20 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.525

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2023:C200429

Texte de la décision

CIV. 2

EN1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 429 F-D

Pourvoi n° H 22-11.525

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 décembre 2021.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2023

M. [O] [L], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 22-11.525 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [L], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 janvier 2021) et les productions, M. [L] a été victime, le 22 octobre 1977, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société AGF, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD (l'assureur). Il a été indemnisé de ses préjudices par application d'une transaction conclue en 1981.

2. Un jugement du 25 mars 2004 a indemnisé M. [L] de l'aggravation de ses préjudices, lui allouant, notamment, une somme au titre du préjudice professionnel.

3. Le 6 avril 2017, M. [L] a assigné l'assureur, en présence de la Mutuelle générale de l'éducation nationale, en indemnisation de la perte de ses droits à la retraite.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [L] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action tendant à la réparation de la perte de ses droits à la retraite, alors « qu'il résulte de l'article 1355 du code civil que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle soit entre les mêmes parties et formée par elles contre elles en la même qualité ; qu'une nouvelle demande d'indemnisation est dès lors recevable, sans heurter l'autorité de chose jugée, si elle concerne un préjudice nouveau, distinct du préjudice indemnisé de façon irrévocable par un jugement antérieur ; qu'il résulte du jugement du 25 mars 2004 du tribunal de grande instance de Saint-Quentin que M. [L] n'a demandé que la réparation de la perturbation apportée dans le déroulement de sa carrière et que le tribunal n'a entendu réparer que la perte de salaire subie par M. [L] avant son éviction de la fonction publique en 1993 et la perte d'une chance de poursuivre sa carrière au sein de l'enseignement ; de sorte que la cour d'appel, en déclarant sa demande irrecevable, a violé la disposition précitée. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1355 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.

6. Pour déclarer irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée, la demande formée par M. [L] en indemnisation de la perte de ses droits à la retraite, l'arrêt énonce que le jugement du 25 mars 2004 n'a pas entendu limiter sa portée aux périodes de vie active de la victime. Il précise que ce jugement statue expressément sur le préjudice professionnel global en tenant compte de la perte de chance subie par M. [L] de poursuivre une carrière au sein de l'éducation nationale.

7. L'arrêt ajoute que ce dernier, qui demandait notamment réparation de l'incidence professionnelle, savait à cette époque que l'accident aurait une incidence sur sa situation professionnelle et donc sur le montant de sa retraite. Il retient, enfin, que la répercussion de l'accident sur les droits à la retraite de la victime n'est pas un élément nouveau et ne s'analyse pas en une aggravation du préjudice qui a été antérieurement indemnisé.

8. En statuant ainsi, alors que le jugement du 25 mars 2004 n'avait statué que sur l'indemnisation des pertes de rémunération subies par M. [L] lors de ses congés maladies et sur la perte de chance de bénéficier du déroulement prévisible de sa carrière, et que celui-ci n'avait pas demandé au tribunal la réparation de la perte de ses droits à la retraite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture du 7 octobre 2019 et fixe la clôture de la procédure au 12 novembre 2020, l'arrêt rendu le 14 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Allianz IARD à payer la somme de 500 euros à M. [L] et 2 500 euros à la SCP Sevaux et Mathonnet ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois.

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