23 mai 2023
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/10488

Chambre 1-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2023



N° 2023/ 187

Rôle N° RG 19/10488 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQLO







[M] [X]

SCP [X] [N]





C/



[Z] [O]

SA LA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES



[Y] [B]

[F] [N]







Copie exécutoire délivrée



le :



à :









Me Michel AMAS

Me Michel ALLIO

Me Laurent CAZELLES



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 06 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n°17/04427.





APPELANTS



Maître [M] [X]

domicilié [Adresse 3]



SCP [X] & [N], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domiciliée [Adresse 3]



tous deux représentés par Me Michel AMAS, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMÉES



Madame [Z] [O]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Michel ALLIO, avocat au barreau de TARASCON et ayant pour avocat plaidant Me Didier ADJEDJ , avocat au barreau de CARPENTRAS substitué par Me Virginie RIPOLL, avocats au barreau de CARPENTRAS





LA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de son représentant légal en exercice

domiciliée [Adresse 4]



représentée par Me Laurent CAZELLES de la SCP RAFFIN & ASSOCIÉS substituée par Me François xavier GOMBERT de la SELARL BREU-AUBRUN-GOMBERT ET ASSOCIES, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Matthieu PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS





PARTIE INTERVENANTES



Maître [F] [N] prise en sa qualité d'administrateur AD'HOC de la SCP [X] & [N], domiciliée [Adresse 9]



représentée par Me Michel AMAS, avocat au barreau de MARSEILLE



Maître [Y] [B] de SELARL [B] [V] prise en sa qualité de Commissaire à l'exécution du plan de la SCP [X] & [N] domiciliée [Adresse 5]

défaillante, assignée en intervention forcée le 1/10/2019, remise à personne habilitée





COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 11 Avril 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Olivier BRUE, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :



Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Danielle DEMONT, conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, conseillère



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2023.



ARRÊT



Réputé contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2023,



Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***









FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :





Mme [Z] [O] avait prévu d'acquérir un bien immobilier par une société civile immobilière en création, au moyen d'un prêt souscrit auprès de la société Efi Eurofinance, par l'intermédiaire d'une personne s'étant présentée sous le nom de [H] [I].



Elle a opéré le 13 octobre 2016, sur la comptabilité de l'étude de Me [X], notaire un virement d'un montant de 60'000 € qui devaient garantir les frais de crédit, dans l'attente de l'établissement d'un acte de nantissement des parts de la SCI au profit de l'établissement prêteur.



Le 14 octobre 2016, l'étude a émis un ordre irrévocable de virement de cette somme au bénéfice de Me [U], avocat à [Localité 6] ( Italie), désigné comme séquestre.



Le contrat de prêt n'a cependant pas été établi et l'opération n'a pu se réaliser.



Vu les assignations des 11 mai 2017, 10 octobre 2017 et 8 janvier 2018, par lesquelles Mme [Z] [O] a fait citer M.[M] [X] et la SCP [X] [N], Me [Y] [B], mandataire judiciaire de cette dernière et la SA MMA IARD, devant le tribunal de grande instance de Draguignan.



Vu le jugement rendu le 6 juin 2019, par cette juridiction, ayant:



Déclaré l'action de Mme [Z] [O] recevable.

Rejeté la demande de sursis à statuer.

Condamné Me [M] [X] à payer à Mme [Z] [O] la somme de 60 000 €, à titre de dommages intérêts et avec les intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Fixé la créance de Madame [O] dans le cadre de la procédure collective de la SCP [X] [N] à hauteur de 60.000 €, à titre de dommages intérêts.

Condamné M.[M] [X] et la SCP [X] [N] à payer à Mme [Z] [O], la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné M.[M] [X] et la SCP [X] [N] aux dépens.

Dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire.





Vu la déclaration d'appel du 28 juin 2019, par M.[M] [X] et la SCP [X] [N].



Vu l'assignation en intervention forcée avec dénonce d'appel délivrée le 1er octobre 2019, à l'égard de Me [Y] [B], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCP [X] [N].



Vu les conclusions transmises le 19 février 2020, par les appelants et leur conclusions du 22 mars 2023, portant intervention volontaire de Me [F] [N] en sa qualité d'administrateur ad hoc de la SCP [X] [N].



