27 avril 2023
Cour d'appel de Lyon
RG n° 21/07129

3ème chambre A

Texte de la décision

N° RG 21/07129 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N3JE









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 20 septembre 2021



RG : 2017f03088







[U]



C/



[O]

LA PROCUREURE GENERALE

S.E.L.A.R.L. MARTIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 27 Avril 2023







APPELANT :



M. [H] [U]

né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 9]

[Adresse 14]

[Localité 13]

[Localité 3] (EMIRATS ARABES UNIS)



Représenté par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102, postulant et plaidant par Me Mickael BENMUSSA du cabinet Piotraut Giné Avocats, avocat au barreau de PARIS





INTIMES :



M. [L] [O]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 12]

[Adresse 5]

[Localité 8]



non représenté





Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 6]



En la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général





S.E.L.A.R.L. [B] représentée par Maître [F] [B], Mandataire judiciaire en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MED CLEAN FRANCE, en lieu et place de Maître [J] [X], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Lyon en date du 19 décembre 2019

[Adresse 10]

[Localité 7]



Représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON, toque : 757 substitué et plaidant par Me Evanna IENTILE, avocat au barreau de LYON







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Date de clôture de l'instruction : 09 Février 2023



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Février 2023



Date de mise à disposition : 27 Avril 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Aurore JULLIEN, conseillère



assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière



A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.



Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




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EXPOSÉ DU LITIGE



La SAS Med Clean France avait pour activité la collecte, le transport privé pour son propre compte, le traitement, l'élimination, le stockage des résidus industriels, urbains et hospitaliers, l'étude, l'analyse, la vente et la maintenance de tout ce qui concerne l'environnement. Elle a été constituée en 1996 (sous enseigne Tecmed). En avril 2014, la société de droit suisse, Med Clean SA, détenue et dirigée par M. [H] [U] a acquis l'intégralité de la société Tecmed qui a alors pris le nom de SAS Med Clean France.

À cette date, M. [L] [O] a été nommé en qualité de « personne ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel la société », tout en étant simultanément salarié de la société de droit suisse Med Clean SA, dont le dirigeant était M. [U]



Par jugement du 30 mars 2015, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Med Clean France, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 11 mars 2015 et désigné Me [X] en qualité de mandataire judiciaire.



Par jugement du 2 juillet 2015, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté un plan de cession partielle de la société Med Clean France pour 1,6 millions d'euros.



Par jugement du 2 octobre 2015, le tribunal de commerce de Lyon a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a nommé Me [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France. Par arrêt du 3 décembre 2015, la cour d'appel de Lyon a confirmé ce jugement.



Par ordonnance du 26 juillet 2016, le juge commissaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société Med Clean a désigné un technicien afin d'examiner la comptabilité des exercices 2013, 2014 et 2015 ainsi que les relations financières ou commerciales avec toutes les sociétés liées par des liens capitalistiques ou par l'intermédiaire de dirigeants et/ou associés communs.



Le technicien a rendu son rapport le 27 mars 2017. Suite à ce rapport, par actes extrajudiciaires des 7 et 23 août 2017, Me [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, a assigné M. [O] en faillite personnelle et MM. [O] et [U] en responsabilité pour insuffisance d'actif.



Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a désigné la Selarl [B] en remplacement de Me [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France.



Par jugement contradictoire du 20 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les n°2017F3287 et 2017F3088,

- dit recevable l'intervention volontaire de la Selarlu [B], représentée par Me [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France,

- débouté MM. [U] et [O] de leur demande de sursis à statuer,

- dit que M. [O] est dirigeant de droit de la société Med Clean France,

- jugé le comportement de M. [O] fautif

- condamné M. [O] à supporter le paiement d'une partie de l'insuffisance d'actif de la société Med Clean France à hauteur de 29.235 euros,

- prononcé une mesure de faillite personnelle de 10 ans à l'encontre de M. [O] né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 11],

- dit que M. [U] est dirigeant de droit de la société Med Clean France,

- jugé fautif le comportement de M. [U]

- condamné M. [U] à supporter le paiement d'une partie de l'insuffisance d'actif de la société Med Clean France à hauteur de 1.685.470 euros,

- prononcé une mesure de faillite personnelle de 15 ans à l'encontre de M. [U] né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 9],

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. [O] à payer à la Selarlu [B], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] à payer à la Selarlu [B], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront à la charge de MM. [U] et [O] solidairement.



M. [U] a interjeté appel par acte du 23 septembre 2021.



Par ordonnance de référé du 6 décembre 2021, le premier président de la cour d'appel de Lyon a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement déféré.



Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 janvier 2022 et non signifiées à M. [O] fondées sur les articles R. 662-12, R. 661-1 alinéa 2, L. 651-1 et suivants, L. 227-5 et L. 227-7 et suivants du code de commerce et les articles 377 et 378 du code de procédure civile, M. [U] demande à la cour de :

- juger son appel recevable et bien fondé,

à titre principal,

- annuler le jugement déféré en ce qu'il ne contient aucune référence au rapport du juge-commissaire, ce qui constitue une formalité substantielle,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- juger qu'il est recevable et bien-fondé en ses demandes, fins et prétentions,

et statuant à nouveau,

- juger qu'il n'est ni dirigeant de droit, ni dirigeant de fait de la société Med Clean France,

- juger qu'aucune faute de gestion ne peut lui être imputée,

- juger que le tribunal de commerce de Lyon ne rapporte pas la preuve de ce que les fautes invoquées auraient contribué à l'insuffisance d'actif alléguée de la société Med Clean France,

- juger que la sanction de faillite personnelle prononcée à son encontre n'est pas justifiée,

- débouter la Selarl [B], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Me [B], ès-qualités, à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- et à supporter les entiers dépens de l'instance.



Sur la nullité du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon, l'appelant a mis en avant les moyens suivants :

- le non-respect de l'article R662-12 du code de commerce qui indique que le tribunal statue sur le rapport du juge-commissaire, notamment en cas de responsabilité pour insuffisance d'actifs, s'agissant d'une formalité substantielle

- le défaut de référence au rapport du juge-commissaire dans le jugement, ce qui implique une nullité du jugement rendu et le terme de la procédure.



