11 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-24.242

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C200440

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2023




Cassation partielle


Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 440 F-D


Pourvois n°
J 21-24.242
M 21-24.244
N 21-24.245
P 21-24.246
Q 21-24.247
R 21-24.248
S 21-24.249
T 21-24.250
U 21-24.251
V 21-24.252
W 21-24.253
X 21-24.254
Y 21-24.255
Z 21-24.256
A 21-24.257
B 21-24.258
C 21-24.259
K 21-24.427 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023

La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° J 2124242, M 2124244, N 2124245, P 2124246, Q 2124247, R 2124248, S 2124249, T 2124250, U 2124251, V 2124252, W 2124253, X 2124254, Y 2124255, Z 2124256, A 2124257, B 2124258, C 2124259 et K 2124427 contre les jugements n° RG 16/03072, 16/03069, 16/03068, 16/03067, 16/03065, 16/03066, 16/03064, 16/03063, 16/03062, 16/03061, 16/03060, 16/03059, 16/03058, 16/03057, 16/03056, 1603055, 16/03054 et 16/03053 rendus le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux (pôle social, contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale), dans les litiges l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, un moyen unique commun de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Aquitaine, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 2124242, M 2124244, N 2124245, P 2124246, Q 2124247, R 2124248, S 2124249, T 2124250, U 2124251, V 2124252, W 2124253, X 2124254, Y 2124255, Z 2124256, A 2124257, B 2124258, C 2124259 et K 2124427 ont été joints par ordonnance du premier président de la Cour de cassation du 17 janvier 2022.

Faits et procédure

1. Selon les jugements attaqués (tribunal judiciaire de Bordeaux, 16 septembre 2021), rendus en dernier ressort, à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a adressé à la société [3] (la société) une lettre d'observations pour l'ensemble de ses soixante-quatre établissements.

2. Soixante-et-une mises en demeure lui ayant été notifiées les 25, 26, 27, 30 novembre, 1er et 2 décembre 2015, la société a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief aux jugements de rejeter ses recours, alors « qu'il résulte de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, que revêtent le caractère d'avantages en nature, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition permanente d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge ; que, pour valider le chef de redressement relatif à un avantage en nature, le tribunal judiciaire a relevé que certains salariés de la société, adhérents de l'association d'utilisateurs de véhicules, bénéficient d'une mise à disposition permanente d'un véhicule dont ils font un usage tant privé que professionnel, qu'il résulte des statuts de l'association d'utilisateurs de véhicules que la cotisation versée par l'adhérent, salarié de la société, est déterminée en fonction d'un barème tenant compte de la catégorie du véhicule, que l'association mentionne faire son affaire du règlement des factures de location, d'entretien et de réparation, que les questions d'assurance concernant les véhicules sont centralisées par l'association, que l'entretien est assuré par l'association, qu'une carte de carburant est mise à la disposition de chaque salarié adhérent par la société, par l'intermédiaire de l'association, et qu'il en ressort que le fonctionnement de l'association dispense les salariés de certaines dépenses liées à l'utilisation à titre privé du véhicule, leur permettant de bénéficier d'un service à coût réduit et de réaliser une économie de frais, la cotisation annuelle qu'ils versent ne permettant pas de couvrir les frais liés à l'utilisation privée du véhicule ; que le tribunal judiciaire a encore relevé que la société affirme ne prendre en charge que la part de frais correspondant à une utilisation professionnelle des véhicules mais que les documents versés aux débats qui identifient les salariés, le véhicule et le nombre de kilomètres à titre professionnel et personnel sont établis sur un dispositif purement déclaratif et ne permettent pas au tribunal de vérifier que l'indemnité versée par l'employeur couvre effectivement et exclusivement les frais associés aux kilomètres parcourus à des fins professionnelles par les salariés à l'exclusion des frais associés à une utilisation privée de ces véhicules ; qu'en considérant, en conséquence, que la société ne peut valablement soutenir ne pas prendre en charge par l'intermédiaire de son association les dépenses incombant personnellement aux salariés et liées à l'usage privé des véhicules mis à leur disposition en raison de leur relation de travail et que c'est à juste titre que l'URSSAF a qualifié cette mise à disposition permanente de véhicule d'avantage en nature octroyé par l'employeur devant donner lieu à cotisations sociales après déduction de la cotisation versée par les salariés à l'association, le tribunal judiciaire a statué par des motifs ne caractérisant ni en son principe ni en son montant l'existence d'un avantage en nature et a violé les articles L. 242-1, alinéa 1er du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2018-474 du 12 juin 2018 et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations dans sa rédaction antérieure à l'arrêté du 21 mai 2019, applicables au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales :

4. Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens du premier de ces textes, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge.

5. En application du second de ces textes, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

6. Pour dire que les salariés bénéficiaient de l'avantage en nature résultant de la mise à disposition à titre permanent d'un véhicule, les jugements relèvent essentiellement que la cotisation, versée par le salarié de la société à l'association dont il est adhérent, laquelle centralise les questions d'assurance et l'entretien du véhicule et met à sa disposition une carte de carburant, est déterminée en fonction d'un barème tenant compte de la catégorie du véhicule. Ils énoncent que les documents produits par la société mentionnent uniquement le nombre de kilomètres parcourus par les salariés à titre personnel et à titre professionnel et qu'ils ne permettent pas de vérifier que l'indemnité versée par l'employeur couvre exclusivement les frais associés aux kilomètres parcourus à des fins professionnelles.

7. Ils retiennent que la seule cotisation annuelle versée par les salariés ne permet pas de couvrir les frais liés à l'utilisation privée et que cette mise à disposition permanente d'un véhicule leur permet de réaliser une économie. Ils ajoutent que l'URSSAF n'a pas procédé à une taxation forfaitaire mais à une évaluation forfaitaire de l'avantage en nature, réalisée sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût du véhicule minoré du montant de la cotisation versée à l'association, les éléments communiqués ne permettant pas une évaluation aux frais réels.

8. En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, dans son principe et dans son montant, l'avantage en nature litigieux, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent la société [3] de sa demande d'annulation du chef de redressement portant sur l'avantage en nature véhicule : « principe et évaluation - véhicules mis à disposition par l'association centrale des utilisateurs de véhicules AUV », valident les mises en demeure, déclarent acquises les sommes réglées au titre des redressements et condamnent la société [3] à payer à l'URSSAF d'Aquitaine les sommes restant dues au titre des mises en demeure, les jugements rendus le 16 septembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces jugements et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Angoulême ;

Condamne l'URSSAF d'Aquitaine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Aquitaine et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.

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