M. [M] [X] affirme ne pouvoir être mis en cause à titre personnel, les fonds ayant été remis dans la comptabilité de la société civile professionnelle, dont il était le gérant.

La SCP [X] et [N] fait valoir qu'aucune demande en paiement ne peut être formée à son encontre, alors qu'elle a été placée en redressement judiciaire par décision du 12 mai 2017.



Les appelants sollicitent un sursis à statuer, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et de l'instruction en cours pour des faits d'escroquerie dans le cadre de laquelle, il se sont constitués partie civile avec d'autres victimes et tous les documents liés à cette affaire ont été saisis.



Ils considèrent qu'en l'absence de faute de leur part, dès lors qu'ils n'ont pas servi d'intermédiaire rémunéré pour l'établissement financier, avec lequel ils n'avaient conclu aucun partenariat et qu'il n'on procédé à aucun acte de banque, leur assureur doit sa garantie, à défaut d'exclusion formelle du risque considéré, étant précisé qu'il n'a pas déclaré de créance dans le cadre de la procédure collective. Ils invoquent subsidiairement la prise en charge d'un risque sériel dans les conditions de l'article L 124-1-1 du code des assurances, dès lors que les autres victimes ont été indemnisées. Ils ajoutent que la proposition d'honoraires dont fait état la compagnie d'assurances portait sur des conseils d'ordre juridique et fiscaux pour la vente de biens mobiliers et non sur la mise en place d'un nantissement au profit de l'établissement prêteur et rappelle qu'aucune facturation n'a été émise dans le cadre de ce dossier.



M.[M] [X] et la SCP [X] [N] exposent ne pas avoir établi le contrat de prêt et que Mme [O] n'a jamais été reçue à l'étude préalablement, pour présenter son projet, de sorte qu'aucun manquement à l'obligation de conseil ne peut leur être reproché, l'étude ayant seulement exécuté l'ordre de virement transmis par cette dernière. Ils ajoutent que ne pèse pas sur le notaire un devoir de mise en garde quant à l'opportunité économique de l'opération, ni quant à la solvabilité des parties, s'il n'en avait pas connaissance.



Ils contestent l'existence d'un lien de causalité, dès lors que Mme [O] avait fait le choix de contracter avec un établissement étranger échappant aux garanties données par la loi française et celle d'un préjudice, rappelant n'avoir reçu aucune rémunération de la société Eurofin, avec laquelle Mme [O] devait contracter.



Vu les conclusions transmises, le 12 décembre 2022, par Mme [Z] [O].



Elle expose que Me [X] qui devait rédiger l'acte de prêt qu'elle devait souscrire auprès de la société Efi Eurofinanz et lui a demandé de verser la somme de 60'000 € en son étude, pour couvrir les frais d'assurance, avoir appris que celle-ci avait été transférée sur le compte d'un avocat en Italie et que le financement n'a jamais été obtenu, ni le dépôt de garantie récupéré.



Mme [O] soutient que dans la mesure où elle a été relevée de la forclusion, et qu'elle a valablement déclaré sa créance, elle est d'autant plus recevable en sa demande à la voir fixer. Elle rappelle que chaque associé d'une SCP de notaires répond sur l'ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu'il accomplit et que son action à l'encontre de Me [X] est recevable, alors que la commissaire à l'exécution du plan a bien été assignée devant la cour que le moyen tiré de cette diligence est irrecevable en appel pour ne pas avoir été invoqué en première instance.



Selon elle, la procédure pénale pendante, dans laquelle elle n'est pas partie, n'empêche pas la cour de se prononcer sur la responsabilité professionnelle et le manquement au devoir de conseil de Me [X] et de la SCP [G], au vu des éléments relatés par l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction le 26 octobre 2017, alors que les autres victimes ont obtenu des provisions en référé.