À titre subsidiaire, M. [U] a sollicité l'infirmation du jugement déféré et a mis en avant les éléments suivants :

- le défaut de motivation de l'exécution provisoire, la seule mention du défaut d'incompatibilité n'étant pas suffisant à la justifier, le tribunal se contentant de procéder par affirmation sans explications ou motivation, les décisions citées par l'intimée n'ayant pas vocation à s'appliquer à la législation actuelle, sans compter qu'elles n'ont pas été rendues au visa de l'article R661-1 du code de commerce

- la méconnaissance de la qualification du dirigeant de droit d'une société par actions simplifiée étant rappelé que dans le cadre d'une SAS, les statuts déterminent librement la manière dont la société est dirigée et que l'analyse des statuts seule permet de déterminer la nature et la qualité du dirigeant soit en l'état, la personne de M. [O], M. [U] n'ayant pas cette qualité, étant rappelé que l'intéressé a été désigné comme représentant permanent, ce statut s'imposant de fait, en application du libre principe d'organisation

- l'article 14 des statuts, la désignation de M. [O] en date du 7 mai 2014 comme représentant permanent et l'indication par décision du 28 novembre 2014 indiquant qu'il était seul intervenant, la société et son associé unique n'intervenant pas dans la direction, la gestion ou l'administration de la société de droit français et le fait que seul M. [O] disposait d'un pouvoir de signature et d'un accès aux comptes.



M. [U] a indiqué ne pas être dirigeant de fait au regard des éléments suivants :

- l'absence de preuve d'actes positifs réalisés par lui qui en outre, n'est qu'un actionnaire parmi d'autres de la société de droit suisse, sans compter qu'il ne la dirige pas, la désignation de M. [O] comme représentant permanent étant intervenue par décision collégiale

- le caractère inopérant de la notion d'influence déterminante, qui n'est pas reprise dans les textes ou la jurisprudence

- l'absence d'actes de gestion ou administration positifs

- le caractère indifférent des management fees à hauteur de 322.000 euros facturés au profit de la société Med Clean SAS, qui ne permettent pas de caractériser une intervention particulière de l'appelant, sans compter qu'ils correspondaient aux rémunérations de M. [O]

- l'absence d'instructions ou demandes écrites de sa part à M. [O] sans compter qu'il n'était pas à l'origine du projet de reprise, celui-ci ayant été porté par l'ancien dirigeant de la société Tecmed.



S'agissant des fautes de gestions mises en avant par la Selarlu [B], M. [U] a fait état des éléments suivants :

- l'absence de caractérisation des fautes de gestion par le Tribunal de Commerce qui s'est contenté de procéder par affirmation, citant les faits, sans faire de liens avec sa personne

- concernant la comptabilité irrégulière pour l'année 2014, le fait qu'il n'était pas dirigeant de droit et n'était donc pas redevable des obligations incombant à celui-ci et le fait qu'aucun élément ne vient prouver qu'il était en charge de la comptabilité de la société

- le fait que le technicien nommé ne l'a pas contacté mais uniquement M. [O], en vain et n'a retenu qu'une absence d'organisation ou de rigueur mais pas des fautes de gestion

- l'absence de faute en lien avec l'approbation des comptes, étant rappelé qu'une société a six mois pour les approuver une fois l'exercice comptable clôturé

- l'absence de preuve d'une poursuite d'activité déficitaire, qui implique de démontrer que le dirigeant avait connaissance de la situation obérée de la société et a poursuivi son activité malgré cela étant rappelé que :

- ne pas être dirigeant de droit ou de fait de la société et ignorer tout de la situation

- l'absence d'information comptable à son profit de la part de M. [O]

- l'absence de comptes fiables qui n'a pas permis dès lors de prendre connaissance de la réelle situation de la société



- le défaut de preuve de la poursuite d'une activité déficitaire étant rappelé que le résultat d'exploitation fin 2014 était positif en raison de la renonciation au compte courant, la preuve d'un déficit multiplié par 4 n'étant pas avérée

- l'absence de preuve de ce que la mise en 'uvre d'un nouveau business plan, avec l'acquisition de machines, a nui à la société, étant rappelé que sa situation ne peut être prise en compte qu'à compter de la cession soit en avril 2014, sans oublier que la date de cessation des paiements a été fixée au 11 mars 2015 et l'absence de preuve de toute activité déficitaire

- l'absence de preuve de poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt propre, aucun élément concernant son enrichissement personnel n'étant rapporté, étant indiqué que les sommes versées à la société OMP sont causées, de même que les management fees

- l'absence de preuve concernant l'usage des biens de la société liquidée à son profit, étant rappelé qu'une instruction est en cours sur cette question et qu'en outre, aucune demande de restitution n'a été formée au profit de la société liquidée quant aux acomptes, de la part des organes de la procédure, sans oublier que seul le paiement complet des machines aurait permis leur livraison

- le rappel de ce que les sommes versées à la société de droit suisse étaient fondées sur la gestion par M. [O] de la société liquidée, la facturation étant effectuée au temps passé sans oublier que de nombreux faits cités par l'intimée ne le concernent à titre personnel notamment concernant les frais de déplacement

- le fait que le loyer a augmenté fin 2013 soit avant la reprise de la société Tecmed par la société Med Clean SA, sans compter que l'appelant ne détient que 30% du capital de la SCI et ne peut donc être le seul bénéficiaire économique.



S'agissant de la démonstration de la relation causale, M. [U] a estimé qu'elle n'est pas suffisante et a mis en avant les éléments suivants :

- l'absence de motivation claire entre les fautes alléguées et le préjudice retenu

- l'absence d'explications quant à la corrélation.



S'agissant de la sanction de faillite personnelle, M. [U] a présenté les moyens suivants :

- l'absence de justification concernant cette sanction qui est la plus élevée dans l'échelle

un fondement non justifié puisque basé sur des fautes de gestion non démontrées

- l'absence de preuve de ce qu'il aurait détourné l'actif de la société dans son intérêt ou dans l'intérêt d'autres personnes morales dans lesquelles il a un intérêt direct ou indirect

- l'absence de preuve de la poursuite d'une activité déficitaire.





* *

*



Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 décembre 2021 et signifiées à M. [O] le 13 décembre 2021 fondées sur les articles R. 661-1, R. 662-12, L.225-20, L. 227-1, L. 227-7, L. 651-1, L. 651-2 et L.653-4 du code de commerce, l'article 562 et les articles 377 et suivants du code de procédure civile, l'article 4 du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme, la Selarl [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, demande à la cour de :

- juger recevables et bien fondées ses demandes,

- à titre liminaire, confirmer en tant que besoin le jugement entrepris à l'égard de M. [O],

- rejeter les contestations de M. [U] afférentes au rapport du juge-commissaire et la question de la motivation de l'exécution provisoire,

- subsidiairement, statuer sur le fond des demandes du fait de l'effet dévolutif de l'appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer de MM. [O] et [U] dans l'attente de l'issue de l'instruction,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que M. [U] avait la qualité de dirigeant de droit de la société Med Clean France,

- subsidiairement, juger que M. [U] était dirigeant de fait de la société Med Clean France,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que M. [U] a commis plusieurs fautes de gestion,



- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que M. [U] a tenu une comptabilité irrégulière et incomplète,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que M. [U] ne pouvait pas être tenu responsable du défaut d'arrêté, d'approbation et de dépôt des comptes annuels pour l'exercice 2014,

- statuant à nouveau, dire et juger que M. [U] s'est abstenu d'arrêter, d'approuver et de déposer les comptes annuels pour l'exercice 2014,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que M. [U] a poursuivi une activité déficitaire en contribuant à l'aggravation de l'insuffisance d'actif,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que M. [U] a fait des biens ou du crédit de la société Med Clean un usage contraire à l'intérêt de celle-ci,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que ces fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que l'insuffisance d'actif résultant des fautes de gestion imputables à M. [U] est d'un montant de 1.685.470 euros,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [U] à la somme de 1.685.470 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle de 15 ans à l'encontre de M. [U],

en tout état de cause,

- rejeter l'ensemble des contestations évoquées par M. [U],

- condamner M. [U] au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ainsi qu'aux entiers dépens.



