16 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-83.634

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00498

Titres et sommaires

URBANISME - Permis de construire - Construction non conforme - Démolition, mise en conformité ou réaffectation du sol - Mesures prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme - Cas - Travaux illégaux sur une construction existante illégale mais non visée dans les poursuites - Remise en état de l'ensemble - Conditions - Ensemble constituant un tout indivisible

En cas de travaux illégalement entrepris sur une construction existante illégalement édifiée, mais non visée dans les poursuites, les juges ne peuvent, en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, ordonner la remise en état de l'ensemble des constructions qu'à la condition de caractériser en quoi la construction existante formait avec les seules constructions objet de la déclaration de culpabilité un tout indivisible, lequel suppose un ensemble d'éléments ne pouvant subsister les uns sans les autres

Texte de la décision

N° M 22-83.634 FS-B

N° 00498


MAS2
16 MAI 2023


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 MAI 2023



M. [J] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 27 janvier 2022, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamné à 15 000 euros d'amende dont 10 000 euros avec sursis et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [J] [X], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, conseillers référendaires, M. Croizier, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [J] [X] a été poursuivi pour avoir, sur un terrain appartenant à la commune de [Localité 1], entre le 1er janvier 2015 et le 22 juillet 2017, construit ou fait construire deux extensions de 22,84 et 12,80 mètres carrés d'emprise au sol et une annexe de 18,36 mètres carrés d'emprise au sol à une habitation illégalement édifiée, soit une emprise au sol totale de 117,52 mètres carrés, sans permis de construire et en violation du plan local d'urbanisme (PLU).

3. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable, condamné à 15 000 euros d'amende dont 10 000 euros avec sursis et a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.

4. M. [X] et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen


5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné à l'encontre de M. [X], à titre de peine complémentaire, la démolition de l'ensemble des constructions : habitation, extensions et annexe, alors :

« 1°/ que nul ne peut être puni à raison de faits pour lesquels il n'a pas été poursuivi ; qu'en ordonnant la démolition de l'ensemble des constructions édifiées sur la parcelle en cause, y compris celle de l'habitation, quand seuls la réalisation de deux extensions à ladite habitation et l'ajout d'une annexe étaient poursuivis, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du protocole additionnel à cette convention, L. 480-5 du code de l'urbanisme, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;



2°/ que la démolition d'une construction implantée irrégulièrement ne peut être ordonnée si la prescription de l'action publique est acquise ; qu'en ordonnant la démolition de l'ensemble des constructions édifiées sur la parcelle en cause, y compris celle de l'habitation, tout en constatant que la prescription avait ôté à cette construction préexistante son caractère délictueux, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du protocole additionnel à cette convention, L. 480-5 du code de l'urbanisme, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

7. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

8. Pour confirmer les mesures de restitution, portant sur la totalité des constructions, habitation, extensions, annexe, après avoir déclaré le prévenu coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d'infraction aux dispositions du PLU, l'arrêt attaqué énonce que la première construction, les deux extensions et l'annexe constituent un ensemble indissociable, avec un cabanon pour les outils et les véhicules, des chambres à coucher et une cuisine, et que, si la prescription a ôté à la construction existante son caractère délictueux, l'ensemble est néanmoins soumis à permis de construire.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

10. En effet, elle ne pouvait ordonner la remise en état de l'ensemble des constructions sans mieux caractériser en quoi la construction existante, qui n'était pas visée dans les poursuites, formait avec les seules constructions objet de la déclaration de culpabilité un tout indivisible, lequel suppose un ensemble d'éléments ne pouvant subsister les uns sans les autres.

11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation sera limitée à la mesure de remise en état, dès lors que la déclaration de culpabilité et la peine d'amende ont acquis un caractère définitif. Les autres dispositions seront donc maintenues.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 27 janvier 2022, mais en ses seules dispositions ayant ordonné la remise en état des lieux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-trois.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.