17 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.106

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100324

Titres et sommaires

ARBITRAGE - Arbitrage international - Sentence - Sentence étrangère - Exequatur en France - Refus - Conditions - Solution donnée au litige heurtant concrètement et de manière caractérisée l'ordre public international

Il résulte des articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, du code de procédure civile que l'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger n'est refusé sur le fondement du premier de ces textes que lorsque la solution donnée au litige, et non le raisonnement suivi par les arbitres, heurte concrètement et de manière caractérisée l'ordre public international

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mai 2023




Cassation


Mme GUIHAL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 324 FS-B

Pourvoi n° M 21-24.106




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 MAI 2023

La société Monster Energy Company, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2] (États-Unis), a formé le pourvoi n° M 21-24.106 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 16, chambre commerciale internationale), dans le litige l'opposant à la société Sainte Claire, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Monster Energy Company, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sainte Claire, et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents Mme Guihal, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, M. Bruyère, conseillers, Mmes Kloda, Dumas, conseillers référendaires complétant la chambre avec voix délibératives en application de l'article L. 431-3 du code de l'organisation judiciaire, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2021), la société américaine Monster Energy a résilié le contrat, soumis au droit californien et stipulant une clause compromissoire, par lequel elle avait confié à la société Sainte Claire la distribution exclusive de ses produits dans le département de la Guyane.

2. Elle a demandé l'exequatur en France de la sentence rendue en Californie sous les auspices du Judicial Arbitration and Mediation Services qui validait cette résiliation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société Monster Energy fait grief à l'arrêt de refuser l'exequatur à la sentence alors « qu'il résulte de l'article 1520, 5°, du code de procédure civile, que le juge de l'exequatur doit rechercher si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est compatible avec l'ordre public international ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir relevé que par « la sentence arbitrale rendue par défaut le 31 mai 2017, l'arbitre unique a jugé valide la résiliation du contrat et condamné la société Sainte Claire au règlement de la somme de 5 264,61 dollars au titre de frais d'arbitrage et de 133 701,5 dollars au titre de frais d'avocats » et que « le contrôle exercé par le juge de l'annulation pour la défense de l'ordre public international s'attache seulement à examiner si l'exécution des dispositions prises par le tribunal arbitral heurte de manière manifeste, effective et concrète les principes et valeurs compris dans l'ordre public international », sans caractériser en quoi la reconnaissance ou l'exécution de la sentence, en ce qu'elle a jugé valide la rupture du contrat et condamné la société Sainte Claire à verser une certaine somme au titre des frais d'arbitrage et d'avocats, viole de manière caractérisée l'ordre public international, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La société Sainte Claire conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la critique est irrecevable, puisque nouvelle.

6. Cependant, le moyen invoque un vice résultant de l'arrêt lui-même et qui ne pouvait être décelé avant que celui-ci ne soit rendu.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1520, 5°, et 1525, alinéa 4, du code de procédure civile :

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'exequatur n'est refusé sur le fondement du premier que lorsque la solution donnée au litige, et non le raisonnement suivi par les arbitres, heurte concrètement et de manière caractérisée l'ordre public international.

9. Pour dire que la sentence méconnaît l'ordre public international français, l'arrêt retient qu'elle se réfère au droit californien choisi par les parties, sans mettre en oeuvre les dispositions impératives de l'article L. 420-2-1 du code de commerce, qui prohibent, dans les collectivités d'outre-mer, les accords ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, en quoi la validation par la sentence de la rupture du contrat, précédemment prononcée par la société Monster Energy, et la condamnation de la société Sainte Claire à verser une certaine somme au titre des frais d'arbitrage et d'avocats, violait de manière caractérisée l'ordre public international, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Sainte Claire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sainte Claire et la condamne à payer à la société Monster Energy la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.

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