Concernant M. [O], l'intimé a demandé la confirmation, en tant que de besoin, de la décision critiquée, rappelant qu'il n'en avait pas interjeté appel.



Concernant le défaut de référence au rapport du juge-commissaire allégué par M. [U], la Selarlu [B] a indiqué les points suivants :

- l'existence de deux rapports du juge-commissaire en date des 14 novembre 2017 et 11 janvier 2018, déposés les 15 novembre 2017 et 18 janvier 2018 au greffe

- le caractère manifeste de la connaissance des rapports par les juges et les parties à l'instance.



En cas d'annulation du jugement, la Selarlu [B] a indiqué que :

- le défaut de mention et audition du rapport du juge-commissaire n'est pas une irrégularité qui affecté l'acte introductif d'instance

- aucun texte ne fait obligation au tribunal de se décider au vu de son rapporteur

- la saisine de la cour d'appel, sur la base de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, de par l'effet dévolutif, pour statuer sur l'entier litige

- la confirmation des demandes à savoir le comportement fautif de M. [U] et sa condamnation à payer la somme de 1.685.470 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actifs.



Concernant le défaut de motivation au titre de l'exécution provisoire, la Selarlu [B] a mis en avant les moyens suivants :

- le fait que l'exécution provisoire est une modalité d'exécution de la décision qui peut être ordonnée même d'office chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatibilité avec la nature de l'affaire, le seul fait de l'ordonner manifestant l'appréciation par le juge des conditions de son application et de sa légalité

- les articles 455 et 515 du code de procédure civile ne font pas obligation au juge de motiver la mise en 'uvre de l'exécution provisoire

- le fait que les premiers juges ont indiqué prononcer l'exécution provisoire considérée comme nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire

- le caractère facultatif de l'exécution provisoire attachée au jugement du 20 septembre 2021

- le fait que le juge qui ordonne l'exécution provisoire n'est pas tenu de motiver explicitement sa décision sur ce point.







Sur la confirmation du jugement déféré, la Selarlu [B] a indiqué les éléments suivants :

- sur le refus de sursis à statuer, le rappel que même si une instruction est en cours, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif a pour objet d'envisager l'indemnisation du préjudice de la collectivité des créanciers suite aux éventuelles fautes de gestions commises et que celle relevant du tribunal correctionnel, en cas de saisine post-instruction, doit statuer les infractions susceptibles d'avoir été commises, soit des objets différents

- le fait que l'action civile devant les juridictions correctionnelles devra évaluer le préjudice subi par les parties civiles du fait des infractions qui pourraient être retenues

- la nécessité de ne pas faire attendre la présente procédure qui n'a pas à dépendre d'une instruction, sans compter qu'il n'y a pas de risque de contrariété de décisions puisque la présente juridiction ne saurait statuer sur des infractions mais sur des fautes de gestion

- le fait que la présente action porte également sur des fautes de gestion qui n'entrent pas des infractions en cours d'instruction

- l'absence de risque de double indemnisation puisque la présente instance porte sur la quote-part d'insuffisance d'actifs résultant des fautes de gestion imputables aux dirigeants et que le préjudice dans le cadre d'une instance pénale sera celui de la société Med Clean

- la possibilité pour M. [U] de discuter des pièces versées par le parquet et issues de l'instruction, sans violation des dispositions de l'article 6§1 de la CEDH ou du principe du contradictoire.



Sur la responsabilité pour insuffisance d'actifs de M. [U], l'intimée a mis en avant les éléments suivants :

- la possibilité de condamner tant M. [O] que M. [U] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actifs, le premier en tant que représentant permanent de la société Med Clean France et le second en tant que représentant légal de cette même société, sur le fondement de l'article L651-2 du code de commerce, puisque les deux étaient dirigeants de droit de la société, étant rappelée que la société liquidée avait pour président la société Med Clean SA, présidée par M. [U]

- le fait que M. [U] assumait les mêmes responsabilités que s'il avait été dirigeant à titre personnel

- l'assimilation de M. [U] au dirigeant de droit au visa des articles L651-1 et L651-2 du code de commerce

- la nature des dispositions légales et jurisprudentielles, étant rappelé que la société Med Clean France était une société par actions simplifiée et pouvait désigner comme président une personne morale, ce qu'elle a fait avec la société Med Clean SA

- le fait que cette dernière société se devait, en tant que dirigeant, d'assumer les responsabilités inhérentes à ce mandat, sans pour autant que cela n'exclut la responsabilité éventuelle de son propre dirigeant, M. [U], en application de l'article L227-7 du code de commerce

- le caractère inopérant des moyens développés par M. [U] qui portent sur les administrateurs personnes morales des SA qui ont l'obligation de désigner un représentant permanent

- le fait que lorsque qu'une société est dirigée par une personne morale, elle s'exprime par l'intermédiaire d'une personne physique qui est son dirigeant

- l'exclusion des dispositions de l'article L225-20 du code de commerce qui ne concerne que les SA, et pas les SAS en application de l'article L227-1 du code de commerce, étant rappelé que la société Med Clean France était une SA et que la société de droit suisses n'était pas administrateur d'un conseil d'administrateur mais Présidente

- le caractère inopérant des jurisprudences évoquées par M. [U] qui ne concernent que des représentants permanents, et le caractère diamétralement opposé des régimes de responsabilités des administrateurs personnes morales et des personnes morales dirigeantes de SA,

- l'impossibilité pour le dirigent d'une personne morale d'une SAS d'échapper artificiellement à ses responsabilités en désignant un représentant permanent qui n'est que facultatif dans le cadre de cette forme de société, à la différence des SA,

- à titre subsidiaire, la qualité de dirigeant de fait de M. [U] au sein de la SAS Med Clean France puisque cette société était détenue à 100% par la société de droit suisses dirigée par l'appelant et ce dernier avait ainsi une influence déterminante sur la société de droit français et sur M. [O] et la facturation par la société de droit suisses de management fees à hauteur de 322.000 de juillet 2014 à mars 2015 démontrant la réalisation de prestations supposées par M. [U], caractérisant sa direction de fait, ainsi que l'engagement par ce biais de la société de droit français dans un rapport contractuel au terme duquel elle réglait à la société de droit suisses des fonds significatifs

