11 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-13.696

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C300310

Titres et sommaires

CONSTRUCTION IMMOBILIERE - Immeuble à construire - Vente en l'état futur d'achèvement - Garantie financière d'achèvement - Exécution - Solde du prix de vente de l'immeuble - Paiement - Bénéficiaires - Détermination - Portée

Le garant d'achèvement d'une construction vendue en l'état futur d'achèvement prévu à l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, qui achève ou fait achever en les payant, les travaux abandonnés par le constructeur défaillant, est seul fondé à exiger de l'acquéreur le solde du paiement du prix de vente. La créance du garant sur le prix de vente encore détenu par les acquéreurs étant la contrepartie de la mise en oeuvre de la garantie, elle est limitée à la part du prix correspondant aux ouvrages financés par le garant. Conformément à l'article 1315, devenu 1353 du code civil, il appartient, dès lors, au garant qui réclame à l'acquéreur le paiement du solde du prix de vente, de prouver que ce solde est la contrepartie de travaux qu'il a financés pour parvenir à l'achèvement de l'ouvrage

CONSTRUCTION IMMOBILIERE - Immeuble à construire - Vente en l'état futur d'achèvement - Garantie financière d'achèvement - Exécution - Solde du prix de vente de l'immeuble - Créance du garant - Etendue - Preuve - Charge - Détermination

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 310 FS-B

Pourvoi n° S 22-13.696




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023

La société Carolive, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° S 22-13.696 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Banque Socredo, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à M. [W] [O], domicilié [Adresse 3], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Carlton Hills,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Carolive, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Banque Socredo, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 25 novembre 2021), la société Carlton Hills a fait construire un immeuble à usage d'habitation en Polynésie française dont elle a vendu des lots en l'état futur d'achèvement à la société civile immobilière Carolive (la SCI).

2. Le 17 décembre 2004, une garantie extrinsèque d'achèvement a été souscrite sous la forme d'un cautionnement bancaire auprès de la société Banque Socredo (la banque).

3. La société Carlton Hills, la banque et la SCI, ainsi que d'autres copropriétaires, ont conclu un protocole pour parvenir à l'achèvement de l'ouvrage.

4. La société Carlton Hills a été mise en redressement judiciaire le 10 août 2009 puis en liquidation le 23 novembre 2009.

5. La banque a assigné la SCI et M. [O], pris en sa qualité de liquidateur de la société Carlton Hills, aux fins de paiement, par la SCI, de la somme de 8 400 000 francs CFP correspondant au solde du prix d'achat de ses lots.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième et quatrième moyens


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.






Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la banque la somme de 5 281 951 francs CFP, d'ordonner la mainlevée du compte séquestre à hauteur de la somme de 3 118 049 francs CFP au profit de la banque et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors « que le garant d'achèvement d'une construction vendue en l'état futur d'achèvement qui achève ou fait achever en les payant les travaux abandonnés par le constructeur défaillant, n'est fondé à exiger des acquéreurs que le paiement du solde du prix de vente encore éventuellement dû par ces derniers ; que la société Carolive ayant démontré l'existence d'un accord intervenu avec le représentant du promoteur les 5 juillet et 2 août 2007 selon lequel seront à déduire du solde du prix, divers travaux réalisés par l'acquéreur, c'est à la Banque Socredo qu'il appartenait de démontrer avoir néanmoins financé l'exécution de ces travaux dans le cadre de la garantie d'achèvement ; qu'en énonçant qu'il ne résulterait pas du document en date des 5 juillet et 2 août 2007 que les travaux mentionnés pour un prix de 3 181 951 FCP n'ont pas été en définitive réalisés dans le cadre de la garantie d'achèvement et qu'ils ont été pris en charge par les acquéreurs directement, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

8. Il est jugé, au visa du premier de ces textes, que le garant d'achèvement d'une construction vendue en l'état futur d'achèvement, qui achève ou fait achever en les payant, les travaux abandonnés par le constructeur défaillant, est seul fondé à exiger de l'acquéreur le solde du paiement du prix de vente (3e Civ., 7 novembre 2007, pourvoi n° 05-15.515, Bull. 2007, III, n° 191).

9. La créance du garant sur le prix de vente encore détenu par les acquéreurs étant la contrepartie de la mise en oeuvre de la garantie, elle est limitée à la part du prix correspondant aux ouvrages financés par le garant.

10. Selon le second de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

11. Il appartient, dès lors, au garant qui réclame le paiement, par l'acquéreur, du solde du prix de vente, de prouver que ce solde est la contrepartie de travaux qu'il a financés pour parvenir à l'achèvement de l'ouvrage.

12. Pour condamner la SCI à payer l'intégralité du solde du prix de vente, l'arrêt retient que, s'il résulte du protocole des 5 juillet et 2 août 2007 que les travaux qui y sont mentionnés n'ont pas été pris en charge par le vendeur en juillet 2007, il n'est pas établi qu'ils n'ont pas été réalisés en exécution de la garantie d'achèvement et qu'ils ont été pris en charge par les acquéreurs directement.

13. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait au garant de prouver qu'il avait financé la réalisation des ouvrages correspondant au solde du prix qu'il réclamait, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve de l'obligation, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. La violation des règles de preuve ne portant que sur une obligation d'un montant de 3 181 951 francs CFP, la cassation peut se limiter à la condamnation de la SCI à verser à la banque la somme de 5 281 951 francs CFP sans atteindre la disposition ordonnant la mainlevée du compte séquestre de la somme de 3 118 049 francs CFP.

15. La cassation n'atteint pas, par ailleurs, le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par la SCI contre la banque, dès lors que les motifs critiqués ne sont pas le soutien de cette décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile immobilière Carolive à verser à la société Banque Socredo la somme de 5 281 951 francs CFP sur le compte centralisateur numéro [XXXXXXXXXX02] ouvert dans ses livres, l'arrêt rendu le 25 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne la société Banque Socredo aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Banque Socredo et la condamne à payer à la société civile immobilière Carolive la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.

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