Mme [O] souligne qu'aux termes de l'acte établi à l'en tête de Efi Eurofinanz, Me [X], notaire de l'établissement prêteur devait s'assurer du dépôt financier par l'emprunteur et de la prise de garanties sur le prêt. Il ne devait remettre le dépôt de garantie au prêteur et le montant prêté à l'emprunteur qu'après accord du prêt par l'établissement financier et la signature de l'acte par les deux parties et qu'il engage ainsi sa responsabilité quant à la non restitution de la somme versée en garantie en son étude. Elle ajoute que le notaire a transféré les fonds sans s'assurer d'un ordre valable, celui-ci émanant du gérant de la société Eurofinanz qui a usurpé son idendité et sa signature et de la qualité du destinataire, ce qu'il a reconnu dans le cadre de la procédure pénale.



Elle estime que l'assureur doit sa garantie dans le cadre de l'obligation de conseil et de mise en garde du notaire en charge de la supervision d'un contrat de prêt et qu'il ne peut être prétendu qu'il a agi en dehors de ses fonctions alors que lui avait été confiée une mission de séquestre, ni qu'il n'y a pas de lien de causalité, compte tenu du conseil de prudence donné par son avocat, celui-ci ayant été donné avant l'intervention du notaire supposé garantir l'éventuel remboursement. Elle rappelle avoir toujours contesté être l'auteur de l'ordre de virement.



L'intimée insiste sur le préjudice lié au manque à gagner engendré par le retard pris pour la mise en place de son activité de location saisonnière de chalets.



Vu les conclusions transmises le 12 août 2022, par la SA MMA IARD.



Elle fait valoir qu'aucun élément ne permet de démontrer que l'acte de prêt non signé dont le formalisme manque totalement de rigueur a été établi par le notaire en son étude et qu'aucune faute ne peut donc lui être imputée à ce titre et ajoute que dans la mesure où il avait été déconseillé par son avocat à Madame [O] de verser des fonds et qu'elle en a pris le risque, après avoir donné un ordre de virement sur un compte à l'étranger, le lien de causalité avec le préjudice allégué n'est pas constitué. Elle ajoute que la preuve de la réalité des préjudices n'est pas rapportée, précisant que la perte de bénéfices relève d'une société et non directement de cette dernière.



La SAMMA IARD soutient subsidiairement sur la garantie qu'il résulte de la procédure pénale queMe [X] avait conclu une convention de partenariat avec la société Data Finance, pour laquelle il a traité quatre dossiers et facturé une commission de 3 % d'un montant de 176'000 € et que le sinistre ne relève pas comme le contrat le prévoit de l'activité de notaire telle qu'elle est encadrée par le statut de la profession. Elle précise qu'il exclut les activités interdites au notaire, notamment les opérations de banque et commerciales et qu'il était interdit au notaire de rédiger un acte dans le cadre d'une transaction sur laquelle il touchait par ailleurs une commission de la part d'un tiers.



Elle ajoute que le juge des référés a accordé des provisions à des victimes se trouvant dans des situations différentes, en l'état de la contestation de la signature de l'ordre de virement et alors qu'elle n'avait pas connaissance des motifs de non garantie contenus dans l'arrêt rendu par la chambre d'instruction et rappelle qu'en tout état de cause elle ne peut intervenir qu'en cas de déclaration de responsabilité civile du notaire.









La société d'assurance invoque l'absence de garantie prévue par l'article L 113-1 du code des assurances, en cas de dol c'est-à-dire de manquement délibéré de l'assuré, faisant perdre au contrat son caractère aléatoire, estimant que tel est le cas du notaire acceptant le transfert de fonds sur le compte bancaire d'une société implantée en Italie, alors que le prêt n'était pas encore signé et que des informations inquiétantes circulaient sur le gérant de l'établissement financier.





Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 décembre 2022.






SUR CE





Citée à personne habilitée, Me [Y] [B], commissaire à l'exécution du plan de la SCP [M] [X] et [F] [N] n'a pas constitué avocat, ni conclu, ni comparu à l'audience. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire, en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.



Il convient de donner acte à Me [F] [N] de son intervention volontaire en sa qualité d'administrateur ad hoc de la SCP [X] [N].



Il apparaît que Mme [O] a régularisé la procédure à l'égard de Me [Y] [B], en sa qualité de mandataire judiciaire.



