11 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.737

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100304

Titres et sommaires

FILIATION - Filiation adoptive - Adoption plénière - Conditions - Consentement - Consentement du parent à l'égard duquel la filiation est établie - Consentement ne se rattachant pas à une instance particulière - Effet - Détermination - Portée

Il résulte des articles 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 du code civil, applicables à l'espèce que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois. Sous cette réserve, le consentement donné, qui ne se rattache pas à une instance particulière, n'est pas limité dans le temps

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2023




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 304 FS-B

Pourvoi n° P 21-17.737

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 2 décembre 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023

Mme [G] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 21-17.737 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [N] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de Mme [T], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes Antoine, Poinseaux, Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 avril 2021), Mme [L] et Mme [T] se sont mariées le 29 août 2015.

2. Le 19 janvier 2016, Mme [L] a donné naissance à l'enfant [U].

3. Par requête du 28 avril 2016, Mme [T] a sollicité le prononcé de l'adoption plénière de [U], à laquelle Mme [L] avait consenti le 18 février 2016.

4. Un arrêt du 5 décembre 2018 a constaté son désistement de l'instance.

5. Par la suite, Mme [T] a de nouveau sollicité le prononcé de l'adoption plénière de [U].

6. Un jugement du 12 décembre 2019, frappé d'appel par Mme [L] qui avait initié l'instance par requête du 17 octobre 2016, a prononcé le divorce des épouses pour altération définitive du lien conjugal.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Mme [L] fait grief à l'arrêt de prononcer, avec toutes ses conséquences de droit, l'adoption plénière de [U] par Mme [T], alors « que lorsque la filiation d'un enfant n'est établie qu'à l'égard d'un de ses auteurs, celui-ci donne le consentement à l'adoption ; qu'en l'espèce, la rétractation par Mme [L] de son consentement par courrier du 19 octobre 2016 adressé au parquet civil du tribunal de grande instance de Bordeaux, suivie du retrait de sa demande en adoption par Mme [T], 17 janvier 2017, a eu pour effet d'anéantir l'acte du 18 février 2016 ; qu'en conséquence, suite au dépôt d'une nouvelle requête en adoption par Mme [T], le consentement de Mme [L] devait être recueilli dans les conditions de l'article 348-3, alinéa 1er, du code civil ; qu'en énonçant que "les termes du recueil du consentement tel que figurant dans l'acte authentique du 18 février 2016 portant déclaration de son consentement à l'adoption plénière de son enfant [U] par Mme [T], ne comporte aucune limite dans le temps ni ne se rattache à une instance particulière", la cour d'appel a violé les dispositions des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles 345-1, 1°, 348-1 et 348-3 du code civil, dans leur version alors applicable, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois.

10. Après avoir constaté que le consentement de Mme [L], reçu par acte notarié dans les formes requises, n'avait pas été rétracté dans le délai de deux mois, la cour d'appel a justement retenu que celui-ci ne comportait aucune limite dans le temps ni ne se rattachait à une instance particulière, de telles réserves n'étant pas prévues par la loi, de sorte qu'il avait plein et entier effet.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

12. Mme [L] fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant ; que la réunion des conditions légales de l'adoption, prévues notamment par les articles 345-1, 348-1 du code civil, est vérifiée par le juge au moment où il statue ; qu'en se bornant à énoncer que "la qualité pour agir s'analyse au moment de la requête déposée, celle formalisée par l'appelante doit être déclarée recevable pour l'avoir été dans un temps où le couple était encore uni par les liens du mariage, soit le 25 février 2019", sans rechercher si, au jour où elle statuait les conditions légales de l'adoption étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. En application des articles 345-1, 348-1 et 353 du code civil, dans leur version alors applicable, le juge doit vérifier si les conditions légales de l'adoption de l'enfant du conjoint sont remplies au moment où il se prononce.

14. La cour d'appel a constaté qu'il avait été interjeté appel du jugement de divorce rendu le 12 décembre 2019 et que celui-ci était pendant, ce dont il se déduit que Mme [T] et Mme [L] étaient encore unies par les liens du mariage au moment où elle a statué.

15. Il en résulte que les conditions légales de l'adoption de l'enfant du conjoint étaient réunies au moment où la cour d'appel s'est prononcée.

16. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.

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