20 avril 2023
Cour d'appel de Versailles
RG n° 21/00969

3e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59D



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 AVRIL 2023



N° RG 21/00969



N° Portalis DBV3-V-B7F-UKBD



AFFAIRE :



[E] [L]



C/



S.A. LA FRANCAISE DES JEUX





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2020 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 7

N° RG : 19/9860



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Gaston VIGUET CARRIN de la SELASU JURIS BRETEUIL







Me Christophe DEBRAY







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [E] [L]

née le 06 Avril 1970 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentant : Me Gaston VIGUET CARRIN de la SELASU JURIS BRETEUIL, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1060

Représentant : Me Christophe DESSEIS, Plaidant, avocat



APPELANTE



****************



S.A. LA FRANCAISE DES JEUX

RCS 315 065 292

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21100

Représentant : Me Dominique HEINTZ de l'ASSOCIATION HERTSLET WOLFER & HEINTZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R188



INTIMEE





****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Florence PERRET, Président,,

Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,














FAITS ET PROCEDURE :



Par courrier du 17 septembre 2018, Mme [E] [L] a adressé à la Française des jeux une copie de son ticket de jeu à gratter, Illiko-Mission Patrimoine, et a sollicité des explications concernant la règle de ce jeu, ne comprenant pas pourquoi son ticket ne pouvait donner lieu à l'attribution d'un gain et indiquant avoir l'impression d'avoir été spoliée.



Par courrier du 21 septembre 2018, la Française des Jeux lui a confirmé que son ticket n'était pas gagnant en ce qu'il ne contenait aucun des symboles gagnants, associé à l'attribution d'un lot et lui a communiqué un exemplaire du règlement complet du jeu, comprenant les règles et le tableau de répartition des gains.



A la suite de cette réponse, Mme [L] a de nouveau contacté la Française des Jeux, par courrier du 24 septembre 2018, afin de lui faire part de son interprétation différente des règles d'attribution des lots et de nouveau de son sentiment d'avoir été spoliée.



Par courrier en date du 26 septembre 2018, la Française des Jeux l'a informée qu'elle lui confirmait sa précédente réponse concernant le caractère perdant de son ticket et l'a invitée à saisir son médiateur si celle-ci ne lui donnait pas satisfaction.



Par actes des 24, pour tentative, et 26 septembre 2019, pour délivrance, Mme [L] a fait assigner la société La Française des Jeux devant le tribunal de grande instance de Nanterre en paiement.



Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :



- débouté Mme [E] [L] de toutes ses demandes,

- condamné Mme [E] [L] aux dépens de l'instance avec recouvrement direct,

- condamné Mme [E] [L] à régler à la société La Française des Jeux la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.



Pour débouter Mme [L] de sa demande en paiement de la somme de 1 500 000 euros, le tribunal a retenu, d'abord, que l'acquisition du ticket de jeu avait entraîné la formation du contrat entre la société La Française des Jeux et Mme [L], laquelle avait nécessairement accepté le règlement du jeu, qui constituait ainsi la loi des parties, ensuite, que l'article du règlement particulier du jeu litigieux satisfaisait aux exigences de l'article L.121-1 du code de la consommation, cette clause étant rédigée de façon claire et compréhensible et dénuée de toute ambiguïté, enfin, qu'au regard du règlement particulier du jeu et de l'indication portée sur le ticket, son ticket était perdant.



Par acte du 14 février 2021, Mme [L] a interjeté appel.



Par ordonnance du 3 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à faire valoir leurs observations sur le point de savoir s'il entre dans les attributions du conseiller de la mise en état de statuer sur l'effet dévolutif de l'appel.



Par conclusions du 25 mai 2022, la société La Française des Jeux s'est désistée de son incident.



Par dernières écritures du 7 décembre 2022, Mme [L] prie la cour de :



- débouter la société La Française des Jeux de sa demande en rejet de la demande de Mme [L] pour défaut de dévolution,

- réformer le jugement déféré,

- condamner la société La Française des Jeux à payer à Mme [L] la somme de 1 500 000 euros avec intérêts de droit, en application des dispositions de l'article L 211-1 du code de la consommation,

En tout état de cause:

- condamner la société La Française des Jeux à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société La Française des Jeux aux dépens.



