11 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-70.002

Autre - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:AV15005

Titres et sommaires

APPEL CIVIL - Acte d'appel - Nullité - Vice de forme - Conditions - Preuve d'un grief par le procureur général - Désignation inexacte de l'intimé dans l'acte d'appel - Conditions cumulatives

La déclaration d'appel formée par l'appelant, personne physique, à l'encontre d'un jugement rendu en matière de nationalité doit désigner le procureur général près la cour d'appel. Cette déclaration d'appel contre un tel jugement dans lequel le ministère public était partie principale et qui mentionne, au lieu du procureur général, le procureur de la République, est affectée d'un vice de forme, sa nullité ne pouvant être prononcée que sur la démonstration d'un grief par le procureur général. La notification des conclusions de l'appelant au procureur de la République s'analyse en une irrégularité de forme affectant cette notification. Ce n'est qu'en cas d'annulation de cette notification sur la démonstration d'un grief par le procureur général que la sanction de la caducité de la déclaration d'appel peut être prononcée

APPEL CIVIL - Acte d'appel - Nullité - Vice de forme - Conditions - Détermination

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Cas - Conclusions de l'appelant - Notification - Désignation inexacte de l'intimé dans l'acte d'appel - Preuve d'un grief par le procureur général - Conditions cumulatives - Effets

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Déclaration d'appel - Caducité - Cas - Conclusions de l'appelant - Défaut de notification au procureur général - Effets

Texte de la décision

Demande d'avis
n°Q 23-70.002

Juridiction : la cour d'appel de Paris




IT2





Avis du 11 mai 2023



n° 15005 B




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Deuxième chambre civile

Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile :

Énoncé de la demande d'avis

1. La Cour de cassation a reçu le 27 février 2023 une demande d'avis formée le 2 février 2023 par un conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris, dans une instance opposant le procureur général près la cour d'appel de Paris à M. [N].

2. La demande est ainsi formulée :
« 1) Dans le contentieux de la nationalité, la déclaration d'appel peut-elle désigner, en qualité d'intimé, le procureur de la République près le tribunal judiciaire, partie en première instance, sur le fondement de l'article 547 du code de procédure civile ou doit-elle obligatoirement viser le procureur général près la cour d'appel en vertu de l'article L.122-3 du code de l'organisation judiciaire ?
2) Dans l'hypothèse où la déclaration d'appel doit désigner en qualité d'intimé, le procureur général près la cour d'appel, quelle est la sanction applicable à la déclaration d'appel désignant le procureur de la République près le tribunal judiciaire ?
S'agit-il d'une fin de non-recevoir, sanctionnée par l'irrecevabilité de la déclaration d'appel, en application des articles 122 et suivants du code de procédure civile ?
Ou s'agit-il d'un cas de nullité de fond de la déclaration d'appel en application des articles 117 et suivants du code de procédure civile ?
Ou s'agit-il d'un cas de nullité de forme de la déclaration d'appel en application des articles 112 et suivants du code de procédure civile ?
3) Dans l'hypothèse où la déclaration d'appel doit désigner, en qualité d'intimé, le procureur général près la cour d'appel, la déclaration d'appel doit-elle être jugée caduque en application de l'article 911 du code de procédure civile si les conclusions ont été notifiées au procureur de la République près le tribunal judiciaire ? »

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, et les conclusions de M. Grignon Dumoulin, avocat général, entendu en ses observations orales.

Examen de la demande d'avis

Sur la première question

3. La question porte sur la désignation de l'intimé dans la déclaration d'appel faite par une partie, personne physique, à l'encontre d'un jugement statuant en matière de nationalité.

4. Selon l'article 29-3 du code civil, toute personne a le droit d'agir pour faire décider qu'elle a ou qu'elle n'a point la qualité de Français. Le procureur de la République a le même droit à l'égard de toute personne. Il est défendeur nécessaire à toute action déclaratoire de nationalité. Il doit être mis en cause toutes les fois qu'une question de nationalité est posée à titre incident devant un tribunal habile à en connaître.

5. Selon l'article 29-2 du code civil, la procédure suivie en matière de nationalité, et notamment la communication au ministère de la justice des assignations, conclusions et voies de recours, est déterminée par le code de procédure civile.

6. Il résulte des dispositions de l'article 901, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa dernière version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, que la déclaration d'appel est un acte de procédure contenant notamment les indications, prescrites par le cinquième alinéa de l'article 57 du même code, des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée et ce, à peine de nullité.

