé sur des pièces non visées dans la liste des documents consultés tels qu'énoncés dans la lettre d'observations, cette irrégularité empêchant la cotisante de contrôler les allégations de l'inspecteur, de sorte que le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense ont été violés,

- le bénéfice d'une pension de vieillesse étant soumis à la condition impérative d'être âgé de 60 ans minimum à la date de la rupture du contrat de travail par application de l'article R.351-2 du code de la sécurité sociale, l'indemnité de rupture conventionnelle versée à des salariés n'ayant pas atteint cet âge ne peut être assujettie à cotisations,

- contrairement à ce que soutient l'URSSAF, pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée, un assuré né avant le 1er juillet 1951 et quittant son emploi à 58 ans devait avoir débuté sa carrière avant l'âge de 16 ans (cas de M. [J]), et un salarié né en 1952 devait quant à lui avoir débuté sa carrière avant l'âge de 17 ans pour pouvoir prétendre à une retraite anticipée à l'âge de 59 ans (cas de M. [L]),

- aucun texte n'exige de l'employeur la production d'une attestation certifiée de la caisse de retraite dont dépendent les salariés, les relevés de carrière produit étant des documents suffisamment probants,



sur le point n°3

- le salarié dispose de la faculté d'élever une contestation auprès de son ancien employeur postérieurement à la signature de la rupture conventionnelle, dans le délai de 12 mois à compter de l'homologation, et en vertu de l'article L.1237-14 du code du travail,

- l'accord transactionnel, qui portait en effet sur un litige relatif à des éléments de salaire, établit de façon claire le caractère indemnitaire de la somme versée, afférente à l'exécution du contrat et non à sa rupture.



Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.






MOTIFS DE L'ARRÊT



L'appel saisit la cour de la contestation portant sur les trois premiers chefs de redressement de la lettre d'observations du 27 juin 2012, qu'il convient dès lors d'examiner dans l'ordre retenu par cette notification.



Sur le premier chef : indemnités de rupture forcée intégralement soumise à cotisations (préavis, congés payés, non-concurrence, congés reclassement')



Aux termes de la lettre d'observations, l'inspectrice du recouvrement a constaté que le salarié

M. [B] [F] a été convoqué le 22 septembre 2009 en vue d'un licenciement pour faute grave avec entretien fixé au 1er octobre, ce salarié ne percevant aucune indemnité de préavis ni de licenciement lors de son départ. Le 27 octobre 2009, un accord transactionnel a été conclu entre la société et ce salarié pour un montant net de 83.016,00 euros soit 90.000,00 euros brut, sur laquelle la contribution CSG/CRDS a été précomptée et reversée à l'URSSAF.



L'inspectrice du recouvrement, rappelant que la Cour de cassation considère que l'indemnité transactionnelle versée à la suite d'un licenciement pour faute grave, remet en cause la qualification de faute grave et ses conséquences, ce qui implique l'obligation pour l'employeur de verser l'indemnité compensatrice de préavis et celle de licenciement, et constatant que ces dernières sommes n'avaient pas été versées à ce salarié, a calculé le préavis à hauteur de 19.200,00 euros et l'indemnité de licenciement à hauteur de 30.419,00 euros, a restitué la CSG et la CRDS cotisées à tort, et soumis les sommes précitées aux cotisations sociales.



En application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, doivent être prises en compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du même code.



La société produit la transaction conclue et signée le 27 octobre 2009 avec M. [B] [F], aux termes de laquelle elle a versé à ce dernier une somme globale et forfaitaire de 83.016,00 euros, correspondant à une indemnité brute de 90.000,00 euros intégrant les sommes dues au titre de la CSG et de la CRDS.



Cette transaction précise dans son exposé du litige que la société a eu à déplorer de la part de son salarié une inexécution fautive et intentionnelle de ses missions contractuelles qu'elle a interprétée comme une volonté de ce dernier de quitter son employeur. Elle s'est trouvée contrainte de convoquer son salarié à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour faute grave. Le salarié a pris acte de cette rupture sans la contester sur-le-champ, et le licenciement a été notifié le 6 octobre 2009, avec remise des documents de fin de contrat le 16 octobre suivant. Le salarié a fait connaître par courrier du 14 octobre son intention de saisir le conseil des prud'hommes. Au terme d'échanges et de rapprochements, la société soutient que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié mais admet que la rupture du contrat de travail a pu occasionner à son salarié un certain préjudice moral et professionnel.



