20 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-23.712

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200423

Titres et sommaires

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance-vie - Contrats de capitalisation - Taux minimum garanti - Changement du taux moyen des emprunts de l'Etat français - Effets - Versements non programmés en cours de contrat - Exclusion - Versements déjà effectués ou programmés à la souscription

Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur. Selon l'article A. 132-1 du code des assurances, issu d'un arrêté du 28 mars 1995 et modifié par arrêtés des 23 octobre 1995, 27 juin 2006 et 14 août 2017, les tarifs pratiqués par les entreprises réalisant des opérations mentionnées au 1° de l'article L. 310-1, en ce compris celles mentionnées à l'article L. 143-1 et par les fonds de retraite professionnelle supplémentaire mentionnés à l'article L. 381-1, doivent être établis d'après un taux au plus égal à 75 % du taux moyen des emprunts de l'Etat français calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser, au-delà de huit ans, le plus bas des deux taux suivants : 3, 5 % ou 60 % du taux moyen indiqué ci-dessus. Dans le cas de versements non programmés aux termes du contrat, ces règles sont à apprécier au moment de chaque versement. Il résulte de la combinaison de ces textes que, si la règle applicable aux versements non programmés aux termes du contrat d'assurance est celle en vigueur au moment du versement, ainsi qu'il a été prévu par une disposition spéciale, d'application immédiate aux contrats en cours, ceci ne modifie pas les situations juridiques existantes, de sorte que les taux minimum garantis restent identiques pour l'ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 423 F-B

Pourvoi n° G 21-23.712




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2023

1°/ la Société commerciale d'informatique et de participation, dont le siège est Centre auto, [Adresse 3],

2°/ la Société guadeloupéenne de vente d'automobile, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ la société Centre auto, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ M. [L] [P], domicilié [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° G 21-23.712 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2021 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant à la société AG2R La Mondiale, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la Société commerciale d'informatique et de participation, de la Société guadeloupéenne de vente d'automobile, de la société Centre auto et de M. [P], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société AG2R La Mondiale, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 29 juin 2021), la Société commerciale d'informatique et de participation (la société Socipar), dirigée par M. [P], ainsi que la Société guadeloupéenne de vente d'automobile (la société Soguava), les sociétés Sigam et Sava, aux droits desquelles vient la société Centre auto, elle-même détenue à 100 % par la société Socipar (les adhérentes), ont adhéré en 1987 à un contrat collectif d'assurance sur la vie intitulé « super retraite » souscrit par l'association La Mondiale de prévoyance auprès de la société La Mondiale, afin de permettre à leurs cadres de se constituer des compléments de retraite par capitalisation.

2. La souscriptrice a notifié aux adhérentes, par lettre recommandée du 10 octobre 1995, qu'en raison de modifications législatives et réglementaires, les stipulations contractuelles relatives au taux d'intérêt technique étaient elles-mêmes modifiées.

3. Soutenant pouvoir prétendre au taux et à une table de mortalité initialement prévus, les adhérentes ont assigné devant un tribunal de grande instance la société La Mondiale, aux droits de laquelle se trouve la société AG2R La Mondiale (l'assureur).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.



Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Socipar, Soguava et Centre auto ainsi que M. [P] font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs prétentions, alors « que les conditions garanties applicables lors de la souscription du contrat d'assurance sur la vie doivent rester identiques pour l'ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription au jour de l'entrée en vigueur des dispositions de l'article A. 132-1 du code des assurances, issues de l'arrêté du 25 mars 1995 ; qu'en considérant, pour les débouter de leurs demandes tendant à faire constater que les conditions initialement prévues (application de la table de mortalité 1973-1977 et taux de service de la rente de 7,435 % à 60 ans et 8,553 % à 65 ans) devaient être applicables à tous les contrats souscrits entre 1987 et le 1er janvier 1996, date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 25 mars 1995, et pour tous les versements effectués au titre de ces contrats, qu'aucune disposition de l'arrêté du 28 mars 1995 n'excluait de la réforme les contrats à versements programmés tels que les contrats Super Retraite en cause, que ces contrats, tacitement reconduits annuellement, avaient intégré les nouvelles dispositions réglementaires d'ordre public et que seules les rentes acquises par des versements antérieurs à l'entrée en vigueur de la réforme lui échappaient, la cour d'appel a violé l'article A. 132-1 du code des assurances ensemble les dispositions de l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 du code civil et A. 132-1 du code des assurances :

6. Il résulte du premier de ces textes que la loi nouvelle ne peut remettre en cause une situation juridique régulièrement constituée à la date de son entrée en vigueur.

7. Selon le second, issu d'un arrêté du 28 mars 1995 et modifié par arrêtés des 23 octobre 1995, 27 juin 2006 et 14 août 2017, les tarifs pratiqués par les entreprises réalisant des opérations mentionnées au 1° de l'article L. 310-1, en ce compris celles mentionnées à l'article L. 143-1 et par les fonds de retraite professionnelle supplémentaire mentionnés à l'article L. 381-1, doivent être établis d'après un taux au plus égal à 75 % du taux moyen des emprunts de l'Etat français calculé sur une base semestrielle sans pouvoir dépasser, au-delà de huit ans, le plus bas des deux taux suivants : 3,5 % ou 60 % du taux moyen indiqué ci-dessus. Dans le cas de versements non programmés aux termes du contrat, ces règles sont à apprécier au moment de chaque versement.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, si la règle applicable aux versements non programmés aux termes du contrat d'assurance est celle en vigueur au moment du versement, ainsi qu'il a été prévu par une disposition spéciale, d'application immédiate aux contrats en cours, ceci ne modifie pas les situations juridiques existantes, de sorte que les taux minimum garantis restent identiques pour l'ensemble des versements déjà effectués ou programmés dès la souscription.

9. Pour juger que les dispositions réglementaires issues de l'arrêté du 28 mars 1995 précitées étaient applicables aux contrats « super retraite » conclus antérieurement à son entrée en vigueur, l'arrêt constate que ceux-ci prévoient expressément leur reconduction tacite au premier janvier de chaque année et énonce que la tacite reconduction n'entraîne pas la prorogation du contrat primitif mais donne naissance à une convention nouvelle, soumise aux modifications législatives et réglementaires intervenues avant sa conclusion.

10. Relevant qu'aucune disposition de l'arrêté précité n'exclut de cette réforme les contrats à versements programmés tels que le contrat « super retraite », l'arrêt en déduit que les modifications apportées aux conditions générales du contrat souscrit auprès de l'assureur sont opposables aux sociétés adhérentes, qui n'ont pas dénoncé le contrat, lequel a été tacitement reconduit en intégrant les nouvelles dispositions réglementaires d'ordre public, précédemment notifiées.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait produire un effet rétroactif à l'article A 132-1 du code des assurances en soumettant à son application les versements programmés dès l'adhésion au contrat, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare M. [P] recevable en son intervention volontaire principale, déclare M. [P] irrecevable en ses demandes présentées pour le compte des salariés des sociétés Socipar, Soguava et Centre auto et déboute la société AG2R La Mondiale de ses exceptions de procédure tirées du défaut de qualité à agir des sociétés Socipar, Soguava et Centre auto et de la prescription de leur action, l'arrêt rendu le 29 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;

Condamne la société AG2R La Mondiale aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AG2R La Mondiale et la condamne à payer à la Société commerciale d'informatique et de participation, à la Société guadeloupéenne de vente d'automobile, à la société Centre auto et à M. [P] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois.

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