19 avril 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/03513

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 19 AVRIL 2023

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03513 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4QB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - Section Commerce - RG n° F18/01006





APPELANTE



SAS INTER SERVICES ORGANISATION nom commercial de la société SAS ISOR HOLDING

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570







INTIMÉ



Monsieur [D] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Leila MESSAOUDI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 461















COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère





Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats









ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



M. [E] a été engagé par la société Onet propreté, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 2 novembre 1991 pour exercer les fonctions d'ouvrier nettoyeur sur le site [6] (Ecole [6], du bâtiment et de l'industrie) à [Localité 5].



Le contrat de travail de M. [E] a été transféré plusieurs fois et en dernier lieu auprès de la société Inter Services Organisation (par abréviation ISOR) à compter du 1er septembre 2014.



Dans le dernier état des relations contractuelles entre les parties, régies par la convention collective des entreprises de propreté, M. [E] percevait une rémunération mensuelle brute de 676,77 euros pour 65 heures mensuelles.



La société ISOR a notifié à M. [E] des avertissements les 2 juin 2015, et 9 novembre 2016 que le salarié a contestés.



Monsieur [E] a été placé en arrêt maladie par son médecin traitant du lundi 3 au vendredi 7 avril 2017.



Après avoir été convoqué par lettre du 5 avril 2017 à un entretien préalable au licenciement fixé au 12 avril 2017 et reporté au 25 avril 2017, M. [E] a été licencié pour faute grave par lettre du 28 avril 2017.



Contestant le bien fondé de son licenciement et les conditions d'exécution de son contrat de travail par l'employeur, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, le 6 juillet 2018 , afin de l'entendre, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Annuler les avertissements des 2 juin 2015 et 9 novembre 2016,

- Condamner la société ISOR à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :

° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 994,15 euros,

° indemnité compensatrice de préavis : 1 359,86 euros,

° congés payés afférents : 135,95 euros,

° indemnité légale de licenciement : 4 809,01euros,

° dommages et intérêts au titre de l'annulation des avertissements : 5 000 euros,

° dommages et intérêts pour absence de formation : 10 000 euros,

° dommages et intérêts pour absence d'entretien professionnel : 2 000 euros,

° dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat : 679,78 euros,

° article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros.



La société ISOR a conclu au débouté de M. [E] et, à titre subsidiaire, à la limitation des dommages et intérêts à la somme de 11 257,20 euros représentant 18 mois de salaire.



Par jugement du 10 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Créteil a :

- Dit et jugé que le licenciement de M. [E] ne repose pas sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

- Condamné la société ISOR à payer à M. [E] les sommes suivantes :

° 16 994,50 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 4 078,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

° 1 000 euros de dommages et intérêts au titre de l'annulation des avertissements,

° 1 359,56 euros au titre d'indemnité de préavis,

° 135,95 euros au titre de congés payés sur préavis,

° 679,78 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive de documents,

° 1 300 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Ordonné l'exécution provisoire de droit,

- Assorti les condamnations pécuniaires des intérêts aux taux légal.

- Ordonné la remise des bulletins de salaires correspondants à la période, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi établis conformément à la décision sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document à l'issue d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement,

- Débouté M. [E] de ses autres demandes,

- Débouté la société ISOR de l'ensemble de ses demandes.



La société ISOR a interjeté appel de la décision le 12 juin 2020.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, elle demande à la cour de :

-Infirmer le jugement entrepris,

A titre principal,

-Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes,

À titre subsidiaire,

-Requalifier le licenciement de M. [E] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et à ce titre, et limiter les éventuelles condamnations à intervenir aux sommes suivantes :

° 4 078,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

° 1 359,56 euros au titre de l'indemnité de préavis,

° 135,95 euros à titre de congés payés sur préavis,

À titre infiniment subsidiaire :

-Minorer à de plus justes proportions les dommages intérêts sollicités par M. [E],

En tout état de cause :

- Constater l'existence d'une demande nouvelle de rappel de salaire,

En conséquence,

- Dire cette demande irrecevable,

Subsidiairement,

- Débouter M. [E] de ses demandes de rappel de salaire des 2 et 23 décembre 2016,

- Débouter M. [E] du surplus de ses demandes.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, M. [E] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à ses demandes en constatation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en condamnation de la société ISOR au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et congés payés sur préavis, de dommages et intérêts pour remise tardive de documents et d'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et en ce qu'il a ordonné la remise de documents sociaux sous astreinte,

- Infirmer le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau,

- Condamner la Société ISOR à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :

° Indemnité légale de licenciement : 4 886,27 euros ;

° Rappel de salaires des 2 et 23 décembre 2016 : 58,74 euros ;

° Congés payés afférents : 5,87 euros ;

° Dommages-intérêts au titre de l'annulation des avertissements : 5 000 euros ;

° Dommages-intérêts au titre de l'absence de formation : 10 000 euros ;

° Dommages-intérêts au titre de l'absence d'entretien professionnel : 2 000 euros ;

- Ordonner la remise des bulletins de salaire, d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail conformes au jugement et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de l'arrêt ;

- Condamner la Société ISOR à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 13 décembre 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 24 janvier 2022.






