20 avril 2023
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 19/02982

3e chambre civile

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 20 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02982 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OEGT





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 MARS 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/01834





APPELANT :



Monsieur [I] [E]-[B]

né le 27 mars 1937 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-Noël SARRAZIN de la SCP TEISSEDRE, SARRAZIN, CHARLES GERVAIS, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIME :



Monsieur [L] [W] [X] [D]

né le 12 Janvier 1956 à [Localité 12] (VIETNAM)

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représenté par Me Francis TOUR de la SCP THEVENET, TOUR, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Léa LAGARDE, avocat au barreau de MONTPELLIER









Ordonnance de clôture du 17 Février 2023









COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, conseiller, chargé du rapport.



Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller



Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL





ARRET :



- contradictoire ;



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.






*

* *







EXPOSE DU LITIGE



M. [L] [D] est propriétaire de deux parcelles de terre cadastrées section B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] sur la commune de [Localité 1] (34).



M. [I] [E]-[B] est propriétaire d'une parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 5] située à proximité des deux parcelles précitées appartenant à M. [D].



Ces trois parcelles cadastrées B n°[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] ont initialement appartenu à M. [E]-[B] pour les avoir reçues de la succession de son père adoptif [J] [B] décédé le 5 septembre 1986 à [Localité 1].



Les parcelles cadastrées B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] ont été données à M. [D] par M. [E]-[B] selon acte notarié du 21 septembre 1991.



Le présent litige est né lorsque M. [E]-[B] a revendiqué l'existence d'une servitude de passage grevant les parcelles B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] au profit de la parcelle B n°[Cadastre 5] dont il est demeuré propriétaire.



Par acte d'huissier du 25 mai 2012, M. [E]-[B] a fait assigner M. [D] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de le voir condamner sous astreinte à rouvrir le chemin d'accès à la parcelle B n°[Cadastre 7] et à enlever les pierres et la chaîne installées sur les parcelles B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] qui font obstacle à ce passage.



Par ordonnance du 6 septembre 2012, le juge des référés a condamné M. [D] à rouvrir ce chemin sous astreinte de 100 euros par jour pendant 180 jours et à payer à M. [E]-[B] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par arrêt du 7 mai 2013, la cour d'appel de Montpellier a infirmé cette ordonnance du 6 septembre 2012 et débouté M. [E]-[B] de toutes ses demandes après avoir constaté l'absence de toute servitude et de droit de passage au soutien des prétentions du demandeur.



Par acte d'huissier du 20 juin 2014, M. [E]-[B] a fait assigner M. [D] devant le tribunal de grande instance de Montpellier aux fins de voir constater l'existence d'une servitude de passage grevant les parcelles B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] au bénéfice de la parcelle B n°[Cadastre 5] et condamner M. [D] à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son trouble de jouissance.



Par jugement du 14 mars 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

' révoqué l'ordonnance de clôture des débats ;

' fixé la clôture à la date de l'audience de plaidoirie ;

' dit que l'instance n'était nullement périmée ;

' débouté M. [E]-[B] de ses demandes ;

' condamné M. [E]-[B] aux dépens et à payer à M. [D] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclaration au greffe du 29 avril 2019, M. [E]-[B] a relevé appel de ce jugement à l'encontre de M. [D].



Vu les dernières conclusions de M. [I] [E]-[B] remises au greffe le 15 juillet 2019 ;



Vu les dernières conclusions de M. [L] [D] remises au greffe 27 septembre 2019 ;



L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2023.



Vu les conclusions déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture par M. [I] [E]-[B] le 23 février 2023 avec demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;






MOTIFS DE L'ARRÊT



A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « réserver », « donner acte », « constater », « rappeler » ou « dire et juger » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'i1 soit tranché sur un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.





Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,



L'article 803 du code de procédure civile dispose : « L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ».



M. [E]-[B] fait valoir que les conclusions qu'il a signifiées le 16 décembre 2019 sont affectées d'une erreur matérielle tenant à l'envoi par le RPVA de conclusions afférentes à un autre dossier.



Cette erreur matérielle ne résulte cependant pas d'un incident de nature informatique ni d'une quelconque autre cause extérieure.



L'erreur matérielle ne constitue pas une cause grave de révocation au sens de l'article 803 du code de procédure civile.



En conséquence, les conclusions déposées par M. [E]-[B] le 23 février 2023 postérieurement à la clôture sont irrecevables et la cour statuera en tenant compte de ses dernières conclusions déposées le 15 juillet 2019.





Sur la péremption,



L'assignation au fond devant le tribunal de grande instance de Montpellier a été délivrée le 20 juin 2014 à l'initiative de M. [E]-[B] et M. [D] a communiqué ses premières écritures le 8 mai 2015.



Les parties se sont ensuite entendues pour procéder au retrait du rôle de l'affaire.



M. [E]-[B] a sollicité la réinscription au rôle de l'affaire par conclusions signifiées le 6 avril 2017 reprenant les termes de son assignation du 20 juin 2014.





Ainsi que l'a exactement retenu le jugement déféré, le dépôt au greffe de conclusions sollicitant la réinscription interrompt le délai de péremption.



En effet, de telles conclusions matérialisent la volonté de cette partie de continuer et de faire avancer l'instance, y compris dans le cas où ces conclusions ne comportent aucun élément nouveau sur le fond par rapport aux précédentes écritures.