- la nature des réponses de M. [U] dans le cadre de son interrogatoire de première comparution dans lequel il indique avoir été à l'origine du projet de reprise et avoir été un acteur de la reprise, du développement, des orientations commerciales et stratégiques, étant également un acteur des rapports contractuels et financiers avec la société OMPEco Suisse, sans compter des démarches commerciales auprès de clients et de actions concrètes de la société Med Clean France envers la société OMPEco

- la décision de M. [U], pour le compte de la société de droit suisses, de la reprise de la dette de la société Med Clean France à l'égard de la société URBASER, son ancien actionnaire à hauteur de 2.580.826 euros, décision qui n'a pu être prise que dans l'intérêt de la société Med Clean France, ce qui démontre une direction de fait.



Concernant les fautes de gestion, la Selarlu [B] a mis en avant les points suivants :

- l'irrégularité de la comptabilité, et le défaut d'arrêté, d'approbation et de dépôt des comptes annuels 2014

- les irrégularités à ce titre des documents comptables examinés par le technicien qui démontre une comptabilité qui n'a pas été tenue de manière régulière et sincère par ses dirigeants,

- la nécessité de retenir, en infirmant la première décision sur ce point, la responsabilité de M. [U] dans le non-dépôt des comptes au titre de l'année 2014,

- l'absence de justificatifs de la part de l'appelant concernant des dépenses à concurrence de 1.685.470 euros

- l'existence d'anomalies comptables : l'absence de provision pour dépréciation concernant le client Thermolise, pour une incidence de 73.000 euros, un compte fournisseur avec des fournisseurs non identifiés pour 6.000 euros (factures manquantes, fournisseurs non nommés) et 29.000 euros pour M. [O] (énoncés comme frais avancés pour l'entreprise sans fournitures de justificatifs et les doutes concernant les libellés bancaires), soit une gestion approximative

- l'absence de factures ou justificatifs pour un montant de 1.753.755 euros (factures non parvenues) portant sur des prestations réglées à la société de droit suisse, Med Clean dirigée par M. [U] (pour 283.470 euros), à la société OMP dont M. [U] a été administrateur (pour 1.402.000 euros) et à M. [O] (pour 29.235 euros), avec des interrogations du technicien concernant la fiabilité de la comptabilité en l'absence de justificatifs

- in fine, une comptabilité 2014 irrégulière ce qui a permis la dissimulation des mouvements de fonds ainsi que l'absence d'arrêté et d'approbation des comptes de 2014, l'absence d'intervention d'un commissaire aux comptes ce qui a empêché la prise en compte des difficultés mais aussi l'absence de possibilité pour les partenaires de constater le caractère obéré de la situation

- le fait que la société Med Clean France clôturait son exercice au 31 décembre de chaque année, et que malgré ses demandes, l'expert-comptable ne pouvait obtenir les documents nécessaires de M. [O] pour procéder à la révision des comptes, et subséquemment, l'absence de procès-verbal d'approbation des comptes, de nombreux justificatifs comptables (factures, convention) menant à envisager l'absence de mode adapté de gestion administrative et comptable

- le fait que le défaut d'arrêté et d'approbation des comptes, ainsi que de dépôt des comptes est une faute de gestion imputable à M. [U]

- la poursuite des irrégularités au-delà de 2014, le technicien relevant que plus de 640.000 euros de prestations fournisseurs ont été comptabilises dans les six premiers mois de l'exercice 2015 sans facture

- le caractère irrégulier incontestable sur 11 mois de direction par M. [U] et M. [O] de la comptabilité, qui a permis la dissimulation de mouvements de fonds anormaux, au détriment de la société Med Clean France, et l'impossibilité pour les partenaires de l'entreprise d'avoir une information fidèle et transparente sur l'état de la société, ces fautes de gestion étant imputables aux deux personnes assignées devant le tribunal de commerce

- l'absence d'explications de M. [U] qui se contente de dire qu'il n'était pas dirigeant de droit.



Concernant la poursuite d'une activité déficitaire contribuant à l'aggravation de l'insuffisance d'actif, dans un intérêt personnel, la Selarlu [B] a indiqué les éléments suivants :

- avant la reprise de la société Tecmed par la société de droit suisse, l'existence d'un résultat net déficitaire de 269.879 euros contre, au 31 décembre 2014, un résultat déficitaire de -1.009.285 euros, le résultat net de 491.639 euros ne pouvant être obtenu que par une opération exceptionnelle à savoir l'abandon du compte-courant d'associé de la société Med Clean SA de 1.500.000 euros) soit une multiplication par 4 du déficit en 8 mois

- cette poursuite d'activité se faisant au détriment des créanciers et leur occasionnant un préjudice

- une trésorerie négative au 31 décembre 2014 (-613.000 euros)

- une situation financière très obérée à compter de septembre 2014 et proche de la cessation des paiements

- une analyse des comptes intermédiaires au titre de l'année 2015 qui indique que les retards ne sont pas résorbés et au contraire se sont accumulés jusqu'au 31 mars 2015

- une poursuite d'activité au bénéfice de ses dirigeants :

- la perception par la société OMP dont M. [U] est administrateur d'une somme de 1.402.000 euros au titre d'acomptes pour des machines qui n'ont jamais été livrées

- la perception par la société SA Med Clean de droit suisses, de 283.470 euros au titre de management fees supposés, sans convention ni justificatifs au titre de ces prestations

- la perception par la SCI Fonciex dans laquelle M. [U] est associé à 30% de 85.000 euros de loyers (qui a augmenté de 218% à compter du 4ème trimestre 2013)

soit la démonstration d'une faute de gestion consistant en la poursuite abusive d'une activité déficitaire, contribuant à l'aggravation du passif de l'entreprise, étant rappelé les sommes dues et les retards de paiement.