Par dernières écritures du 22 décembre 2022, la société La Française des jeux prie la cour de :



A titre principal,

- juger que la cour n'est saisie d'aucune demande/ appel de Mme [L], du fait que la déclaration d'appel de Mme [L] du 14 février 2021 ne contient ni demande d'annulation, d'infirmation ou de réformation du jugement de première instance, ni l'indication des chefs du jugement expressément critiqués,

- rejeter en tant que de besoin l'appel formé le 14 février 2021 par Mme [L],



A titre subsidiaire, pour le cas où par impossible la cour croirait devoir statuer sur le fond du litige,

Concernant la demande condamnation de la société La Française des Jeux,

- juger qu'en participant au jeu de grattage « Mission Patrimoine » en septembre 2018, Mme [L] a adhéré au règlement général des jeux de loterie instantanée de La Française des Jeux et au règlement particulier de jeu de loterie instantanée de La Française des jeux dénommé « Mission Patrimoine » qui le complète,

- juger que le ticket de jeu de Mme [L] est perdant en application des articles 5.3.4 et 5.3.5 du règlement particulier du jeu de loterie instantanée de La Française des Jeux dénommé « Mission Patrimoine »,

- juger que, à l'aune des articles 5.3.4 et 5.3.5 du règlement particulier du jeu de loterie instantanée de La Française des Jeux dénommé « Mission Patrimoine », le fonctionnement du « Jeu 1 » est clair et compréhensible,

- juger que l'article 1190 du code civil n'est pas applicable,

- juger que le principe d'interprétation de l'article L. 211-1 alinéa 2 du code de la consommation n'est pas applicable,

En conséquence,

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



En toutes hypothèses,

- condamner Mme [L] à payer à la société La Française des Jeux la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux entiers avec recouvrement direct, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.



La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.



Elle a été rabattue le 10 février 2023 pour admettre les conclusions d'incident de révocation de clôture afin de rejet des débats de conclusions et pièces de Mme [L] formée par la Française des Jeux en date du 8 février 2023.




SUR QUOI :



Sur le rejet des débats de conclusions et pièces demandé par la Française des Jeux



Au soutien de sa demande , l'intimée expose que l'article 906 du code de procédure civile dispose que :

" Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.

Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont ellesmêmes irrecevables. "



L'article 930-1 en son alinéa 1 dispose :

" A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. "



Depuis le 1er janvier 2012, les conclusions sont obligatoirement notifiées au greffe et entre avocats par le biais du réseau électronique RPVA, à peine d'irrecevabilité des conclusions irrégulièrement notifiées dans les conditions de l'article 930-1 du code de procédure civile, substituant le placement des conclusions au greffe et la notification entre avocats par le ministère des huissiers audienciers.



La seule exception à ce vecteur obligatoire de notification résulte d'une panne généralisée du système ou la démonstration d'une cause étrangère au sens de l'alinéa 2 de l'article 930-1 précité, en permettant l'utilisation du support papier comme supplétif à l'impossibilité de notifier par voie électronique.



En l'espèce, la partie appelante a régulièrement notifié par RPVA ses conclusions à l'intimée constituée dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile à la date du 23 mars 2021, ce qui a entraîné une réplique dans le délai de l'article 909 du même code par la concluante, intimée à la date du 22 juin 2021 par RPVA.



La Française des Jeux expose que le 7 décembre 2022, elle a découvert par une notification informelle, par simple mail que Mme [L] avait pris l'initiative de répliquer à ses conclusions du 22 juin 2021, 18 mois après, sans recevoir la notification de ces conclusions conformément aux textes précités par le vecteur du RPVA.



La consultation de la messagerie du greffe de la 3e chambre faisant ressortir une notification des conclusions de l'appelante à la date du 7 décembre 2022, la concluante interrogeait le conseiller de la mise en état par message RPVA du 8 décembre 2022 en se prévalant de l'absence de notification à son égard, pour des conclusions notifiées au seul greffe de la 3e chambre, afin d'avoir la confirmation d'une absence de notification à la partie intimée.

Elle y répliquait le 22 décembre 2022.



Après le prononcé de la clôture le 5 janvier 2023, la concluante vérifiait la messagerie du greffe de la 3e Chambre où il apparaissait 2 jeux de conclusions supplémentaires dont elle n'avait jamais reçu notification y compris de manière informelle les 26 et 27 décembre 2022.