La demande de fixation de créance formée par Mme [O] à l'encontre de la SCP [X] [N] doit, en conséquence, être déclaré recevable.



L'existence d'une procédure pénale ouverte pour des faits d'escroquerie en bande organisée à l'encontre de trois personnes ayant obtenu la remise de fonds de particuliers en garantie d'un hypothétique financement n'ayant jamais été accordé, au cours de laquelle la constitution de partie civile de M. [M] [X] a été déclarée recevable par la chambre de l'instruction et dans laquelle Mme [O] n'a pas la qualité de partie, n'empêche pas la juridiction civile de statuer sur la responsabilité civile délictuelle fondée sur l'existence d'une faute professionnelle du notaire, pour défaut de vigilance et de prudence et manquement à son devoir de conseil.



Les pièces transmises dans le cadre de la procédure civile sont suffisantes pour révéler les modalités de son intervention dans le cadre de l'opération de financement litigieuse. Les motifs de la décision rendue par la chambre de l'instruction à l'occasion de l'examen de la constitution de partie civile les complètent, sans être en contradiction avec ces dernières.



M.[M] [X] et la SCP [X] [N] ne précisent pas quelles pièces qui auraient été saisies dans le cadre de la procédure pénale, pourraient produites à l'appui de leur défense dans le présent dossier civil.



Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours.



Aux termes des dispositions de l'article 16 alinéas 1et 2 de la loi n° 66-879 du 29 novembre

1966, modifiée alors en vigueur relative aux sociétés civiles professionnelles, chaque associé répond sur l'ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu'il accomplit et la société civile professionnelle est solidairement responsable avec lui des

conséquences dommageables de ses actes.



Il en résulte que l'action en responsabilité peut indifféremment être dirigée contre la société ou l'associé concerné, ou encore contre les deux.



Les demandes formées tant à l'encontre de M. M.[M] [X], à titre personnel que de la SCP [X] [N], sont donc recevables.



Le notaire, garant de la sécurité juridique économique et comptable des transactions est tenu d'une obligation générale de prudence et de vigilance, notamment lorsqu'il intervient en qualité de séquestre.



Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée, les effets et les risques de l'acte auquel il prête son concours suceptible de causer un préjudice à l'une d'elles.



Il est mentionné dans les motifs de l'arrêt rendu le 26 octobre 2017 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence que M. [X] a reconnu que le contrat de financement concernant Mme [O] a été signé dans son étude.



Ce projet d'acte prévoit que « l'emprunteur s'engage à déposer directement par l'intermédiaire de son propre notaire sur le compte séquestre du notaire mandaté par le financier la somme prévue par les présentes soit celle de soixante mille euros (60.000€) ».



Il ajoute que « le notaire du financier, Maître [M] [X], donnera à l'emprunteur et au financier l'assurance de les informer du dépôt financier effectué par l'emprunteur et de garantir la somme de l'emprunteur soussa responsabilité légale et jusqu'à l'accord ou le refus écrit du financier. Dans le cas où le financier donnerait son accord de financement, la somme versée sur le compte séquestre de Me [E] sera affectée en totalité à la prise de garantie dans les conditions prévues à l'article 10 du présent contrat. Dès l'enregistrement de l'acte, signé par chacune des parties, auprès des autorités légales et fiscales italiennes, valant engagement contractuel, définitif et irrévocable du financier et

de l'emprunteur, et le constat par le notaire du versement sur son compte séquestre de la prise de garantie au profit du financier, Maître [M] [X] s'engage à effectuer le versement du financement de ce contrat à l'emprunteur dans un délai logistique de huit jours ouvrables ».



Il apparaît, au vu des pièces produites que la somme de 60 000 € a été déposée le 14 octobre 2016 chez le notaire qui l'a virée, le même jour,sur le compte bancaire des avocats à [Localité 7] alors que le contrat prévoyait, comme indiqué ci-dessus que la libération du dépôt de garantie ne pouvait intervenir qu'à l'issue de la signature du contrat de financement par les deux parties et de son enregistrement, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.



L'ordre de virement a été établi sous l'ancien nom d'épouse de Mme [O] qui comporte une faute d'orthographe, une fausse signature, ainsi qu'une erreur sur sa date de naissance.

