18 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-80.674

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00652

Titres et sommaires

COMPARUTION IMMEDIATE - Procédure - Impossibilité de réunir le tribunal le jour même - Placement en détention provisoire - Audience au fond - Demande de renvoi - Exception de nullité relative à la décision de placement en détention provisoire soulevée - Décision de maintien en détention - Obligation de se prononcer sur le moyen de nullité - Modalités - Jugement unique

En cas de recours à la procédure de comparution immédiate prévue par l'article 395 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention, si les éléments de l'espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire et si la réunion du tribunal est impossible le jour même, que cette impossibilité tienne à l'absence de réunion du tribunal, à l'encombrement de son rôle ou à la circonstance que le temps manquera pour examiner l'affaire dans des conditions de nature à garantir l'équité du procès. Il se déduit des dispositions de l'article 459 du code de procédure pénale que, saisi dans ces conditions, le tribunal correctionnel ne peut renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et maintenir un prévenu en détention provisoire sans se prononcer, par un seul et même jugement, sur les moyens de nullité soulevés par le prévenu visant à contester la seule légalité de son titre initial de détention

Texte de la décision

N° Q 23-80.674 FS-B

N° 00652


ODVS
18 AVRIL 2023


CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 AVRIL 2023



M. [V] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-5, en date du 19 janvier 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de violences aggravées et évasion, a confirmé le jugement ayant ordonné son maintien en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V] [J], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Aldebert, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [V] [J] a fait l'objet d'un mandat de dépôt délivré par le juge des libertés et de la détention en vue de sa comparution immédiate devant le tribunal correctionnel.

3. Devant cette juridiction, qui était saisie des chefs susvisés, il a demandé un délai pour préparer sa défense et a excipé de la nullité de la décision l'ayant placé en détention provisoire.

4. Joignant l'exception de nullité au fond, le tribunal a renvoyé l'affaire et ordonné le maintien de M. [J] en détention.

5. Ce dernier a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche


6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation du jugement, a rejeté l'ensemble des demandes et confirmé le jugement qui ordonnait le maintien en détention de M. [J], alors :

« 2°/ que M. [J] faisait valoir que, déféré devant le parquet à l'issue de sa garde à vue le 5 janvier 2023 à 10 heures, il pouvait comparaître devant le tribunal correctionnel qui siégeait le même jour l'après-midi, et par conséquent la saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de mise en détention était irrégulière, faute de toute caractérisation d'une prétendue « impossibilité » pour le tribunal de le juger le jour même ; la cour d'appel ne pouvait ordonner le maintien en détention de M. [J] sans avoir statué sur ce moyen qui touchait à la validité de son titre même de détention ; elle a ainsi violé les articles 144, 395, 396, 397, 397-1, 520 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ; M. [J] doit être remis en liberté d'office s'il n'est détenu pour autre cause. »




Réponse de la Cour

Vu les articles 396 et 459 du code de procédure pénale :

8. Il résulte du premier de ces textes qu'en cas de recours à la procédure de comparution immédiate prévue par l'article 395 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention, si les éléments de l'espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire et si la réunion du tribunal est impossible le jour même, que cette impossibilité tienne à l'absence de réunion du tribunal, à l'encombrement de son rôle ou à la circonstance que le temps manquera pour examiner l'affaire dans des conditions de nature à garantir l'équité du procès.

9. Dans ce cas, si le tribunal, statuant à la date fixée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, renvoie l'affaire à une audience ultérieure, le prévenu, dont la privation de liberté est nécessairement réexaminée, dispose, à l'occasion de ce débat, du droit de présenter les moyens de nullité visant à contester la seule légalité du titre de détention.

10. Selon le second de ces textes, le tribunal, saisi de conclusions soulevant des incidents et exceptions, doit statuer par un seul et même jugement en se prononçant en premier lieu sur l'exception et ensuite sur le fond.

11. Il s'en déduit que, lorsqu'il est saisi dans les conditions exposées au paragraphe 8., le tribunal correctionnel ne peut maintenir un prévenu en détention provisoire sans se prononcer, par un seul et même jugement, sur les moyens qui contestent la légalité de son titre initial de détention.

12. Pour rejeter la demande d'annulation du jugement tirée de ce que le tribunal correctionnel ne pouvait renvoyer, avec l'affaire au fond, l'examen du moyen tiré de la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant placé M. [J] en détention provisoire en vue de sa comparution immédiate, tout en le maintenant en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce qu'au même titre que la décision de renvoi, la jonction au fond d'un incident, imposée par l'article 459, alinéa 3, du code de procédure pénale, constitue un acte d'administration judiciaire, qui n'est pas susceptible de recours.

13. Les juges ajoutent qu'ils ne sont pas saisis du moyen de nullité dont le tribunal a renvoyé l'examen au fond.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.

15. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

17. Au regard des considérations qui figurent au paragraphe 8., le moyen de M. [J] qui, pour demander l'annulation du jugement en excipant de la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention l'ayant placé en détention provisoire, se bornait à soutenir, devant la cour d'appel, que le tribunal siégeait et qu'il était impossible de lui opposer qu'il ne pouvait se réunir, ne peut qu'être écarté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 janvier 2023, mais en ses seules dispositions ayant refusé de statuer sur le moyen de nullité présenté par M. [J] et ayant rejeté sa demande d'annulation du jugement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE le moyen tiré de la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant placé M. [J] en détention provisoire ;

REJETTE la demande d'annulation du jugement ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille vingt-trois.

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