Après consultation du RPVA, il apparaît indiscutablement que les conclusions et pièces de la partie appelante les 7, 26 et 27 décembre 2022 de Mme [L] n'ont pas été transmises par RPVA de sorte qu'elles n'étaient pas notifiées à l'intimée ce qui les rend radicalement irrecevables.



Celle-ci en a convenu puisque par message RPVA en date du 20 janvier 2023, le conseil de Mme [L] a confirmé l'irrégularité de ses conclusions résultant de l'absence de notification de celles-ci à l'avocat constitué pour l'intimée.



La partie appelante ne démontre pas une cause étrangère qui justifierait cette absence de notifications au sens de l'article 930-1 du code de procédure civile.



Les pièces au soutien des conclusions irrecevables devront également être déclarées irrecevables et rejetées des débats (pièce adverse n°7).



La cause grave justifiant la révocation de la clôture au sens de l'article 803 du code de procédure civile est suffisamment démontrée au vu de ce qui précède et elle caractérise une infraction manifeste au principe du contradictoire.



Sur la recevabilité de l'appel de Mme [L]



Il y a lieu de constater que Mme [L] n'a pas signifié à la société La Française des Jeux sa déclaration d'appel puisqu'elle l'a fait à une fausse adresse, bien que la véritable adresse de l'intimée figure dans le jugement entrepris par elle.



La Française des Jeux ayant néanmoins régularisé sa constitution, elle a obtenu copie de la déclaration d'appel qui ne comporte aucune demande d'annulation, d'infirmation ou de réformation du jugement, sans en faire figurer aucun chef critiqué, l'objet de l'appel étant rédigé de la façon suivante :

" Appel du jugement en toutes ses dispositions ".



Mme [L] soutient que l'absence de chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel serait une exception de nullité de forme qui serait :

- irrecevable, pour n'avoir pas été soulevée in limine litis, conformément aux dispositions de l'article 74 (et non pas 114, comme indiqué par Mme [L]) du code de procédure civile,

- et mal fondée, faute pour la Française des Jeux, d'établir avoir subi le moindre grief du fait de la nullité.



Or, il s'agit là d'une sanction relevant de l'absence d'effet dévolutif de l'appel ne nécessitant pas d'être développée in limine litis ni de générer un grief : ne demandant pas, dans sa déclaration d'appel en date du 14 février 2021 l'infirmation ou l'annulation du jugement de première instance et n'identifiant pas les chefs de jugement expressément critiqués, elle n'a pas saisi la cour, conformément aux dispositions des articles 561 et 562 du code de procédure civile.

Aucune régularisation n'a été entreprise dans le respect des prescriptions des article 908 et 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile.



En effet, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement (Civ. 2e, 2 juill. 2020, n°19-16.954, Civ. 2e, 25 mars 2021, n° 20-12.037).

Cette solution a été maintes fois rappelée par la Cour de cassation.



Par voie de conséquence, la cour n'est pas saisie valablement de l'appel formé par Mme [L].



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Le sens du présent arrêt commande de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.



Mme [L], partie perdante, supportera les dépens d'appel. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.



Il apparaît équitable d'allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'intimée et de condamner Mme [L] aux dépens avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour, par arrêt contradictoire, par mise à disposition :



Vu les dispositions des articles 14, 15, 16, 803, 906 et 930-1 du code de procédure civile,



Ordonne pour cause grave la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 5 janvier 2023,



Rejette des débats, les conclusions de Mme [L] et de la Française des Jeux à compter du 7 décembre 2022 inclus jusqu'au prononcé de la clôture,



Dit que seules les conclusions de Mme [L], notifiées régulièrement par RPVA le 23 mars 2021 et les conclusions de la partie intimée, La Française des Jeux, en date du 22 juin 2021, soit dans les délais des articles 908 et 909 du code de procédure civile, ainsi que les pièces communiquées au soutien de ces conclusions, sont admises aux débats,



Prononce la clôture des débats au 10 février 2023,



Vu les dispositions des articles 542, 561 et 562 du code de procédure civile,



Déclare que la cour n'est pas saisie de l'appel formé par Mme [L] en contravention avec les articles 542, 561 et 562 du code de procédure civile,



Confirme le jugement déféré,



Y ajoutant,



Rejette la demande de Mme [L] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne Mme [L] à verser à la société Française des Jeux la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Mme [L] aux dépens d'appel avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.







- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Florence PERRET, Président, et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier, Le Président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.