20 avril 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.644

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200417

Titres et sommaires

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Infraction - Article 706-3 du code de procédure pénale - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Atteinte aux biens immobiliers

En matière d'indemnisation des victimes d'infractions, la réparation des dommages matériels qui ne résultent pas des atteintes à la personne de la victime directe n'entre pas dans les prévisions de l'article 706-3 du code de procédure pénale. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui déclare recevable la demande d'indemnisation des héritiers de la victime directe au titre de la perte de valeur alléguée du bien immobilier dans lequel celle-ci a été assassinée

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Préjudice - Préjudice résultant des atteintes à la personne - Exclusion - Cas - Perte de valeur d'un bien immobilier

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 avril 2023




Cassation


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 417 F-B

Pourvoi n° Y 21-20.644



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2023

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-20.644 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [V] [H], veuve [L], domiciliée [Adresse 3], prise tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de [Y] [L],

2°/ à Mme [V] [H], veuve [L], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de représentante légale de ses deux filles mineures [P] et [K] [L], tant à titre personnel qu'en qualité d'ayants droit de [Y] [L],

3°/ à M. [U] [L], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de la SARL Corlay, avocat de Mme [H], veuve [L], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses deux filles mineures [P] et [K] [L], ayants droit de [Y] [L], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), [Y] [L] a été assassiné, ainsi qu'un de ses amis, dans l'enceinte de sa propriété devant sa maison d'habitation. Saisie par Mme [L], sa veuve, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de leurs deux enfants mineures [P] et [K] [L], ainsi que par M. [U] [L], son père, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) a, notamment, indemnisé le préjudice économique de Mme [L].

2. Statuant sur l'appel interjeté par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), une cour d'appel a alloué à Mme [L], agissant à titre personnel et ès qualités, une certaine somme pour l'indemniser du préjudice lié à la dépréciation des biens immobiliers dépendant de la succession de [Y] [L] qui résultait de son assassinat dans ces lieux.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le FGTI fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande formée par Mme [L] aux fins d'indemnisation de la dépréciation de ces biens, à la suite de l'assassinat de [Y] [L] dans ces lieux, de lui allouer la somme de 47 444,48 euros en réparation de ce préjudice, alors « que l'article 706-3 du code de procédure pénale ne prévoit la réparation que des seuls dommages résultant des atteintes à la personne ; qu'en jugeant que « les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale permettent aux proches de la victime décédée à la suite d'une infraction d'être indemnisés de leurs préjudices par ricochet selon les règles du droit commun, sans que la réparation soit limitée aux atteintes à la personne » et en indemnisant un préjudice, invoqué par Mme [L] caractérisé par la perte de la valeur vénale de la maison dans laquelle [Y] [L] et l'un de ses amis ont été assassinés, cependant que la réparation du préjudice matériel n'entre pas dans les prévisions de l'article susvisé, la cour d'appel l'a violé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale :

4. Il résulte de ce texte que, sous certaines conditions, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne.

5. La réparation des dommages matériels qui ne résultent pas des atteintes à la personne de la victime directe n'entre pas dans les prévisions de ce texte.

6. Pour déclarer recevable la demande formée par Mme [L] aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de la dépréciation de l'ensemble immobilier dépendant de la succession de [Y] [L] à la suite de son assassinat dans ces lieux, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article 706-3 du code de procédure pénale permettent aux proches de la victime décédée à la suite d'une infraction d'être indemnisés de leurs préjudices par ricochet selon les règles du droit commun, sans que la réparation soit limitée aux atteintes à la personne, ni aux postes de préjudices figurant dans la nomenclature simplement indicative du rapport du groupe de travail dirigé par M. Dintilhac, la CIVI devant reconnaître au cas par cas l'existence de tel ou tel préjudice quel qu'il soit, dès lors qu'il est en lien de causalité avec l'atteinte à la personne de la victime directe.

7. En statuant ainsi, alors que la perte de valeur alléguée du bien immobilier dans lequel les faits avaient été commis ne résulte pas d'une atteinte à la personne de la victime directe, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois.

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