21 avril 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/10916

Pôle 5 - Chambre 11

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 21 AVRIL 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10916 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3CE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2021 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° J202000030



APPELANTS



Monsieur [J] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 26 Septembre 1982 à [Localité 10] (31)



S.A.R.L. PEGIDES SARL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

imamtriculée au registre du commerce et des socéiétés de BORDEAUX sous le numéro 511 038 853



S.A.R.L. GRAVASTER SARL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 832 41 4 4 94



représentés par Me Audrey GUSDORF, avocat au barreau de PARIS, toque : C0882



INTIMEE



S.A. CONSULTIME

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 5]

N° SIRET : 434 21 5 7 52



représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de Me Marie-Solène DESHUAGE , avocat au barreau de LYON, substituant Me Sylvain FLICOTEAUX



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE , Conseillère, chargée du rapport.









Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



M. Denis ARDISSON, Président de chambre

Mme [M] [B],

Mme [I] [Z],



Qui en ont délibéré.





Greffier, lors des débats :M.Damien GOVINDARETTY





ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.






La société Pégidès, dont le gérant est M. [J] [W], exploite une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle est située à [Localité 4], près de [Localité 6] (33).



La société Consultime est une SSII qui a pour activité la réalisation de prestations de conseil en systèmes et logiciels informatiques et d'assistance technique à destination de clients situés sur l'ensemble du territoire français. Son siège social est à [Localité 9].



Pour ce faire, elle est missionnée par ses clients, auprès de qui elle détache l'un de ses consultants, ou l'un de ses sous-traitants lorsqu'elle ne dispose pas de consultant disponible en interne.



Le 9 juin 2016, la société Consultime a signé avec la société Pégidès un contrat de sous-traitance concernant une mission de pilotage de projet chez l'un de ses clients sis à [Localité 8]), la Banque Postale. Par ce contrat elle s'interdisait « d'entrer en négociation et/ou de contracter directement ou indirectement (notamment en co-traitance ou en sous-traitance avec des sociétés concurrentes) avec le Client ou toute personne concernée par les travaux commandés (ex. Client final) aux fins de lui proposer des prestations informatiques et/ou de conseil. ».



Le 29 juillet 2017, la société Pégidès a informé la société Consultime de la volonté de la Banque Postale de ne pas renouveler de commande à l'issue de celle en cours et a fixé le terme de sa prestation au 22 septembre 2017.



La société Consultime dit avoir appris que M. [W] avait créé une nouvelle société intervenant dans le même domaine d'activité, la société Gravaster, réalisant auprès de la Banque Postale des prestations identiques à celles initialement proposées via le contrat de sous-traitance conclu avec la société Pégidès.



Par lettre recommandée du 30 mai 2018, par la voix de son conseil, la société Pégidès, a mis en demeure la société Consultime de lui régler trois factures pour un montant total de 19.680 euros, en vain.



Suivant exploit du 4 juin 2019, la société Pégidès a fait assigner la société Consultime devant le tribunal de commerce de Paris afin de voir déclarer illicite la clause de non-concurrence, obtenir paiement de ses factures et indemnisation de son préjudice économique.



L'instance a été enregistrée sous le n° de RG 2019041947.



Suivant exploit du 10 mars 2020, la société Consultime a fait assigner la société Gravaster et M. [J] [W] en garantie et en réparation devant le tribunal de commerce de Paris.



L'instance a été enregistrée sous le n° de RG2020015745.



Par jugement du 19 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a :



ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2019041947 et 2020015745,

condamné la société Consultime à payer à la société Pégidès la somme de 19.680 euros TTC assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 mai 2018,

condamné solidairement la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster à payer à la société Consultime la somme de 83.863 euros,

ordonné la compensation des sommes dues à la société Pégidès par la société Consultime avec les sommes dues à la société Consultime par la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster,

condamné solidairement la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster à verser à la société Consultime la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral,

condamné solidairement la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster à verser à la société Consultime la somme de 5.000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

dit les parties mal fondées dans leurs demandes plus amples ou contraires et les en a déboutées,

condamné solidairement la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster aux dépens et ordonné l'exécution provisoire.



La société Pégidès, la société Gravaster et M. [J] [W] ont formé appel du jugement par déclaration du 11 juin 2021 enregistrée le 15 juin 2021.