Concernant l'usage des biens ou du crédit de la personne morale dans un usage contraire à l'intérêt de celle-ci, la Selarlu [B] a indiqué les éléments suivants :

- des frais de déplacements personnels assumés par la société liquidée au bénéfice de ses dirigeants ou tiers :

- la prise en charge de frais de déplacement au profit de M. [O], de sa famille ou de tiers en 2014 comme au premier trimestre 2015, dans des lieux où la SAS Med Clean France ne disposait pas d'activités, des voyages pour les époux [O] ou M. [R] présenté comme le directeur général de la société sans aucun mandat social ni mandat salarié, des frais d'hôtel excessifs, des locations de véhicule de type Porsche ou Ferrari, pour près de 40.000 euros

- soit des actes anormaux de gestion, et sans lien avec l'objet social

- l'existence de virements au profit de M. [O] pour 8.820 euros en février et mars 2015

- la reconnaissance des faits par M. [O] quand M. [U] indiquait que les sommes avaient été imputées sur son compte-courant auquel il avait renoncé

- les management fees payés à la société de droit suisse Med Clean :

- l'absence de justificatifs pour ces paiements alors que la somme de 322.000 euros est versée entre juillet 2014 et mars 2015, outre 16.470 euros de remboursement de frais d'avocats et de frais de gestion

- les règlements injustifiés auprès de sociétés tierces de sommes conséquentes

- un usage des biens et du crédit de la société Med Clean France dans un intérêt contraire au sien

- le contenu de l'instruction qui a mis en évidence le montant organisé par M. [U] et M. [O] qui a permis de vider la trésorerie de la société liquidée par le biais de facture de prestations de service au profit de la société Med Clean SA, sommes assurant le train de vie des dirigeants et menant à un état de cessation des paiements en six mois.





S'agissant de l'insuffisance d'actifs, la Selarlu [B] a indiqué les éléments suivants :

- un passif vérifié de 6.069.953 euros décomposé de la manière suivante :

- un actif réalisé de 1.403.471 euros

- une insuffisance d'actifs pour 4.666.482 euros.



Afin de caractériser le lien de causalité, la Selarlu [B] a rappelé les points suivants :

- les fautes de gestions de M. [U], caractérisées par le défaut d'arrêté, d'approbation et dépôts des comptes annuels de 2014, l'irrégularité manifeste de la comptabilité, la poursuite d'une activité déficitaire contribuant à l'aggravation de l'insuffisance et le fait d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci, menant à une insuffisance pour 1.685.470 euros

- le fait que si M. [U] avait tenu la comptabilité régulièrement, il n'aurait pu user des biens de la société dans un intérêt contraire et aurait respecté les obligations élémentaires que sont le paiement des dettes fiscales et sociales, de même que le paiement des fournisseurs ainsi que l'arrêt, de manière anticipée, de l'activité sans attendre l'assignation du principal fournisseur, soit une diminution claire du passif de la société puisque la somme de 1.402.000 euros n'aurait pas été versée à la société OMP en 2014 alors que la société liquidée enregistrait un retard de paiement fournisseur de 1.500.000 euros qui aurait pu être majoritairement payé, le raisonnement étant le même concernant le financement de déplacements personnels

- le contenu du rapport a pointé des paiements curieux faits à différentes personnes de même qu'à des sociétés tierces, et le fait que le paiement à OMP a été financé par le défaut de paiement des dettes fiscales et sociales, et des échéances fournisseurs.



Concernant la mesure de faillite personnelle, la Selarlu [B] a sollicité la confirmation de la décision déférée en indiquant que M. [U] ne fournit aucun nouvel élément et que les fautes de gestions caractérisées, de même que l'enrichissement personnel de l'appelant sont conséquents, au détriment de la collectivité des créanciers.



M. [O], à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 18 octobre 2021, n'a pas constitué avocat.



La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 février 2023, les débats étant fixés au 16 février 2023.



Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la demande de confirmation de la décision rendue à l'encontre de M. [O]



En l'espèce, M. [O] n'ayant pas interjeté appel de la condamnation prononcée à son encontre, la cour n'est pas saisie le concernant et n'a pas à confirmer la décision des premiers juges.



Sur la nullité de la décision déférée



L'article R 662-12 du code de commerce dispose : « le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8. »



L'article 562 du code de procédure civile dispose : « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »



En l'espèce, il est constaté que ni le jugement ni la note d'audience contresignée par les parties présentes ne font mention de ce document, lequel ne figure pas au dossier du tribunal, à la différence de l'avis du ministère public, joint à la note d'audience qui le mentionne.



Il n'est dès lors pas établi que le rapport dont s'agit ait été soumis au tribunal et communiqué, ne serait-ce qu'oralement aux parties, avant la clôture des débats.



Le non respect de cette formalité substantielle cause nécessairement grief aux parties, puisque le tribunal a été amené à se prononcer sans connaître la position de l'un des organes de la procédure collective. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement déféré, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité soulevés.



Conformément à l'article 562 du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel confère à la cour la connaissance de l'entier litige, il y a donc lieu d'évoquer les autres moyens de procédure et de fond soulevés par les parties.



Sur l'existence d'une insuffisance d'actifs



L'article L652-1 alinéa 1 du code de commerce dispose : « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. »



Il ressort des éléments versés au débat, et notamment des documents issus de la procédure de liquidation judiciaire que le passif vérifié est fixé à la somme de 6.069.953 euros décomposé de la manière suivante :

- passif superprivilégié : 689.188,33 euros

- passif privilégié : 1.988.806,62 euros

- passif chirographaire : 3.288.707,87 euros.



Les éléments versés au débat par le liquidateur judiciaire permettent d'établir que l'actif disponible a été réalisé pour la somme de 1.403.471 euros, soit une insuffisance d'actifs fixée à la somme de 4.666.482 euros, somme qui sera retenue dans le cadre de la présente instance.



Sur les demandes formées à l'encontre de M. [U] au regard de la responsabilité pour insuffisance d'actifs



- Sur la qualité de dirigeant de droit de M. [U]



L'article L227-1 alinéa 3 du code de commerce dispose que dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l'exception de l'article L. 224-2, du second alinéa de l'article L. 225-14, des articles L. 225-17 à L. 225-102-2, L. 225-103 à L. 225-126, L. 225-243, du I de l'article L. 233-8 et du troisième alinéa de l'article L. 236-6, sont applicables à la société par actions simplifiée. Pour l'application de ces règles, les attributions du conseil d'administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet.



Dès lors, il convient d'exclure du présent débat les dispositions de l'article L225-20 du code de commerce qui ne peuvent s'appliquer à la société Med Clean France qui est une SAS et non une SA.

De même, les décisions ou éléments en rapport avec le représentant permanent d'une personne morale dans le cadre d'une SA n'ont pas vocation à s'appliquer à la présente espèce.



Enfin, l'article L227-7 du code de commerce applicable aux SAS dispose que lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent.



Dès lors, étant rappelé que la SAS Med Clean France avait pour présidente, la société Med Clean SA, société de droit suisse dont le représentant légal était M. [U], ce dernier ne peut qu'avoir la qualité de dirigeant de droit de la société de droit français, la SAS Med Clean France, sa situation devant en conséquence être appréciée au regard des dispositions des articles L651-1 et L651-2 du code de commerce.