L'arrêt de la chambre de l'instruction précise que Me [X] avait admis que les ordres de virement lui avaient été adressés par mail émanant du nommé [I] et non des clients et ne s'être rendu compte qu'après transfert des fonds sur le compte bancaire italien, de l'existence de certaines anomalies dans la signature des clients et quil avait avoué ne s'être nullement assuré de la réalité du compte séquestre de l'avocat [U] sur la commune de [Localité 6] en Italie et encore moins pris attache avec ce dernier.



En procédant ainsi, le notaire a gravement manqué à ses obligations de prudence et de vigilance, sur la garantie attachée au séquestre de la somme de 60'000 €.



Cette faute professionnelle engage sa responsabilité civile délictuelle, ainsi que celle de la société civile professionnelle au sein de laquelle il est associé.



Il est certain que si la faute, consistant à transférer des fonds sur un compte à l'étranger, sans vérification du donneur d'ordre et de la qualité de séquestre de l'avocat italien n'avait pas été commise par le notaire, le préjudice lié à la perte totale de la somme versée en garantie par Mme [O] ne serait pas intervenu. Le lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice subi est donc bien établi en l'espèce.



Il ne saurait être reproché de ce chef à l'intimée d'avoir pris le risque de contracter avec une société étrangère, ce qui lui avait été déconseillé par son avocat, alors qu'elle a précisément décidé de poursuivre l'opération, y compris le versement d'une caution, dès lors qu'elle était garantie par l'intervention d'un notaire français.







Mme [Z] [O] est donc fondée à réclamer la condamnation de M. [M] [X] à lui payer la somme de 60'000 €, ainsi que la fixation de sa créance dans le cadre de la procédure collective de la SCP [X] [N], dans laquelle sa déclaration de créance a été admise, au même montant.



En revanche, l'attestation de l'expert-comptable établie le 20 septembre 2019, évoquant le début d'une activité au mois de juillet 2018, ainsi qu'un courrier électronique adressé à la Banque Populaire le 25 septembre 2019, ne permettent pas de démontrer l'existence d'un lien de causalité certain et direct entre la faute du notaire commise en 2016 et le préjudice financier allégué.



Il ne peut donc être fait droit à la demande en paiement de la somme de 32'200 €, à ce titre.



Il en est de même pour les frais de déplacement à [Localité 7] pour 724,60 €, dès lors que les conditions et la finalité de ce dernier ne sont pas clairement déterminées.



L'existence d'une résistance intentionnellement destinée à porter préjudice au créancier, pouvant être qualifiée d'abusive n'est pas démontrée. La demande en dommages et intérêts formée à ce titre est, en conséquence, rejetée



L'article 6 a du contrat d'assurance groupe souscrit par le conseil supérieur du notariat auprès de MMA IARD exclut de la garantie « ' la responsabilité civile qui incombe à l'assurée en raison d'opérations qui lui sont interdites par les textes légaux et réglementairesrelatifs au statut du notariat ' ».



L'article 13 alinéa 1 du décret n° 45-117 du 17 décembre 1945 interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personne interposée, soit directement, soit indirectement, de ne se livrer à aucune opération de commerce, de banque, ou de courtage.



Les motifs de l'arrêt rendu le 26 octobre 2017 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel mentionnent que Me [X] avait signé une convention de partenariat le 27 juillet 2016 avec la société Datafin, immatriculée au Liechtenstein qui lui octroyait une commission de 3 %, dans le cadre du traitement de quatre clients de son étude, dont Mme [O] et qu'il avait émis une facture de 176'000 € laquelle n'aurait pas été réglée.



Cette convention et cette facture ne sont pas produites aux débats.



Le contrat de financement souscrit par la société créée par Mme [O] a été établi au nom de la société Eurfinanz, immatriculée à [Localité 10], distincte de la société Datafin, intervenue pour les autres victimes.



Il n'est donc pas formellement démontré qu'un contrat de partenariat avait été conclu entre Me [X] et la société Eurofinanz qui devait traiter avec Mme [O] et donc que le notaire devait percevoir une commission dans le cadre de ce dossier de financement.