Suivant leurs dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 novembre 2022, la société Pégidès, la société Gravaster et M. [J] [W] demandent à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige et de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige :



d'infirmer partiellement le jugement rendu le 19 mai 2021 par le tribunal de commerce de Paris et, statuant à nouveau :



Sur la clause de non-concurrence :

A titre principal, de dire et juger nul et non avenu l'article 8 du contrat de sous-traitance du 9 juin 2016 et, par conséquent, de débouter la Société Consultime SA de ses demandes à ce titre.

A titre subsidiaire, de dire et juger que la Société Pégidès n'a commis aucun manquement à ladite clause et, par conséquent, débouter la Société Consultime SA de ses demandes à ce titre.

A titre très subsidiaire, de réduire le montant de la pénalité stipulée au sein de ladite clause à l'euro symbolique, à tout le moins à de plus justes proportions, et en tout cas à une somme qui ne saurait excéder 49.514 euros.

En tout état de cause, de dire et juger l'article 8 du contrat de sous-traitance du 9 juin 2016 inopposable à M. [J] [W] et la Société Gravaster.









En tout état de cause, de dire et juger que les appelants n'ont commis aucun manquement et débouter la Société Consultime SA de ses demandes.



Sur le préjudice moral :

de débouter la Société Consultime SA de sa demande de dommages-intérêts.



de débouter la Société Consultime SA du surplus de ses demandes, fins et prétentions et notamment de condamnation au paiement des dépens et d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

de condamner la Société Consultime SA à verser à Monsieur [J] [W], la Société Pégidès et la Société Gravaster une somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

de condamner la Société Consultime SA aux entiers dépens.

de confirmer le jugement rendu pour le surplus.



Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 3 novembre 2022, la société Consultime demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104, 1240, 1353 et 1231-6 du code civil :



réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 mai 2021, uniquement en ce qu'il a condamné la Société Consultime à payer à la Société Pégidès la somme de 19.680 euros TTC au titre de factures impayées assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 mai 2018 ; 

de confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS, pour le reste, et notamment en ce qu'il a solidairement condamné les Sociétés Pégidès, Gravaster et Monsieur [W] à indemniser la Société Consultime du préjudice tiré de la violation de la clause de non-sollicitation de clientèle à laquelle était tenue la Société Pégidès, sauf en qu'il a limité le montant dû de ce chef à 83.863 euros ; 



Statuant de nouveau, 



Sur les demandes de la Société Pégidès : 



de débouter la Société Pégidès de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de son appel;



Subsidiairement, 



de condamner la Société Gravaster et Monsieur [W] à relever et garantir la Société Consultime de toute condamnation pouvant éventuellement intervenir à son encontre à la demande de la Société Pégidès ; 

d'ordonner la compensation de toute somme éventuellement due à la Société Pégidès par la Société Consultime avec celles dues à la Société Consultime par la Société Pégidès, la Société Gravaster et Monsieur [J] [W] ; 



Sur les demandes de la Société Consultime : 



de dire qu'il n'y a pas lieu de limiter le montant allouer à Consultime à 83.863 euros ; et de condamner solidairement les Sociétés Gravaster et Pégidès ainsi que Monsieur [W] à verser à la Société Consultime la somme de 84.788,75 euros (HT) ;



Subsidiairement, 



de confirmer purement et simplement le jugement entrepris de ce chef ;











En tout état de cause : 



de condamner solidairement les Sociétés Gravaster et Pégidès ainsi que Monsieur [W] à verser à la Société Consultime la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner solidairement les Sociétés Gravaster et Pégidès ainsi que Monsieur [W] aux entiers dépens, et de dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Etevenard, pourra recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance.





La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 15 décembre 2022.




SUR CE, LA COUR,



Le contrat litigieux ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ce sont les dispositions du code civil antérieures à la réforme qui trouvent ici application.





Sur les factures impayées de la société Pégidès



La société Consultime soutient n'être pas redevable envers la société Pégidès du paiement des factures que celle-ci a émises pour une période postérieure à la résiliation du contrat. Elle fait valoir que la société Pégidès ne justifie pas des prestations qu'elle aurait accomplies après la résiliation du contrat.



La société Pégidès indique avoir continué à exécuter ses prestations jusqu'au 22 septembre 2017 et à adresser ses factures régulièrement à la société Consultime, qui les a réceptionnées sans réserve et a même accusé réception de la dernière, sans contester la réalité des prestations visées.



Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil :



« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »



Aux termes de l'article 1315 ancien du code civil :



« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »



Par lettre du 29 juillet 2017, M. « [J] [W] pour Pégidès » a écrit à l'attention de la société Consultime un courrier ayant pour objet « fin de la prestation La Banque Postale » ainsi libellé :

« Madame, Monsieur,

Par la présente, je vous informe de la volonté du client de ne pas renouveler de commande à l'issue de la commande actuelle.

Afin de pouvoir organiser l'après-prestation, je fixe une date précise et vous informe de la fin de ma prestation La Banque Postale prenant effet le 22/09/2017 conformément au délai moyen constaté de préavis de rupture de relation commerciale.







Vous souhaitant bonne réception, je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées. ».



La société Pégidès réclame le paiement de trois factures :



facture n° 170827 du 27 août 2017 à échéance au 26 octobre 2017 d'un montant de 8.640 euros TTC, portant sur « la prestation LBP du mois de juillet 2017 », adressée par courriel du 27 août 2017 avec la feuille d'activité correspondante,

facture n° 170917 du 17 septembre 2017 à échéance au 16 novembre 2017 d'un montant de 4.320 euros TTC, portant sur « la prestation LBP du mois d'août 2017 », adressée par courriel du 17 septembre 2017 avec la feuille d'activité correspondante,

facture n° 170921 du 21 septembre 2017 à échéance au 20 novembre 2017 d'un montant de 6.720 euros TTC, portant sur « la prestation LBP du mois de septembre 2017 », adressée par courriel du 21 septembre 2017 avec la feuille d'activité correspondante.



Dans ce dernier courriel, M. [W] pour Pégidès indique à la société Consultime « J'en profite pour vous rappeler que, comme indiqué dans mon courrier LRAR du mois de juillet, il s'agit de la fin de notre collaboration. ».



La société Consultime en a accusé réception le 22 septembre 2017 et en a profité pour lui rappeler les dispositions issues de l'article 8 du contrat de sous-traitance.



Contrairement à ce que soutient la société Consultime, la société Pégidès démontre, par les compte-rendus d'activité transmis avec chacune des factures dont le montant est réclamé, la réalité de la poursuite de ses prestations chez le client final La Banque Postale avant le terme de leur collaboration fixé au 22 septembre 2017. Ces « CRA » sont contre-signés par le responsable de La Banque Postale.



La société Consultime ne justifie par ailleurs pas de la fin de son contrat avec La Banque Postale au 29 juillet 2017.



L'article 11 « RESILIATION DU CONTRAT OU D'UNE COMMANDE » prévoit notamment les dispositions suivantes :



(...)

Arrêt des prestations à la demande du Client :



Dans le cas où le Client décidait de résilier le contrat qu'il a signé avec Consultime, le contrat signé entre Consultime et le Prestataire serait, de plein droit, résilié à la même date, sans indemnités.

Consultime s'engage à en informer aussitôt le Prestataire, et à lui transmettre les pièces justificatives dont elle dispose. ».



Le courrier du 29 juillet 2017 n'ayant pas suscité de réaction de la part de la société Consultime et la société Pégidès ayant poursuivi ses prestations chez le client comme prévu jusqu'au 22 septembre 2017, il en résulte que la résiliation du contrat Consultime/Banque Postale ne peut être antérieure au 22 septembre 2017. L'emploi de l'expression « après-prestation » par la société Pégidès dans sa lettre ne remet pas en cause l'exécution des prestations prévues en sous-traitance confiées à la société Pégidès jusqu'au 22 septembre 2017. En effet, la lettre est claire sur la date de fin des « prestations » qui ne correspondent pas à « l'après-prestation » évoquée, nécessairement postérieure au 22 septembre 2017.



C'est donc à bon droit que les premiers juges ont reconnu la légitimité de la créance de la société Pégidès à ce titre et condamné la société Consultime à lui verser la somme de 19.680 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 mai 2018. Le jugement sera confirmé sur ce point.





Sur l'application de la clause litigieuse



Les appelants critiquent la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de sous-traitance qu'ils estiment non valide car sans limitation dans l'espace et quant aux activités concernées, non justifiée par l'intérêt de son créancier et disproportionnée quant à l'engagement souscrit.