- Sur les fautes de gestion reprochées à M. [U]



L'article L651-2 alinéa 1er du code de commerce dispose : « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le code civil applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et non assujettie à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant. »



Au terme des conclusions de la Selarlu Martin, il convient d'analyser les fautes de gestion reprochées à M. [U], et de déterminer si elles sont qualifiées ou non, ou bien si elles peuvent relever de négligences à savoir :

- la tenue d'une comptabilité non sincère

- le refus de justifier de dépenses à concurrence de 1.685.470 euros

- la poursuite d'une activité déficitaire contribuant à l'aggravation du passif de l'entreprise

- l'usage des biens ou du crédit de la société Med Clean France dans un intérêt contraire à celui de cette dernière

- le défaut d'arrêté des comptes au titre de l'exercice 2014 et le défaut d'approbation de ceux-ci

- la tenue d'une comptabilité non sincère.



S'agissant du dépôt des comptes au titre de l'exercice comptable clos au 31 décembre 2014 et non approuvés, il convient de rappeler qu'au terme de l'exercice comptable, la société dispose d'un délai de six mois pour procéder à l'approbation des comptes en assemblée générale. La société Med Clean France a été placée en redressement judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon du 30 mars 2015, dès lors, la période de six mois n'étant pas écoulée, ce grief ne saurait être retenu à l'encontre de M. [U].



S'agissant de l'irrégularité de la comptabilité, il convient de reprendre les pièces versées aux débats par les parties, et notamment le rapport rédigé par le technicien désigné par le juge-commissaire, à savoir le cabinet CM Expertise et d'envisager les analyses de chacune des parties.



Sur ce point, il doit être relevé que le technicien a retenu que le commissaire aux comptes n'avait pas exercé sa mission, mais aussi que ses demandes de pièces n'avaient reçu aucune réponse, et surtout que de nombreuses anomalies pouvaient être relevées au titre de l'année 2014 notamment :

- l'absence de provision pour 73 K€ s'agissant du client Thermolise dans le cadre d'un litige

- la présence d'un poste « fournisseurs non identifiés » présentant un solde débiteur et une absence de factures

- la présence de retards de règlements pour un total de 1.561K€, dont un retard fournisseur de plus de 60 jours pour 969K€, les salaires de décembre payés en janvier, l'échéance URSSAF de novembre 2014 impayée pour 101 K€ et le défaut de paiement de la TVA depuis septembre 2014 pour 290K€

- une trésorerie nette négative de 613 K€ au 31 décembre 2014

- l'existence de frais personnels (voyages, hôtels) pris en charge par la société, s'agissant de déplacements sans lien avec l'intérêt social de la société Med Clean France, ou bien en lien avec des sociétés tierces

- l'absence de contrepartie, faute de contrat, des frais de la société CGV pour 13.000 euros, étant rappelé que 2.000 euros mensuels avaient été payés pendant six mois sans convention.



S'agissant de l'année 2015, le technicien a également retenu le même type de difficultés concernant des notes de frais ou frais de déplacements et s'agissant des charges, les points suivants :

- la somme de 92.721 euros au profit de la société Aleph Mobile Agency sans facture, avec un questionnement sur l'utilité de cette prestation et de cette facturation vu que la société était spécialisée en réseaux sociaux et applications smartphone et non en conseil de gestion

- un compte fournisseur débiteur de 433.372 euros entre janvier et juin 2015, en l'absence de justificatifs, avec une désorganisation de fait de la comptabilité.



Le technicien a également mis en avant les éléments suivants au terme de la liquidation judiciaire concernant les relations avec les sociétés tierces à savoir :

- l'abandon de la créance de Med Clean SA envers la société Med Clean France pour un montant de 1.500 K€ en 2014

- la facturation des management fees entre la société Med Clean SA et la société Med Clean France en 2014 et 2015 pour la somme de 322.000 euros au titre des prestations réalisées outre le remboursement de frais pour 16.470 euros, le technicien indiquant le défaut de remise de la convention entre les deux sociétés, ne permettant pas de déterminer la rémunération de M. [O] mais aussi l'étendue des prestations réalisées par la société mère.



Le technicien a également évoqué les relations de la société Med Clean France avec la société OMP Eco, cette dernière étant une société suisse dont M. [U] est administrateur, et notamment :

- le paiement par Med Clean France en juillet, août et septembre 2014 de la somme de 1.402.000 euros à titre d'acomptes pour des machines de traitement de déchets

- le versement de 452 K€ en dehors de toute convention

- l'acquisition en parallèle par la société Med Clean SA (droit suisse) de différentes licences pour développer l'activité pour plus d'un million d'euros sans pour autant que le lien entre les sociétés, mais surtout des conventions régissant les relations entre elles ne soient fournies

- les difficultés financières de la société Med Clean France sur la période qui du fait de ces paiements, n'a pu faire face à ses échéances financières en fin d'année.



Enfin, le technicien a questionné le loyer payé par la société Med Clean France à la SCI Fonciex dont M. [U] détient 30% des parts, qui a acquis les locaux dans lesquels se trouvait la société et a augmenté le loyer annuel qui est passé à 47.000 euros soit une augmentation de 221% sans modification de la surface occupée, ainsi que la facturation par cette SCI d'un véhicule Audi le 26 septembre 2014 d'un montant de 22.800 euros.



* *

*



Il convient de rappeler que M. [U] était dirigeant de droit de la société Med Clean France, au même titre que M. [O] et se devait donc de diriger la société en conformité avec son intérêt social, étant rappelé en outre qu'il avait intérêt au fonctionnement de la société de droit français puisque la société Med Clean SA, société de droit suisse, était l'unique associé de la société placée en liquidation judiciaire.



Sur la question de l'irrégularité de la comptabilité, il convient de rappeler que tout mouvement comptable trouve sa source dans une facture ou une convention, et que chaque mouvement comptable doit donc avoir une contrepartie.

Or, les éléments issus du rapport du technicien démontrent que de nombreux mouvements ne sont pas causés, comme n'étant en lien avec aucune facture ou aucune convention, comme c'est le cas pendant plusieurs mois s'agissant de la société CGV. La situation est la même s'agissant de la société Aleph.

De même, le pilotage de la société démontre une défaillance certaine, notamment concernant le défaut d'anticipation de la situation avec Thermolise qui mène à une absence de provision s'agissant de ce litige, le pilotage étant dès lors fait sans perspective et au détriment de la pérennité de la société.



S'agissant des frais multiples pris en charge par la société au profit d'intérêts personnels, si le technicien n'a pas retenu de frais remboursés au profit de M. [U] concernant des voyages ou séjours à l'hôtel, il convient de rappeler que M. [U], en tant que dirigeant, doit s'assurer que les finances de la société sont affectées à son seul intérêt social et son seul développement.