Le projet de contrat de financement évoque dans la rubrique 'garanties au profit du financier' la signature d'un nantissement des parts de la société emprunteuse, ainsi que le versement par l'emprunteur d'une garantie de 60'000 € qui servira à mettre en place une police d'assurance décès sur la tête du gérant de la société.



S'il n'est pas précisé si le nantissement sera souscrit sous la forme d'un acte sous seing privé ou d'un acte authentique dressé par le notaire, le projet d'acte évoque dans la rubrique 'Intervention du notaire' l'intervention de Me [X] en qualité de notaire mandaté par le financier pour la réalisation et l'émission des garanties nécessaires au prêt demandé,



Il apparaît que l'encaissement en la comptabilité de l'étude de Me [X] d'une somme de 60'000 €, pour la reverser dès le lendemain sur le compte d'un cabinet d'avocat en Italie,s'inscrit bien dans le cadre de son activité de notaire.



Il ne peut être considéré en l'espèce qu'il s'agissait d'une opération commerciale rémunérée interdite par le statut des notaires et donc exclue de la garantie de l'assureur.



L'article L.113-1 alinéa 2 du Code des assurances prévoit que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.



La faute intentionnelle excluant la garantie de l'assureur suppose que l'assuré a voulu, non seulement l'action génératrice du dommage, mais encore le dommage lui-même.



Il ne suffit pas que l'assuré ait voulu commettre une faute lourde ou qu'il ait eu conscience d'en commettre une, ayant ainsi augmenté la probabilité de réalisation du dommage, sans le rendre certain par une volonté de le provoquer.



Si les manquements à l'obligation de prudence et de vigilance retenus à l'encontre de Me [X], constituent une prise de risque importante, ils ne sont pas accompagnés de la volonté délibérée de causer le dommage, correspondant à l'absence définitive de remboursement du dépôt de garantie versé. Il ne peut ainsi être considéré qu'ils ont fait perdre au contrat son caractère aléatoire alors même que les fonds ont été transférés à l'étranger avant la signature du prêt par toutes les parties et que des informations inquiétantes auraient circulé sur le gérant de l'établissement financier.



Le texte susvisé n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce.



L'assureur est en conséquence tenu de prendre en charge le préjudice résultant de la faute professionnelle du notaire, dans le cadre de la couverture de sa responsabilité civile.



Au regard de ces éléments la société MMA IARD doit être condamnée à payer à Mme [O] la somme de 60 000 €, sous déduction de la franchise prévue par l'article 8 du contrat égale à 35 % de la part d'indemnisation inférieure ou égale à 15'000 € et à 25 % de la part d'indemnisation supérieure à 15'000 €, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.



Le jugement est confirmé, sauf en ce qui concerne les demandes formées à l'encontre de la société MMA IARD et les frais irrépétibles dont elle a été bénéficiaire.



Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.



Les parties perdante sont condamnées aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,



Donne acte à Me [F] [N] de son intervention volontaire en sa qualité d'administrateur ad hoc de la SCP [X] [N].



Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ouverte à l'encontre de tiers, dans laquelle M. [M] [X] s'est constitué partie civile.



Dit n'y avoir lieu de déclarer irrecevables les demandes de fixation de créance formées à l'encontre de la SCP [X] [N].



Déclare recevables les demandes formées à l'encontre de M. M.[M] [X], à titre personnel.



Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne les demandes formées à l'encontre de la société MMA IARD et les frais irrépétibles dont elle a été bénéficiaire,



Statuant à nouveau de ces chefs,



Condamne la société MMA IARD à payer à Mme [Z] [O], la somme de 60 000 €,sous déduction de la franchise prévue égale à 35 % de la part d'indemnisation inférieure ou égale à 15'000 € et à 25 % de la part d'indemnisation supérieure à 15'000 €, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.



Rejette la demande formée en première instance par la société MMA IARD, au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Y ajoutant,



Condamne M.[M] [X] et la société MMA IARD à payer à Mme [Z] [O], la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,



Fixe à 3 000 €, le montant de la somme due au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la SCP [X] [N] à Mme [Z] [O].



Condamne la société MMA IARD, M.[M] [X] et la SCP [X] [N] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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