Au titre des concessions réciproques, la société verse l'indemnité litigieuse, renonce à toute action à l'encontre de son salarié, s'engage à n'apporter que de bons témoignages et de bonnes références concernant le professionnalisme, la rigueur, la créativité, la sociabilité, et l'assiduité de M. [F] en cas de sollicitation de tiers, et lui transfère le numéro de portable professionnel pour qu'il puisse l'utiliser ultérieurement à titre privé.



De son côté, M. [F] se déclare rempli de ses droits afférents tant à l'exécution qu'à la cessation de son contrat de travail et renonce à engager toute action à l'encontre de son employeur. Il reconnaît expressément la légitimité de la rupture de son contrat de travail et plus particulièrement la faute grave ayant conduit à celle-ci, et reconnaît avoir été intégralement réglé de toutes les sommes quelle que soit leur nature liées à l'exécution et à la rupture de ce contrat. Les parties conviennent de ce que tous les éléments de salaire conventionnel et contractuel ont été versés, le salarié renonçant irrévocablement à réclamer tout avantage en nature ou en argent de quelque sorte (salaires, accessoires de salaire, primes diverses, indemnités de toute nature), la société ayant accepté de régler les dommages et intérêts décrits ci-dessus pour apurer et éclore de façon définitive les comptes entre les parties.



Il en résulte suffisamment que le versement de l'indemnité a pour objet au moins partiel de remplir le salarié de l'ensemble de ses droits salariaux découlant tant de l'exécution que de la rupture du contrat de travail, les concessions de l'employeur relatives à la moralité et au parfait professionnalisme de son ancien salarié étant pleinement contradictoires avec le maintien formel d'une rupture imposée à raison d'une faute grave reprochée à ce dernier.



Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, en estimant que l'organisme de recouvrement n'apportait « aucun élément démontrant que (le salarié) n'avait pas entendu renoncer en phase transactionnelle à son indemnité de préavis, alors qu'était confirmé dans tous ses effets son licenciement initiée pour faute grave privative d'indemnité de préavis », l'analyse complète des termes de la transaction démontre que la société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que l'indemnité transactionnelle revêt un caractère exclusivement indemnitaire, dès lors que l'accord expose, dans des termes dénués de toute ambiguïté, que le versement de l'indemnité transactionnelle a aussi pour finalité d'apurer et de clore de façon définitive tous les comptes y compris salariaux entre les parties.



Il en résulte que c'est à bon droit que l'URSSAF a procédé au redressement du préavis et de l'indemnité de licenciement comme calculé précisément dans la lettre d'observation, avec restitution de la CSG CRDS cotisée au préalable.



Le jugement sera infirmé en ce sens.





Sur le deuxième chef : rupture conventionnelle du contrat de travail



Aux termes de la lettre d'observations, le contrôle a permis de constater la conclusion de plusieurs ruptures conventionnelles avec divers salariés sur la période contrôlée, et notamment des ruptures conclues pour certains salariés dont l'âge se situe entre 55 et 59 ans.



Rappelant que pour ces derniers, l'employeur doit présenter un document remis par eux et justifiant de leur situation au regard des droits à la retraite de base, l'inspectrice du recouvrement a noté que la société ne présentait aucun document pour le salarié M. [G] [J] né en juin 1951, avec lequel la rupture conventionnelle a été établie le 5 octobre 2009. Par ailleurs, pour le salarié M. [T] [L], né en septembre 1952, l'inspectrice a retenu une rupture conventionnelle établie au 30 septembre 2011, alors que le relevé de carrière fourni par le salarié démontrait qu'il pouvait ouvrir droit à une retraite à taux plein (164 trimestres) ayant débuté son activité à 18 ans en 1970.



La société soutient en premier lieu l'irrégularité de la lettre d'observations et par voie de conséquence l'annulation du redressement dans la mesure où l'URSSAF fonde son argumentation sur le relevé de carrière de M. [L] qui lui aurait été fourni par elle-même, alors que ce document n'est pas visé dans la liste des documents consultés tels que mentionnés dans la rubrique détaillée à la lettre d'observations.



En application de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle.



En l'espèce, figure dans l'encart comportant la liste des documents consultés la mention de ce que les dossiers de rupture conventionnelle ont été examinés, ainsi que les dossiers de départ des salariés. Le texte précité n'impose pas que la liste générale des documents consultés énumère pièce par pièce chacun des documents examinés par l'inspecteur, mais a vocation à garantir d'une part la possibilité pour le cotisant d'évoquer au cours d'un contrôle ultérieur l'existence d'un accord tacite, d'autre part à permettre à ce dernier de connaître avec précision le fondement des redressements envisagés afin de garantir les droits afférents à sa défense, tout comme le respect du principe du contradictoire.



