17 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-20.559

Assemblée plénière

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2023:PL00670

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations indues - Remboursement - Action en remboursement - Prescription - Délai - Point de départ - Fraude ou fausse déclaration - Portée

Il résulte de la combinaison des articles 2224 et 2232 du code civil et de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action

PAIEMENT DE L'INDU - Action en répétition - Prescription - Délai - Point de départ - Sécurité sociale - Prestations de vieillesse et d'invalidité - Remboursement - Action en remboursement - Fraude ou fausse déclaration - Portée

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Action en répétition de l'indu - Sécurité sociale - Prestations de vieillesse et d'invalidité - Remboursement - Action en remboursement - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Fraude ou fausse déclaration - Portée

Texte de la décision

COUR DE CASSATION LM


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Audience publique du 17 mai 2023

Cassation partielle
sans renvoi
M. SOULARD, premier président

Arrêt n° 670 B+R

Pourvoi n° K 20-20.559





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 17 MAI 2023


La Caisse nationale d'assurance vieillesse, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-20.559, contre les arrêts rendus les 4 juillet 2019 et 23 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à M. [M] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Par arrêt du 7 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.

La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, un moyen de cassation.

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M] [Y].

Le rapport de M. Boyer, conseiller, et l'avis écrit de M. de Monteynard, avocat général, ont été mis à la disposition des parties.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, assisté de Mme Safatian, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol et la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ont répliqué, après débats en l'audience publique du 31 mars 2023 où étaient présents, M. Soulard, premier président, MM. Chauvin, Sommer, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, présidents, Mme Martinel, doyen de chambre faisant fonction de président, M. Boyer, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Echappé, Mmes Duval-Arnould, Darbois, doyens de chambre, M. de Larosière de Champfeu, Mme Taillandier-Thomas, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mmes Daubigney, Sommé, Poinseaux, MM. Martin, de Lamy, conseillers, M. de Monteynard, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 4 juillet 2019, examinée d'office

1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 de ce code.

2. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (la caisse) s'est pourvue en cassation le 22 septembre 2020 contre deux arrêts rendus les 4 juillet 2019 et 23 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles, mais son mémoire ne contient aucun moyen à l'encontre de la première de ces décisions.

3. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 4 juillet 2019.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 juillet 2020), M. [Y] (l'assuré) est bénéficiaire, depuis le 1er septembre 2006, d'une pension de réversion.

5. À la suite d'un contrôle de ressources réalisé en 2014, la caisse, qui a constaté que l'assuré bénéficiait d'une pension de retraite complémentaire ainsi que de placements financiers n'ayant pas été déclarés, lui a notifié, le 28 mai 2015 et le 6 août 2016, un indu portant sur la période du 1er novembre 2006 au 31 juillet 2016.

6. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La caisse fait grief à l'arrêt de dire que sa créance est prescrite pour la période antérieure au 28 mai 2010, alors « que l'action en remboursement de prestations indûment versées sur la base de fausses déclarations de l'assuré se prescrit par cinq ans à compter du jour où la caisse a connaissance de celles-ci, dans la limite de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ; que cette prescription quinquennale ne porte que sur le délai pour exercer l'action, non sur la détermination de la créance elle-même ; qu'en l'espèce, la Cnav a constaté l'irrégularité des déclarations de patrimoine de M. [Y] à l'issue de son contrôle mené le 12 juillet 2014, qu'elle lui a notifié dès le 28 mai 2015 une demande de remboursement de l'intégralité des prestations indûment versées à compter du 1er mai 2009 ; qu'en considérant que la prescription quinquennale interdisait à la caisse de demander le remboursement des prestations indûment versées antérieurement au 28 mai 2010, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2232 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 :

8. Selon le second de ces textes, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

9. Aux termes du premier, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en remboursement d'un trop-perçu de prestations de vieillesse et d'invalidité provoqué par la fraude ou la fausse déclaration ne relève pas de la prescription abrégée de l'article L. 355-3 du code de la sécurité sociale et que, revêtant le caractère d'une action personnelle ou mobilière au sens de l'article 2224 du code civil, elle se prescrit par cinq ans à compter du jour de la découverte de la fraude ou d'une fausse déclaration.

11. Ce délai d'action n'a pas d'incidence sur la période de l'indu recouvrable, laquelle, à défaut de disposition particulière, est régie par l'article 2232 du code civil, qui dispose que le délai de la prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, soit la date de paiement des prestations indues.

12. Il s'en déduit qu'en cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de prestations de vieillesse ou d'invalidité, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci, permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées au cours des vingt ans ayant précédé l'action.

13. Pour déclarer prescrite la créance de la caisse pour la période antérieure au 28 mai 2010, l'arrêt retient que, la demande de répétition ayant été formée le 28 mai 2015, seules les prestations indues versées à compter du 29 mai 2010 peuvent être répétées.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation des chefs de dispositif infirmant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse de la demande portant sur le trop-perçu au titre de la période antérieure au 28 mai 2010 et la décision de la caisse du 6 août 2016 demandant le remboursement d'un trop-perçu d'un montant de 159,93 euros correspondant à la période du 1er novembre 2006 au 31 mai 2009, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant M. [Y] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

18. La demande de répétition de l'indu ayant été formée par la caisse, les 28 mai 2015 et 6 août 2016, dans le délai de cinq ans courant à compter de la découverte, en 2014, de la fausse déclaration de l'assuré et celui-ci ne contestant pas les décomptes produits ensuite de la révision de sa pension de réversion, M. [Y] doit être condamné à payer à la caisse la somme de 23 984,91 euros au titre du solde restant dû sur la période du 1er mai 2009 au 30 septembre 2014, déduction faite des retenues sur pension pratiquées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 4 juillet 2019 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse nationale d'assurance vieillesse demandant le remboursement d'un trop-perçu pour la période antérieure au 28 mai 2010, à charge pour celle-ci de recalculer les sommes dues pour la période non prescrite du 29 mai 2010 au 30 septembre 2014, et en ce qu'il infirme la décision de la Caisse nationale d'assurance vieillesse du 6 août 2016 demandant le remboursement d'un trop-perçu d'un montant de 159,93 euros correspondant à la période du 1er novembre 2006 au 31 mai 2009, l'arrêt rendu le 23 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME le jugement rendu le 26 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-d'Oise sauf en ce qu'il ordonne la jonction des recours enregistrés sous les numéros 15-00868/P et 17-00044/P et dit le recours de M. [Y] recevable ;

Condamne M. [Y] à payer à la Caisse nationale d'assurance vieillesse la somme de 23 984,91 euros correspondant au solde restant dû sur la période du 1er mai 2009 au 30 septembre 2014, déduction faite des retenues sur pension pratiquées ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles prononcées par les juges du fond ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.

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