La société Consultime soutient qu'il importe de ne pas s'arrêter à la qualification erronée donnée par le contrat dans la mesure où il s'agit d'une clause de non-sollicitation de clientèle. Elle fait valoir que la création de la société Gravaster n'avait pour but que de contourner l'obligation de non-sollicitation post-contractuelle à laquelle était soumise la société Pégidès. Elle recherche ainsi la responsabilité contractuelle de la société Pégidès et délictuelle de M. [W] et de la société Gravaster.



En vertu de l'article 1382 ancien du code civil :



« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »



Le contrat de sous-traitance conclu entre la société Consultime et la société Pégidès ' le prestataire - contient les dispositions suivantes en son article 8 « NON CONCURRENCE » :



« Le Prestataire s'interdit d'entrer en négociation et/ou de contracter directement ou indirectement (notamment en co-traitance ou en sous-traitance avec des sociétés concurrentes) avec le Client ou toute personne concernée par les travaux commandés (ex : Client final), aux fins de lui proposer des prestations informatiques et/ou de conseil.

Cette interdiction s'applique dès la signature du contrat par les parties. Elle devient caduque 24 mois plus tard si aucune commande n'est finalement signée par les parties, et 24 mois après l'expiration de la dernière commande dans le cas contraire.

Cet engagement du Prestataire de ne pas faire concurrence à Consultime est fondamental dans l'équilibre du contrat et constitue un élément essentiel dans la volonté de Consultime de se lier contractuellement au Prestataire.

A défaut de respecter cette interdiction, le Prestataire sera tenu de dédommager Consultime par le paiement d'une indemnité forfaitaire de 20.000 euros HT (vingt mille euros hors taxes), à laquelle s'ajoute un montant égal à 30 % du chiffre d'affaires réalisé en violation de cette clause.

Ces indemnités seront exigibles immédiatement, sans formalité judiciaire, dès constatation par Consultime du manquement du Prestataire. Elles pourront être directement déduites par Consultime des sommes restant dues, nonobstant le droit pour Consultime de demander une indemnisation complémentaire du préjudice subi. »



La clause litigieuse interdit au Prestataire, ici la société Pégidès sous-traitante de la société Consultime, de démarcher ou d'effectuer une prestation, directement ou indirectement, à l'égard de la Banque Postale. Elle s'analyse en cela en une clause de non-sollicitation de clientèle, malgré le titre qu'en ont donné les parties, limitée dans le temps.



Même si le « Client » n'est pas identifié par son nom dans le contrat de sous-traitance, la « commande de prestations » annexée audit contrat indique le lieu d'exécution de la prestation comme étant le « [Adresse 3] ». Cette adresse est celle de la Banque Postale à [Localité 7]. La clause est précise, limitée quant au client concerné, i.e. « le Client ou toute personne concernée par les travaux commandés » et proportionnée à l'intérêt à protéger, soit l'absence de détournement du client final par le prestataire. Elle ne vise donc pas toute la clientèle de la société Consultime et ne concerne que les prestations de la nature de celles pour lesquelles les sociétés Consultime et Pégidès ont contracté. Le fait que l'article 1 « Objet » du contrat de sous-traitance énonce en son alinéa 1er : « Le présent contrat définit les conditions et modalités applicables aux commandes de prestations passées par Consultime au Prestataire à la suite d'un contrat conclu entre Consultime et l'un des Clients de Consultime (ci-après « le Client »). » ne remet pas en cause cette interprétation ; cet article lie indéniablement le contrat Consultime/Pégidès (commande de prestations) au contrat Consultime/Client de Consultime. Le « Client » dont s'agit et auprès duquel le « Prestataire » s'interdit de négocier ou contracter directement ou indirectement est bien celui qui est concerné par la commande passée par Consultime au Prestataire. Ce dernier ne peut en effet connaître l'intégralité de la clientèle de la société Consultime et se voir interdire d'entrer en relation avec elle.



La présente clause limitée au seul client Banque Postale au surplus à [Localité 7] et non sur le tout le territoire national n'a pas restreint de manière disproportionnée la liberté contractuelle de la société Pégidès et ne l'a pas maintenue dans un état de dépendance économique. L'appelante pouvait en effet, dès l'issue de son contrat avec Consultime, contracter avec n'importe quel autre client hormis la Banque Postale.



La prestation était prévue pour une durée estimée à 60 jours ouvrés renouvelable en fonction des besoins du client avec un début des travaux lundi 20 juin 2016 au tarif de 400 euros HT par jour.