La lettre d'observations apparaît conforme à ce texte, dès lors d'une part que la société a connaissance de ce que les dossiers de départs de salariés mais aussi de rupture conventionnelle ont été examinés par l'inspecteur du recouvrement, et que s'agissant du point précis de redressements envisagés, l'inspectrice a pris soin de préciser qu'aucun document afférent aux droits à la retraite du salarié M. [J] n'y figurait, l'employeur n'étant pas en mesure de le présenter, et qu'elle a pu par contre examiner le relevé de carrière fourni par M. [L] à son employeur, dont elle a tiré les conséquences détaillées au point numéro deux du redressement.



Aucune irrégularité au texte précité n'est à relever, ainsi que l'a à juste titre retenu le jugement.



Au fond, en application de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en espèces ou en nature versée en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations. Sont aussi prises en compte les indemnités versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail à hauteur de la fraction assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodécies du code général des impôts.



En outre, le régime social de l'indemnité de rupture conventionnelle, identique à celui appliqué en matière fiscale, diffère selon que la personne est ou non en droit de bénéficier d'une retraite d'un régime légalement obligatoire.



Ainsi lorsque le salarié n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un tel régime, l'indemnité versée est exclue de l'assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite la plus élevée des deux suivantes :

* soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture, ou la moitié de l'indemnité si ce seuil est supérieur dans la limite de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement de l'indemnité,

* soit le montant de l'indemnité de licenciement prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi.



En outre, l'indemnité est exclue de l'assiette de la CSG et de la CRDS dans la limite du montant de l'indemnité de licenciement.



S'agissant d'un salarié âgé de 60 ans et plus, l'indemnité est assujettie dès le premier euro aux cotisations de sécurité sociale, à la CSG et à la CRDS.



La condition relative au droit à la liquidation d'une pension de retraite s'apprécie au jour de la rupture effective du contrat de travail, c'est-à-dire la date prévue dans la convention de rupture.



En toute hypothèse, pour le salarié âgé de 55 à 59 ans compris, l'employeur doit présenter un document remis par le salarié justifiant de la situation de ce dernier au regard des droits à la retraite de base. Il s'agit de permettre la vérification de ce que le salarié ne peut bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour longue carrière, tel que défini par les articles L.351-1-1 et D.351-1-1 du code de la sécurité sociale.



S'agissant en premier lieu du salarié M. [J], la société a produit devant la commission de recours amiable le relevé de carrière de ce dernier, dont il résulte que, né en juin 1951, il a débuté sa carrière en 1970, par conséquent à l'âge de 19 ans. La rupture du contrat de travail est intervenue, sans discussion entre les parties, le 5 octobre 2009, alors que ce salarié avait 58 ans.



C'est en vain que l'URSSAF fait valoir que le document produit pour M. [J], n'est pas une attestation certifiée par la caisse de retraite mais un relevé de carrière obtenu sur Internet, sans que soient mentionnés les droits à l'obtention d'une retraite de base, à taux plein ou non, à la date de la rupture du contrat, dès lors qu'aucun texte n'impose à l'employeur de produire une attestation certifiée par la caisse de retraite, et alors encore que les relevés de carrière délivrée sur Internet l'ont été par la caisse d'assurance et de santé au travail Carsat.



Au demeurant, la société avait produit le même type de document pour le salarié M. [L], que l'inspectrice du recouvrement avait considéré comme valable, pour en déduire qu'il démontrait que ce salarié ouvrait droit à une retraite à taux plein, ayant cotisé 164 trimestres.



Or, le nombre de trimestres validés, s'il influe sur le montant de la pension pouvant être servi, est sans effet sur l'âge légal en deçà duquel le droit à retraite est ouvert.



En effet, au jour de la rupture, en octobre 2009, l'âge prévu en application de l'article L.351-1 du code de la sécurité sociale était fixé à 60 ans. En application de l'article L351-1-1 du même code, dans sa version en vigueur du 22 août 2003 au 22 janvier 2014, cet âge pouvait être abaissé, pour les assurés qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et avaient accompli une durée totale d'assurance et de périodes reconnues équivalentes dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré.