M. [U] ne peut prétendre avoir fait preuve d'une simple négligence puisque sur le dernier trimestre de l'année 2014, la société Med Clean France disposait d'une trésorerie négative, était endettée envers différents fournisseurs non identifiées, et ne s'acquittait pas des sommes dues au titre des cotisations sociales ou des impôts.

Par ailleurs, s'agissant des délais de paiement des fournisseurs, il sera relevé que ce délai passe 60 jours, ce qui montre que la situation financière n'est plus gérée.

Enfin, M. [U] ne pouvait ignorer l'engagement de sommes importantes au profit de la société OMP Eco, dont il était administrateur avec l'engagement de sommes conséquentes, ayant mises à mal la situation de la société Med Clean France, d'autant plus qu'il avait des intérêts dans chaque société concernée.



Si M. [U] peut effectivement indiquer qu'il était nécessaire d'engager des sommes au profit du développement de la société aujourd'hui liquidée, il ne peut prétendre engager des sommes de telle manière que la trésorerie de la société Med Clean France se trouve exsangue, pas plus qu'il ne peut prétendre ignorer la situation s'agissant de transferts d'argent dans deux sociétés dans lesquelles il a des intérêts financiers ou les dirige.

En outre, aucune convention n'a été remise au soutien de cet engagement financier, et malgré l'abandon du projet, aucun remboursement n'a été effectué au profit de la société Med Clean France, de même qu'aucun élément concernant l'avancée de ce projet n'a été fourni.



Cette situation a eu des conséquences non négligeables puisque la trésorerie de la société diminuait au fur et à mesure, avec en parallèle des dépenses infondées au titre de certains membres du personnel ou de la direction.



S'agissant du loyer payé à la SCI Fonciex, s'il est constant que l'acquisition est antérieure à la reprise de la société Tecmed, la question demeure du motif de l'augmentation sur une base de 221%, en contradiction avec les indices en la matière, en l'absence de tout changement dans les locaux, mais aussi de la raison pour laquelle la SCI Fonciex a pu facturer à la société Med Clean France des frais relatifs à un véhicule Audi.



Sur tous ces points, aucun élément ne vient fonder de telles mesures ou facturations, ce qui démontre une absence de gestion de la société, mais aussi en raison des abandons en compte courant ou autre levier de ce type, la présentation de comptes non sincères et en décalage certain avec la réalité de la société qui, au 31 décembre 2014, n'avait plus d'actifs disponibles et devait faire face à des dettes notamment auprès de l'administration fiscale et de l'URSSAF.



La faute relative à la tenue d'une comptabilité non sincère est donc qualifiée et doit être retenue à l'encontre de M. [U] qui, en tant que dirigeant, se doit d'assurer une tenue de comptabilité en lien avec la réalité de l'activité de l'entreprise.



S'agissant de la poursuite d'une activité déficitaire contribuant à l'aggravation de l'insuffisance d'actif, dans un intérêt personnel, il convient d'envisager la situation de la société Med Clean France à compter du second semestre 2014.

Le rapport du technicien met en exergue une augmentation conséquente des dépenses, notamment au profit de la société OMP Eco, dont M. [U] est administrateur et a un intérêt financier comme les autres actionnaires, le tout sans contrepartie réelle et sans convention pour manifester un engagement.

La poursuite des paiements a mis en défaut la société Med Clean France qui dès le mois de septembre 2014, ne règle plus la TVA, ne règle pas ensuite l'URSSAF en novembre 2014 et ne paiera les salaires de décembre 2014 qu'en janvier 2015.



En outre, il est relevé que cette gestion est fautive puisqu'elle se concentre sur des projets non financés ou avec un engagement financier conséquent, tout en mettant de côté les besoins premiers de la société, à savoir le paiement des cotisations sociales et fiscales et des salaires, mais aussi la prévision sur un plus court terme, notamment dans la perspective d'un litige et pour faire face aux charges et dettes existantes, dont le règlement des fournisseurs.



Il sera rappelé que l'état de cessation des paiements n'a été constaté qu'en raison de l'assignation délivrée par un fournisseur demeuré impayé, ce, alors même que le bilan comptable de l'exercice 2014 indiquait une absence de trésorerie.



M. [U], dirigeant de droit, ne pouvait ignorer cette situation, étant gérant ou administrateur d'autres sociétés, et ne peut non plus prétendre engager le développement de la société Med Clean France tout en ne faisant pas le nécessaire pour que le fonctionnement quotidien de la société soit assuré, notamment en terme de financement et paiement des fournisseurs, étant rappelé des dettes pour 1.561.000 euros au 31 décembre 2014.

La poursuite de l'activité dès septembre 2014, sur un mode déficitaire, a nui de fait à la société et était contraire à son intérêt social, tout en mettant en péril les droits des créanciers.

En outre, les éléments versés au débat, et notamment le rapport du technicien indique que les dettes se sont accrues jusqu'au 31 mars 2015.



Le déficit de la société Med Clean France est mis en évidence dès septembre 2014, et est patent dès le 31 décembre 2014 au vu d'un passif de 1.561.000 euros pour une trésorerie négative.

En outre, l'absence de retour sur les investissements faits, notamment auprès de la société OMP Eco, démontre que la stratégie mise en 'uvre n'était pas conforme à l'intérêt de la société mais aussi de ses créanciers puisque les liquidités étaient absorbées par des tiers sans profit pour la société Med Clean France, sans oublier le paiement de dépenses sans lien avec l'intérêt social.

Les soldes intermédiaires de gestion démontrent la poursuite de la dégradation voire de la disparition des actifs de la société Med Clean France, aucun apport n'étant prévu à son profit en dépit de la situation.



La faute de poursuite d'une activité déficitaire au détriment des créanciers est donc qualifiée à l'encontre de M. [U].



Pour l'usage des biens ou crédit de la personne morale, dans un intérêt contraire à celle-ci, il convient de retenir les paiements réalisés au profit de M. [O] mais aussi de M. [R], présenté ultérieurement comme directeur général de la société sans contrat de travail, s'agissant de déplacements personnels, en famille pour le premier, mais aussi de location de véhicules coûteux, soit des dépenses sans lien avec l'intérêt de la société Med Clean France.

Les recoupements faits concernant les déplacements sont venus démontrer qu'ils n'ont pas été réalisés au profit de la société placée en liquidation judiciaire, mais dans un but personnel ou pour l'intérêt d'entreprises tierces.

De même, les paiements réalisés aux sociétés CGV et Aleph Mobile ont été engagés sans fourniture de factures ou sans la base d'une convention pendant plusieurs mois.

L'usage fait du crédit et des biens de la société Med Clean France dans ce cadre est contraire à son intérêt et il appartient au dirigeant de droit de vérifier l'usage du crédit et de l'actif de la société, mais aussi de prendre les mesures nécessaires en cas d'abus.

