24 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-12.313

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:SO00609

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2023




Rejet


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 609 F-D

Pourvoi n° P 22-12.313




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 MAI 2023

1°/ La société Cive, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ la société W.R.A, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de M. [S] [O], agissant en qualité de liquidateur de la société Cive,

ont formé le pourvoi n° P 22-12.313 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [G] [K], domicilié [Adresse 1],

2°/ à l'association Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Cive, et W.R.A, ès qualités, après débats en l'audience publique du 13 avril 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 décembre 2021), M. [K] a été engagé en qualité de soudeur par la société Cive (la société), suivant plusieurs contrats à durée déterminée entre le 8 septembre 2008 et le 31 octobre 2009. Le 4 janvier 2010, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée qui a été interrompu le 8 janvier suivant.

2. Le salarié a été engagé à nouveau suivant contrat à durée déterminée pour la période du 22 février au 31 juillet 2010, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée par avenant du 26 juillet 2010.

3. Ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale le 18 mars 2014 de demandes tendant à la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec indemnisation des préjudices subis, et au paiement de rappels d'heures supplémentaires pour la période allant de 2011 à 2013 et à titre provisionnel pour les années suivantes, ainsi que d'une indemnité pour travail dissimulé.

4. Par jugement du 11 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Dunkerque a ordonné à l'employeur de fournir au salarié les fiches de pointage de l'entreprise, et non de l'entreprise cliente, et débouté le salarié de ses autres demandes, celles-ci consistant dans la production, sous astreinte, des fiches de pointage et des plannings le concernant authentifiés par le cachet ou la signature de l'entreprise cliente et par le détail des heures facturées à celle-ci, ainsi que dans le renvoi de l'affaire au fond.

5. Par arrêt du 31 mai 2018, la cour d'appel de Douai a déclaré l'appel interjeté contre ce jugement irrecevable.

6. Le salarié a saisi une nouvelle fois la juridiction prud'homale le 13 juin 2018 afin qu'il soit statué sur le fond du litige.

7. Par jugement du 8 décembre 2020, le tribunal de commerce de Dunkerque a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société et désigné la société W.R.A en qualité de liquidatrice.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens


8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. La liquidatrice judiciaire, ès qualités, fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement qui avait déclaré prescrite l'action introduite par le salarié, de prononcer la requalification de la succession de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de dire que la rupture intervenue le 8 janvier 2010 devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de constater que de nouveaux contrats avaient été signés entre les parties et la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, de dire que cette rupture devait produire les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de fixer la créance du salarié au passif de la société à diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, puis, pour la première rupture, d'indemnité de requalification, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, pour violation de la procédure de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, pour la seconde rupture, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que si, en application des articles 2241 et 2242 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, l'article 2243 du code civil dispose que l'interruption est non avenue si la demande est définitivement rejetée, que ce soit par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir ; qu'en l'espèce, par jugement du 11 décembre 2014, sur saisine du 18 mars précédent, le conseil de prud'hommes de Dunkerque, oralement saisi d'un incident de communication de pièces et d'une demande de renvoi de la procédure au fond pour les conclusions du demandeur, a statué sur l'incident de communication en ordonnant la communication des fiches de pointage de l'entreprise et non de l'entreprise cliente, et a pour le reste débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes ; que par arrêt du 31 mai 2018, la cour d'appel de Douai a déclaré irrecevable l'appel dirigé par le salarié contre ce jugement, comme rendu en dernier ressort ; qu'il en résulte que l'interruption de prescription attachée à l'instance d'appel était non avenue et que l'effet interruptif de prescription résultant de la saisine du 18 mars 2014 avait pris fin le 11 décembre 2014, peu important que les demandes au fond n'aient pas été examinées ; que, pour refuser de déclarer prescrite la nouvelle requête introduite par le salarié le 13 juin 2018 en vue d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, de voir requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et de faire juger que la prise d'acte de la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait du jugement du 11 décembre 2014 que le bureau de jugement n'avait été oralement saisi que d'un incident de communication de pièces, qu'il avait rendu sa décision en faisant droit à cette demande, et que la cour d'appel avait décidé de l'irrecevabilité de l'appel s'agissant d'une mesure avant-dire droit ne statuant pas sur le fond, que les demandes au fond n'avaient donc pas été examinées par le conseil de prud'hommes, et que l'effet interruptif de prescription attaché à la saisine du 18 mars 2014 avait perduré indépendamment de la décision avant-dire droit rendue le 11 décembre 2014 et de celle rendue par la cour d'appel le 31 mai 2018 dès lors qu'il n'y avait pas eu extinction de l'instance ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes susvisés, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l'article L. 1471-1 du code du travail dans ses rédactions issues de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit soumis à son examen ; qu'en l'espèce, il résulte du jugement du 11 décembre 2014 du conseil de prud'hommes de Dunkerque que ce dernier avait été oralement saisi d'un incident de communication de pièces et d'une demande de renvoi de la procédure au fond pour les conclusions du demandeur, que le conseil avait statué sur l'incident de communication sans faire droit intégralement à la demande du salarié puisqu'il avait ordonné la communication des fiches de pointage de l'entreprise et non pas de l'entreprise cliente, et qu'il avait pour le reste débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes ; qu'en affirmant à l'appui de sa décision qu'il ressortait du jugement du 11 décembre 2014 que le bureau de jugement n'avait été oralement saisi que d'un incident de communication de pièces et qu'il avait rendu sa décision en faisant droit à cette demande, la cour d'appel a dénaturé ce jugement et violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

10. L'arrêt retient que les demandes présentées initialement par le salarié n'ont pas été examinées par le conseil de prud'hommes lorsqu'il a statué le 11 décembre 2014.

11. La cour d'appel en a exactement déduit, hors toute dénaturation, que l'interruption de prescription née de la première saisine de la juridiction prud'homale avait perduré dans ses effets nonobstant le jugement et la décision d'irrecevabilité rendus respectivement les 11 décembre 2014 et 31 mai 2018.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société W.R.A, en qualité de liquidatrice judiciaire de la société Cive, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille vingt-trois.

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