En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de péremption opposée par M. [D] sur le fondement de l'article 386 du code de procédure civile.





Sur l'existence de la servitude de passage revendiquée par M. [E]-[B],



M. [E]-[B] soutient que l'accès à ses parcelles B n°[Cadastre 3] et [Cadastre 5], qu'il a données à bail rural à Mme [U] [H] par acte authentique du 12 juillet 2011 rectifié le 23 février 2012, « s'opère depuis toujours, temps immémoriaux par un passage sur les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7] ».



En premier lieu la cour relève, ainsi que l'a exactement fait le jugement déféré, que la seule mention du chemin dans l'acte rectificatif du 23 février 2012 au bail rural du 12 juillet 2011 ne constitue pas un titre de servitude opposable à M. [D] qui est demeuré tiers à cet acte rectificatif au contrat de bail signé entre M. [E]-[B] et Mme [H].



Cette mention ajoutée le 23 février 2012 est d'autant plus inopérante qu'elle se substitue à l'autorisation personnelle accordée dans le bail initial du 12 juillet 2011 par M. [E]-[B] à Mme [H] de créer un chemin sur sa propre parcelle B n°[Cadastre 2]. Par cette clause, M. [E]-[B] a implicitement reconnu l'absence de tout autre accès desservant les parcelles louées à Mme [H] et passé sous silence l'existence d'un hypothétique passage grevant les parcelles B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] appartenant à M. [D].



M. [E]-[B] fonde son action sur l'existence d'une servitude par destination du père de famille en application des dispositions des articles 692, 693 et 694 du code civil.



Il résulte de ces textes appliqués à la lumière de la jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation, que l'existence d'une servitude par destination du père de famille suppose la démonstration des éléments suivants :

' l'identité de propriétaire initial des deux fonds actuellement séparés ;

' un aménagement réalisé par le propriétaire d'origine ;

' l'existence de cet aménagement lors de la division des fonds ;

' l'absence de volonté contraire manifestée par l'auteur commun.



Il est constant que les parcelles litigieuses cadastrées B n°[Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] ont toutes trois initialement appartenu à M. [E]-[B].



S'agissant de la deuxième condition, M. [E]-[B] soutient qu'il existe depuis des « temps immémoriaux » un chemin d'accès situé sur les parcelles B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] permettant d'accéder à la parcelle B n°[Cadastre 5].



Toutefois, M. [E]-[B] n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence matérielle de ce chemin d'accès qui constituerait l'aménagement réalisé par le propriétaire d'origine et existant lors de la séparation des fonds intervenue par acte de donation du 21 septembre 1991.



En effet, la cour constate en premier lieu que le chemin allégué par M. [E]-[B] n'est mentionné ni dans les actes de propriété ni dans les extraits de documentation cadastrale versés aux débats. Ce chemin n'apparaît pas davantage sur les nombreuses photographies terrestres et aériennes figurant au dossier.



Le constat d'huissier établi le 21 octobre 2011 par Me [G] n'est pas davantage probant pour établir l'existence de signe apparent de servitude le 21 septembre 1991, plus de vingt années avant les opérations de l'huissier.



L'appelant produit trois attestations établies par M. [R] [DJ], par M. [Y] [FF] et par M. [C] [A] selon lesquelles l'accès carrossable aux parcelles cadastrées B n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] s'est toujours fait par le [Adresse 9].



Ces trois attestations sont peu circonstanciées et particulièrement floues sur la situation du chemin évoqué à la date du 21 septembre 1991, date précise à laquelle l'aménagement allégué par M. [E]-[B] devait déjà exister pour prétendre asseoir une servitude par destination du père de famille.



En cause d'appel, M. [E]-[B] a par ailleurs renoncé à se prévaloir du témoignage de Mme [F] [O] domicilié à [Localité 8] à 40 km des lieux du litige.



Les trois attestations précitées sont en outre contredites par M. [K] [Z], M. [V] [T], M. [ZL] [N], Mme [M] [S] et M. [V] [P], tous résidant à proximité des lieux et qui attestent qu'aucun chemin situé sur les parcelles B n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] n'a jamais permis d'accéder à pied ni en véhicule à la parcelle B n°[Cadastre 5].



Il résulte des précédents développements que M. [E]-[B] n'apporte pas la preuve de l'existence de signe apparent de la servitude de passage revendiquée à la date du 21 septembre 1991.







M. [E]-[B] ne démontre donc pas l'existence d'une servitude par destination du père de famille au sens des articles 692, 693 et 694 du code civil.



Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.





Sur la demande de dommages-intérêts,



M. [D] forme une demande de 10 000 euros de dommages-intérêts à l'encontre de M. [E]-[B].



Il ne précise cependant ni le fondement précis de sa demande ni la nature du préjudice dont il sollicite l'indemnisation.



Cette demande ne pourra donc qu'être rejetée, ce en quoi le jugement déféré sera également confirmé.





Sur les demandes accessoires,



Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.



M. [E]-[B] succombe intégralement en appel et sera donc tenu de supporter les entier dépens d'appel.



L'équité commande en outre de le condamner à payer à M. [D] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



La cour,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Met les entiers dépens d'appel à la charge de M. [I] [E]-[B] ;



Condamne M. [I] [E]-[B] à payer à M. [L] [D] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.





Le greffier, Le président,

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