De la même façon, aucune explication n'est apportée concernant la facturation d'un véhicule Audi par la SCI Fonciex, étant rappelé que cette dernière était la bailleresse de la société.

Là encore, ce mouvement n'est fondé sur aucun élément objectif ou en lien avec le bail commercial.





Sur ce point, il convient également d'appréhender les management fees dus par la société Med Clean France à la société Med Clean SA, au titre de la mise à disposition de M. [O].

De fait, si une rémunération était effectivement due, il n'existe aucune convention pour en fixer le montant, et notamment pour déterminer si la somme de 322.000 euros était justifiée, étant rappelé que M. [O] était également salarié de la société Med Clean SA, et réalisait des déplacements et actions au profit de cette dernière.



Par ailleurs, M. [U], en tant que gérant de droit de la société Med Clean France, mais aussi représentant légal de la société Med Clean SA, et administrateur de la société OMP Eco, ainsi qu'actionnaire intéressé financièrement de la SCI Fonciex, se trouvait à chaque extrémité des mouvements financiers et disposait en conséquence d'une vue d'ensemble. Dès lors, il ne peut simplement renvoyer à l'instruction, alors que les infractions poursuivies sont sans lien avec l'objet de la présente procédure qui est de déterminer s'il a commis des fautes ayant mené à une insuffisance d'actifs au détriment de la société Med Clean France, ayant pour conséquence, la méconnaissance des droits des créanciers de la société, la liquidation judiciaire de la société et la mise en péril de la situation des salariés.



Au regard de ce qui précède, les différents mouvements de fonds ont eu pour effet de priver la société Med Clean France de ses actifs et de sa trésorerie, sans fondements ou base légale, au profit de sociétés tierces ou dans l'intérêt de tierces personnes, sans que l'usage de ses fonds et de ses actifs n'ait permis de lui assurer un développement conforme à ce qui était attendu, mais surtout conforme à son intérêt social.



La faute d'usage des biens ou crédit de la personne morale dans un intérêt contraire à celle-ci est qualifiée à l'encontre de M. [U].



- Sur le lien de causalité



Il convient de déterminer si les fautes de gestion retenues à l'encontre de M. [U] ont contribué à l'insuffisance d'actifs.



Les différents éléments tirés du rapport du technicien démontrent que la tenue d'une comptabilité en dehors des règles, c'est-à-dire sans convention et sans facture pour engager les fonds, mais aussi avec une absence de prévision, a mis en péril la société Med Clean France à compter du mois de septembre 2014, ne lui permettant plus de faire face à ses charges fixes, sans compter que les dépenses étaient faites dans des conditions ne permettant pas de vérification, outre l'usage des fonds dans l'intérêt de certains membres de la société, ce mouvement se poursuivant en 2015.



Le maintien d'une comptabilité exacte mais aussi la mise en 'uvre d'une stratégie conforme à la réalité des finances de la société Med Clean France, ainsi qu'un usage légal de ses actif et crédit, aurait permis à la société de faire face à ses engagements financiers notamment à l'égard de ses fournisseurs, mais aussi de déterminer les fournisseurs qui devaient réellement être payés.



Ainsi, l'engagement de la somme de 1.402.000 euros au profit de la société OMP Eco, sans contrepartie ni remboursement, aurait permis de régler les dettes fournisseurs s'élevant à 1.500.000 euros en grande partie, mais surtout de régler les cotisations sociales et fiscales ainsi que les salaires. Ce paiement au profit de la société OMP Eco s'est fait au détriment de la pérennité de la société Med Clean France, de même que les paiements des déplacements personnels de certains membres de l'entreprise se sont fait au détriment des créanciers et des salariés.



Au regard du passif retenu de la société Med Clean France, et du fait que les sociétés dans lesquelles M. [U] a des intérêts financiers ont bénéficié de ces sommes, il convient de condamner M. [U] à payer une partie de l'insuffisance d'actifs qui sera fixée à la somme de 1.685.470 euros, somme proportionnelle à l'enrichissement qui a pu être obtenu par ces sociétés extérieures et dont la privation a mené la société Med Clean France à la liquidation judiciaire et a privé les créanciers de tout paiement.





Sur la sanction de faillite personnelle



L'article L653-3 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

2° (Abrogé).

3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.



II.- Que Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V les faits ci-après :

1° (Abrogé)

2° Sous le couvert de l'activité ou du patrimoine visés par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ou de ce patrimoine ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant.



L'article L653-3 du code de commerce dispose :

« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée. »



Il ressort de ce qui précède que M. [U] a commis plusieurs fautes de gestion dont la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, l'usage des biens ou crédit de l'entreprise à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé et n'a pas tenu en outre une comptabilité régulière, fautes susceptibles d'être sanctionnées d'une faillite.



L'ampleur des détournements au détriment de la société Med Clean France ne peut qu'être retenue de même que les agissements en connaissance de cause par M. [U], dirigeant de droit, qui était dirigeant ou administrateur de plusieurs sociétés et avaient dès lors des connaissances lui permettant de différencier les patrimoines et intérêts des différentes entités sociales qu'il avait la charge de diriger.



En détournant le patrimoine de la société Med Clean France, M. [U] a mené cette dernière société à la liquidation judiciaire, avec un impact conséquent non seulement sur le devenir de celle-ci mais aussi des droits des créanciers et de l'avenir des salariés.

La gravité des actions et des fautes mènent à faire preuve d'une particulière sévérité à l'encontre de M. [U] et à prononcer une sanction l'empêchant de diriger une société de manière durable.

En conséquence, il convient de prononcer une faillite personnelle de 15 ans à l'encontre de M. [U], pour imposer à l'intéressé à reprendre les bases nécessaires à la gestion saine d'une entreprise, cette sanction étant proportionnelle à la gravité des fautes reprochées et au montant des sommes détournées.



Sur les autres demandes



M. [U] succombant en la présente instance, il sera condamné à en supporter les dépens de première instance et de l'instance en appel.



L'équité commande d'accorder à la Selarlu [B] une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, M. [U] sera condamné à lui payer la somme de 10.000 euros à ce titre.





PAR CES MOTIFS





Dit n'y avoir lieu à statuer à l'encontre de M. [L] [O] en l'absence de saisine,



La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel de M. [H] [U]



Prononce la nullité du jugement déféré,



Statuant au fond en vertu de l'effet dévolutif



Condamne M. [H] [U] à supporter le paiement d'une partie de l'insuffisance d'actif de la SAS Med Clean France à hauteur de 1.685.470 euros,



Prononce une mesure de faillite personnelle de 15 ans à l'encontre de M. [H] [U] né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 9],



Condamne M. [H] [U] à supporter les dépens de la procédure de première instance et d'appel,



Condamne M. [H] [U] à payer à la SELARLU [B], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Med Clean France la somme de 10.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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