Ainsi, l'article D.351-1-1, dans sa version en vigueur du 31 octobre 2003 au 01 juillet 2011, applicable à la situation de M. [J], disposait :



L'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 est abaissé, en application de l'article L. 351-1-1, pour les assurés qui justifient, dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d'une durée minimale d'assurance ou de périodes reconnues équivalentes au moins égale à la limite fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1 majorée de huit trimestres :



1° A cinquante-six ans pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la durée minimale mentionnée au premier alinéa du présent article et ayant débuté leur activité avant l'âge de seize ans ;



2° A cinquante-huit ans pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la durée minimale mentionnée au premier alinéa du présent article, minorée de quatre trimestres, et ayant débuté leur activité avant l'âge de seize ans;



3° A cinquante-neuf ans pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la limite fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1 et ayant débuté leur activité avant l'âge de dix-sept ans.



Or il résulte de ce qui précède que M. [J], ayant débuté sa carrière à 19 ans, ne remplissait pas à la date de la rupture conventionnelle les conditions imposées par ce texte pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée ainsi établi.



S'agissant de M. [L], l'article D.351-1-1 précité, dans sa version en vigueur du 01 juillet 2011 au 01 novembre 2012 applicable à le rupture intervenue le 30 septembre 2011 alors que le salarié, né en septembre 1952 venait d'avoir 59 ans, dispose :



L'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 est abaissé, en application de l'article L. 351-1-1, pour les assurés qui justifient, dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d'une durée minimale d'assurance ou de périodes reconnues équivalentes au moins égale à la limite fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1 majorée de huit trimestres :

(...)

III. - Pour les assurés nés en 1952 :

1° A cinquante-six ans pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la durée minimale mentionnée au premier alinéa du présent article et ayant débuté leur activité avant l'âge de seize ans ;

2° A cinquante-huit ans pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la durée minimale mentionnée au premier alinéa du présent article, minorée de quatre trimestres, et ayant débuté leur activité avant l'âge de seize ans;

3° A cinquante-neuf ans et quatre mois pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la limite fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1 et ayant débuté leur activité avant l'âge de dix-sept ans.

4° A soixante ans pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la limite fixée en application du deuxième alinéa de l'article L. 351-1 et ayant débuté leur activité avant l'âge de dix-huit ans.

(...)



Le relevé de carrière de M. [L] enseigne qu'il a commencé à travailler en 1970, soit à l'âge de 18 ans.



Il s'ensuit qu'au regard du texte précité, M. [L] ne remplissait pas à la date de la rupture conventionnelle les conditions imposées par ce texte pour bénéficier du dispositif de retraite anticipée ainsi établi.



Il en résulte que les constatations de l'inspecteur de recouvrement sont insuffisantes pour fonder le redressement, dès lors que les documents remis par les salariés et justifiant de leur situation au regard de leurs droits à la retraite de base n'établissent pas, contrairement à ce qu'a retenu l'organisme de recouvrement, que ces salariés étaient en droit, à la date de la rupture conventionnelle de leurs contrats de travail respectifs, de bénéficier d'une retraite d'un régime légalement obligatoire.



C'est à bon droit que le premier juge a accueilli la contestation de la société à ce titre pour annuler le chef de redressement en résultant, et le jugement sera confirmé sur ce point.





Sur le troisième chef : indemnités de rupture forcée intégralement soumise à cotisations (préavis, congés payés, non-concurrence, congés reclassement')



Aux termes de la lettre d'observations, l'inspecteur de recouvrement a constaté que M. [I] [K] avait conclu avec la société une rupture conventionnelle en 2009, entraînant le versement d'une indemnité de rupture de 1.850,00 euros cotisée pour partie à la CSG/CRDS pour le montant supérieur à l'indemnité conventionnelle de licenciement, et que par la suite, une transaction avait été conclue entre les deux parties pour un montant de 1.000,00 euros brut, soumise à CSG/CRDS, et versée au salarié pour son montant net de 922,40 euros.



Rappelant que la rupture conventionnelle est par définition conclue en l'absence de tout litige, et procède d'un accord amiable qui la distingue d'une rupture forcée, estimant dès lors qu'une transaction qui fait suite à une rupture conventionnelle se heurte au principe selon lequel la renonciation à toute action judiciaire n'est effective qu'en présence d'un différend préalable, l'inspecteur du recouvrement a considéré que l'indemnité transactionnelle versée en sus de celle conventionnelle n'avait pas le caractère de dommages et intérêts et était représentative de rémunération, soumise comme telle aux charges sociales conformément à l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, hors CSG/CRDS déjà réglée.



La société oppose la possibilité offerte aux salariés par l'article L.1237-4 in fine du code du travail de contester la rupture pendant 12 mois à compter de l'homologation, ce qui démontre l'existence possible de l'ouverture d'une telle contestation postérieurement à la signature de la rupture conventionnelle. Dans ce cadre l'indemnité transactionnelle conserve son caractère indemnitaire exclusif de l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale.