7. L'article 1042 du code de procédure civile dispose que toute action qui a pour objet principal de faire déclarer qu'une personne a ou n'a pas la qualité de Français, est exercée par le ministère public ou contre lui sans préjudice du droit qui appartient à tout intéressé d'intervenir à l'instance.

8. Or, il résulte des articles L.122-2 et L.122-3 du code de l'organisation judiciaire que le ministère public est exercé, en toutes matières, par le procureur de la République devant les juridictions du premier degré du ressort du tribunal judiciaire et par le procureur général devant les juridictions du second degré dans le ressort de la cour d'appel.

9. En application de ces règles, l'alinéa 2 de l'article 972-1 du code de procédure civile énonce que les actes de la procédure devant la cour d'appel destinés au ministère public sont notifiés au procureur général près la cour d'appel devant laquelle l'appel est formé.

10. Ce texte spécifique déroge aux dispositions générales de l'article 547 du code de procédure civile qui prévoient qu'en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.

11. Il résulte de ce qui précède qu'en matière de contentieux de nationalité, la déclaration d'appel de la partie, personne physique, doit désigner le procureur général près la cour d'appel.

Sur la deuxième question

12. La question posée est celle de savoir quelle sanction est applicable à une déclaration d'appel qui désigne le procureur de la République au lieu du procureur général.

13. La Cour de cassation a jugé que l'erreur manifeste, dans la désignation de l'intimé, au regard de l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel. (Ass. plén., 6 décembre 2004, pourvoi n° 03-11.053, Bull. 2004, Ass. Plén. n° 13 ).

14. Il en résulte qu'en matière de nationalité, la déclaration d'appel formée contre un jugement dans lequel le ministère public était partie principale, et qui mentionne, au lieu du procureur général, le procureur de la République, est affectée d'un vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcée que sur la démonstration d'un grief par le procureur général.

Sur la troisième question

15 . L' article 972-1, alinéa 2, précité, énonce que les actes de la procédure devant la cour d'appel destinés au ministère public sont notifiés au procureur général près la cour d'appel devant laquelle l'appel est formé.

16. Par conséquent, cette disposition ne prévoit pas que la notification de conclusions de l'appelant soit faite indifféremment au procureur de la République ou au procureur général mais seulement à ce dernier.

17. Si la Cour de cassation a jugé que dans un contentieux de nationalité, la disposition de l'article 911 du code de procédure civile prévoyant que, sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910 du même code, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour d'appel, s'applique au ministère public lorsque celui-ci est partie à l'instance d'appel, (2ème civ., 28 septembre 2017, pourvoi n° 16-21.881, publié), cet arrêt ne concerne toutefois que l'hypothèse dans laquelle l'appelant n'avait pas notifié ses conclusions au ministère public dans le délai de leur remise à la cour d'appel.

18. Or, la question posée, distincte, est celle de savoir si l'irrégularité de la notification des conclusions de l'appelant au procureur de la République au lieu du procureur général est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel.

19. Dès lors, il convient d'appliquer la jurisprudence constante de la Cour de cassation aux termes de laquelle il résulte des articles 114, alinéa 2 et 911 du code de procédure civile que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai imparti par l'article 911 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité. (2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-17.999, Bull. 2014, II, n° 213 ; 2ème Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 19-17.202).

20. S'analysant ainsi en une irrégularité de forme affectant la notification des conclusions qui est faite, dans le délai imparti, non pas au procureur général, mais au procureur de la République, elle est susceptible d'être annulée sur la démonstration d'un grief par le procureur général. Ce n'est qu'en cas d'annulation de cette notification que la sanction de la caducité de la déclaration d'appel est encourue.

EN CONSÉQUENCE, LA COUR :

EST D'AVIS QUE

1.En matière de contentieux de nationalité, la déclaration d'appel de la partie, personne physique, doit désigner le procureur général près la cour d'appel.

2. La déclaration d'appel formée contre un jugement dans lequel le ministère public était partie principale, et qui mentionne, au lieu du procureur général, le procureur de la République, est affectée d'un vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcée que sur la démonstration d'un grief par le procureur général.

3. La notification des conclusions qui est faite, dans le délai imparti, non pas au procureur général mais au procureur de la République, ainsi affectée d'un vice de forme, est susceptible d'être annulée, en application de l'article 114 du code de procédure civile, sur la démonstration d'un grief par le procureur général. Ce n'est qu'en cas d'annulation de cette notification que la sanction de la caducité de la déclaration d'appel est encourue en application de l'article 911 du code de procédure civile.

Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 11 mai 2023, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 18 avril 2023 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Caillard, M. Waquette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Grignon-Dumoulin, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre.

Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.

Le conseiller rapporteur Le président




Le greffier de chambre

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