La SARL Pégidès a été immatriculée le 12 février 2016 et la société à responsabilité limitée à associé unique Gravaster le 5 octobre 2017 avec un commencement d'activité au 25 septembre 2017. Leur siège social est situé à la même adresse, [Adresse 2]. La première a pour activité « Conseil en systèmes et logiciels informatiques » et la seconde « Programmation informatique ». Le gérant de ces deux sociétés est M. [J] [W].



Or la société Pégidès a mis fin à ses prestations à la date du 22 septembre 2017. M. [W] a créé une société jumelle quelques jours après le terme fixé par ses soins des prestations de la première société dont il était le gérant. M. [W], par l'intermédiaire de la société Gravaster, a continué à intervenir dans les locaux de La Banque Postale.



Or, l'écran de la personnalité morale ne suffit pas à dispenser son dirigeant du respect d'une clause de non-concurrence ou de non-sollicitation de clientèle. Il est manifeste que la création de la société Gravaster n'avait pour seul objectif que d'éviter l'application de l'article 8 du contrat de sous-traitance et le jugement sera confirmé sur ce point..



Quant au calcul de l'indemnité due en cas de violation de la clause, celle-ci prévoit les dispositions suivantes :



« A défaut de respecter cette interdiction, le Prestataire sera tenu de dédommager Consultime par le paiement d'une indemnité forfaitaire de 20.000 euros HT (vingt mille euros hors taxes), à laquelle s'ajoute un montant égal à 30 % du chiffre d'affaires réalisé en violation de cette clause. »



Les appelantes font valoir que la totalité du chiffre d'affaires réalisé par la société Gravaster dans le cadre de son contrat de prestation avec le Groupement des professionnels autonomes s'élève à 98.380,80 euros. Elle explique que ce chiffre d'affaires résulte d'une facturation émise du 25 septembre 2017 au 31 juillet 2018 à l'ordre de la Banque Postale. Le reste de son chiffre d'affaires sur l'exercice 2017/2018 résulte de missions accomplies pour la société Xsom Consulting à hauteur de 57.528 euros TTC. A cet égard, elle produit deux attestations de son expert-comptable, accréditant ses dires. En effet, le cocontractant de la Banque Postale était le Groupement des professionnels autonomes et la société Gravaster, en la personne de M. [J] [W], a réalisé les prestations demandées par cet intermédiaire. Il en résulte, au vu des éléments justificatifs fournis que l'indemnité due s'élève donc à la somme de 49.514,24 euros (soit 98.380,80 x 30% + 20.000). Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fixé ce montant à la somme de 83.363 euros.









Les appelantes soutiennent qu'il s'agirait d'une clause pénale sujette à réduction car manifestement excessive. Or l'évaluation basée sur le préjudice subi du fait de la violation délibérée de la clause de non-sollicitation de clientèle, sachant que la société Pégidès a arrêté sa mission de manière intempestive pour reprendre sous une autre forme des prestations auprès du même client final qui a donc été définitivement perdu pour la société Consultime, n'apparaît pas excessive.



Les appelantes seront donc déboutées de leur demande tendant à voir réduire le montant de la pénalité issue de l'article 8 du contrat. Elles doivent être condamnées à payer à la société Consultime la somme de 49.514,24 euros.



Enfin, la déloyauté dont ont fait preuve la société Pégidès ainsi que la société Gravaster et M. [W] à l'égard de la société Consultime et l'atteinte qui en est résultée à son image vis-à-vis de son client la Banque Postale justifient l'allocation d'une indemnité pour préjudice moral à hauteur de 3.000 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que sur la compensation des sommes dues de part et d'autre.





Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



La société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, ils seront aussi solidairement condamnés aux dépens, dont distraction au profit de Maître Etevenard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Il apparaît également équitable de les condamner solidairement à payer à la société Consultime la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé le montant des dommages-intérêts dus solidairement par les sociétés Pégidès et Gravaster et M. [W] à la société Consultime à la somme de 83.363 euros ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



CONDAMNE solidairement la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster à payer à la société Consultime la somme de 49.514,24 euros ;



DEBOUTE la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster de leur demande tendant à voir réduire le montant de la pénalité issue de l'article 8 à un euro ;



CONDAMNE solidairement la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster aux dépens, dont distraction au profit de Maître Etevenard ;



CONDAMNE solidairement la société Pégidès, M. [J] [W] et la société Gravaster à payer à la société Consultime la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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