La société fait valoir qu'il existait bien un litige entre les parties survenu après la rupture du contrat de travail et décrit dans le protocole transactionnel dans les termes suivants : « Bien qu'il ne mette pas en cause la rupture de son contrat, M. [K] conteste la prise en compte de 35 jours de maladie dans son dernier bulletin de paye, qui annule le bénéfice de son indemnité de rupture et réduit considérablement son solde de tout compte. Après discussion, les parties se sont rapprochées pour mettre un terme au différend qui les oppose. Un accord transactionnel est conclu afin de réparer les préjudices de toute nature que M. [K] pourrait invoquer comme conséquence de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail et notamment ceux rappelés en préambule ci-dessus. »



Elle en déduit la nature purement indemnitaire de la somme versée au salarié.



Il résulte bien des dispositions de l'article L.1237-14 du code du travail (...) que tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.



Néanmoins, il est constant qu'un salarié et un employeur qui ont signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction, d'une part, que si celle-ci intervient postérieurement à l'homologation de la rupture conventionnelle par l'autorité administrative, ce qui est le cas en l'espèce, et d'autre part, que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture.



En l'espèce, la société ne produit pas la convention de rupture. Le contrôle des conditions ci-dessus posées est donc impossible.



En outre, si l'article 1 du protocole relatif aux concessions de l'employeur à savoir l'indemnité transactionnelle mentionne que ce dernier accepte de supporter une charge financière brute globale de 1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts forfaitaires au profit de M. [K] aux fins de réparer le préjudice moral subi par ce dernier, il n'en demeure pas moins que ce même article stipule que l'indemnité est destinée à réparer les préjudices de toute nature que M. [K] pourrait invoquer comme conséquence de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail et notamment ceux rappelés en préambule ci-dessus. Or, les termes du préambule dont s'agit ne caractérise strictement aucun préjudice moral, mais évoque sans aucune ambiguïté l'existence d'un préjudice financier résultant de l'amputation de l'indemnité de rupture et du solde de tout compte par suite de l'imputation de 35 jours de maladie sur le dernier bulletin de paye du salarié.



Il s'ensuit que l'indemnité a vocation à réparer un préjudice financier de nature salariale, découlant de l'exécution du contrat de travail, et non afférents aux conditions de la rupture de celui-ci.



La nature indemnitaire de la somme versée n'est donc pas démontrée par la société, et le redressement ainsi justifié.





En l'état de l'annulation du chef de redressement n°2 portant sur un montant de cotisations de 46.712,00 euros sur un total de 51.837,00 euros, l'annulation de la mise en demeure du 15 octobre 2012 prononcée par le premier juge doit être confirmée.



Conformément à la demande de l'URSSAF, et au regard du motif qui précède, la société sera condamnée à payer la somme de 5.125,00 euros au titre des chefs de redressement résultant de la lettre d'observations du 27 juin 2012 non contestés ou validés par le présent arrêt, outre les majorations de retard qui devront faire l'objet d'un recalcul conforme à la loi.





Sur les frais irrépétibles et les dépens



La société qui succombe même partiellement à l'appel supportera la charge des dépens, et verra sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles rejetée.



L'équité conduit à allouer à l'appelante une somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



Infirme le jugement du 3 juillet 2019 en ce qu'il a accueilli favorablement la contestation de la SAS [3], aux droits de laquelle vient la SAS [4], des chefs portant les numéros 1 et 3 dans l'ordre de la lettre d'observation du 27 juin 2012 et dit n'y avoir lieu à majorations de retard des suites de la procédure de redressement ainsi diligentée.



Statuant de nouveau des chefs infirmés,



Valide les chefs de redressement portant les numéros 1 et 3 dans l'ordre de la lettre d'observation du 27 juin 2012 et condamne la société [4] venant aux droits de la société [3] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 5.125,00 euros au titre des chefs de redressement résultant de la lettre d'observation du 27 juin 2012, non contestés ou validés par le présent arrêt, outre les majorations de retard qui devront faire l'objet d'un recalcul conforme à la loi.



Confirme le jugement pour le surplus des chefs soumis à la cour.



Y ajoutant,



Condamne la société [4] venant aux droits de la société [3] aux dépens.



Condamne la société [4] venant aux droits de la société [3] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence Alpes Côte d'Azur la somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Déboute la société [4] venant aux droits de la société [3] de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.





Le Greffier Le Président

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