MOTIFS





Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail



Sur la demande de rappel du salaire indûment retenu pour absences



L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.



L'article 566 du même code énonce que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.



La société ISOR demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de M. [E] en rappel de salaire pour les journées des 2 et 23 décembre 2016 comme étant nouvelle en cause d'appel.



M. [E] réplique que, contrairement à ce que prétend la société ISOR, sa demande est parfaitement recevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, car elle fait suite à la révélation d'un fait nouveau découvert à partir de la production par l'employeur d'une nouvelle pièce en cause d'appel, à savoir les feuilles d'émargement.



Mais, ne tendent pas aux mêmes fins, ni ne sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire l'une de l'autre, des demandes tendant à obtenir, d'une part, la réparation des conséquences dommageables de sanctions disciplinaires infondées et des manquements de l'employeur à certaines de ses obligations et, d'autre part, un rappel de salaire.



Par ailleurs, M. [E] ne dit pas avoir obtenu tardivement son bulletin de paie de décembre 2016 et, par voie de conséquence, qu'il n'aurait pas été à même de constater, à la lecture de ce bulletin, une retenue de salaire, qu'il estime injustifiée.



Dès lors, la production du cahier d'émargement par la société ISOR en cause d'appel ne peut être considérée comme la survenance d'un fait nouveau sur lequel reposerait la demande en rappel de salaire.



La demande de M. [E] en rappel de salaire pour les journées des 2 et 23 décembre 2016 sera déclarée irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.





Sur la contestation des avertissements



Aux termes de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige concernant une mesure disciplinaire, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



En l'espèce, la société ISOR ne verse aucune pièce de nature à démontrer, d'une part, la réalité des réclamations d'un client qui aurait constaté, lors d'un contrôle qualité du 27 mai 2015, la mauvaise qualité du travail de M. [E], à l'origine de l'avertissement du 2 juin 2015, et d'autre part, la mauvaise qualité de la prestation de travail et du non-respect des horaires de travail, ayant donné lieu à l'avertissement du 9 novembre 2016.



Ces avertissements, contestés par M. [E] dès leur notification, seront annulés.



Il appartient au salarié qui réclame des dommages et intérêts en raison de la faute commise par l'employeur de rapporter la preuve du préjudice dont il sollicite la réparation.



En prétendant que ces avertissements ont porté atteinte à son estime et à son intégrité, M. [E] ne procède que par simples affirmations qui ne sauraient valoir preuve de l'existence, de la nature et de l'étendue d'un préjudice autre que celui causé par le rétablissement du salarié dans ses droits à la suite de l'annulation des sanctions contestées.



Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit, en son principe et partiellement en son montant, à la demande en dommages et intérêts de M. [E] au titre de l'annulation des avertissements.



Sur l'absence d'entretien individuel



M. [E] fait valoir que, contrairement à son obligation imposée par l'article L.6315-1 du code du travail, la société ISOR n'a pas organisé d'entretien professionnel consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi alors qu'en tout état de cause, le premier entretien professionnel biennal devait avoir lieu avant le 7 mars 2016.



La société ISOR réplique que M. [E] a été repris en septembre 2014 et qu'il a bénéficié d'un entretien le 18 octobre 2016, soit un simple dépassement du délai d'un mois qui n'est de nature à justifier l'octroi de dommages et intérêts en l'absence de tout préjudice, et qu'un second entretien a eu lieu le 25 avril 2017.



Toutefois, les entretiens évoqués par la société ISOR sont des entretiens préalables à des sanctions disciplinaires qui n'ont pas la même finalité que les entretiens imposés par l'article L.6315-1 rappelé ci-dessus, qui doivent être consacrés aux perspectives d'évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d'emploi et doivent comporter également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience.



M. [E] justifie d'un préjudice causé par l'absence d'un tel entretien, en ce qu'il avait plus de 25 ans d'ancienneté, n'a jamais évolué professionnellement et est resté au premier échelon de la classification jusqu'à son licenciement.



La société ISOR sera donc condamnée à verser à M. [E] la somme de 2 000 euros en réparation de ce préjudice, par infirmation du jugement entrepris.



Sur l'absence de formation



M. [E] fait valoir qu'il n'a jamais eu de formation sur son emploi ou en matière d'hygiène et de sécurité en 25 ans de travail, comme cela est imposé par la Convention collective et qu'il se retrouve ainsi à 59 ans à la recherche d'un emploi sans possibilité de reclassement.



La société ISOR réplique que le conseil de prud'hommes a opportunément rappelé dans son jugement que M. [E] n'était salarié de la société que depuis septembre 2014 et que celle-ci ne pouvait être tenue pour responsable du défaut de formation de ces précédents employeurs.



Cela étant, la poursuite du contrat de travail de M. [E] auprès de la société ISOR résultait de la seule application des dispositions de l''annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté et de services associés, lesquelles ne prévoient pas que le nouveau prestataire est tenu des obligations qui incombaient à l'ancien au moment du transfert du contrat de travail.



En conséquence, la société ISOR ne peut être tenue au paiement de dommages et intérêts au titre de manquements aux obligations nées antérieurement au transfert du contrat de travail.



Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande en dommages et intérêts pour absence de formation.





Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail



Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.



Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.



Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.



La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.



L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.



La lettre de licenciement est ainsi rédigée :



« En application des dispositions des articles L1232-2 et L1232-4 du Code du travail, je vous ai reçu, le mardi 25 avril 2017 dans le cadre d'un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, afin d'entendre vos explications sur les faits qui vous sont reprochés. Vous n'étiez pas accompagné lors de cet entretien. Au cours de cet entretien, je vous ai indiqué les éléments qui nous ont conduits à engager la procédure.



Vous travaillez au sein de notre société en qualité d'Agent de propreté depuis le 01.09.2014 sur le site [6].



M. [J], votre Responsable d'Agence et M. [B], votre Responsable de Secteur se sont présentés à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois, sur votre site d'affectation. En effet, ils se sont présentés courant mois de février 2017 et mars 2017.



Suite à leur passage à l'accueil de notre client à 18h30, ils ont pu constater votre absence du site, de plusieurs manières différentes.



En premier lieu, vous devez remplir un cahier de pointage mis à disposition par notre client, au niveau de son accueil de site et ce de manière journalière. Or lors des visites inopinées de Monsieur [J] et Monsieur [B], vous n'étiez pas présent sur votre site d'affectation.



Par ailleurs, toujours lors de ces visites, Monsieur [J] et Monsieur [B] se sont rendus sur votre poste de travail, à savoir votre prestation effectuée de 8h00 à 21h00, sur une prestation de nettoyage affectée au bâtiment « Recherche ». Ils ont alors pu constater votre absence de votre poste de travail. De plus, ils ont effectué de nouveau un contrôle à l'accueil au moment de leurs départs du site, à 19h00 et vous n'étiez toujours pas présent dans les équipes.



Cette absence a été validée par votre chef d'équipe sur site, à savoir Monsieur [V] qui nous a confirmé que vous étiez très souvent absent et en retard sur vos missions de travail.



Lors de l'entretien, nous vous avons reproché votre non-respect des horaires ainsi que vos absences répétées. Vous avez reconnu ces faits fautifs et avez confirmé que vous vous absentiez souvent sans prévenir et que vous ne respectiez pas vos horaires de travail.



Ces faits vous sont d'autant plus reprochables que vous avez déjà fait l'objet d'une procédure disciplinaire vous reprochant vos retards et absences à répétition. En effet, le 02 juin 2015 et le 09 novembre 2016 vous ont été notifiés des avertissements. Vous avez contesté ce dernier dans votre courrier du 07/12/2016. Le 14 décembre 2016, nous vous avons confirmé maintenir notre position et conserver notre avertissement. En effet, vous ne respectiez déjà pas vos horaires de travail.



Les explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits qui vous sont aujourd'hui reprochés, à savoir vos départs et arrivées sans respecter vos horaires de travail et absences injustifiées.



Nous ne pouvons tolérer de tels agissements qui portent atteinte à la qualité de nos prestations et par là même à notre Contrat commercial et ont des conséquences graves sur l'exploitation de notre marché. En effet, vos absences à répétition nous obligent à organiser de manière inopinée vos remplacements.



En conséquence, je vous notifie par la présente, votre Licenciement pour faute grave, qui prendra effet dès présentation de cette notification.



Votre solde de tout compte sera arrêté à cette date sans indemnité de préavis ni licenciement.



Nous vous ferons parvenir tous documents utiles ainsi que votre solde de tout compte'. »



À l'appui de son appel, la société ISOR fait valoir que les griefs retenus pour fonder le licenciement sont établis par l'attestation de M. [B], le cahier de pointage du client, les jours d'absences autorisées et non payées retenus sur la fiche de paie de M. [E] qui n'en a jamais demandé le paiement et les déclarations de l'intéressé qui a reconnu durant l'entretien préalable être parfois en retard ou absent et n'en avoir pas averti son supérieur hiérarchique et ce, alors que horaires de M. [E] étaient fixes et rappelés dans l'avertissement du 9 novembre 2016.



Cependant, comme justement avancé par M. [E], la lettre de licenciement manque de précision lorsqu'elle se réfère à des constats faits lors de visites sur site du responsable d'agence et du responsable de secteur « à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois » (février 2017 et mars 2017) sans indiquer le nombre de ces visites et les dates exactes de celles-ci, ce qui interdit au salarié, qui conteste la matérialité des faits, de faire valoir utilement ses moyens de défense et surtout à la juridiction prud'homale d'apprécier la réalité des griefs alors que l'employeur ne produit aucun compte-rendu de ces visites ni de rapports que les responsables n'auraient pas dû manquer d'établir pour faire remonter à leur hiérarchie les manquements du salarié qu'ils auraient constatés.



L'attestation de M. [B] n'est pas plus explicite en ce que le témoin écrit : « Lors de mon passage sur le site [6] courant février et mars 2017, j'ai pu constater en présence de mon chef d'agence ainsi que du chef d'équipe l'absence de M. [E]. Après entretien avec son responsable, nous avons constaté que cette situation se reproduisait régulièrement (cahier de pointage). » Elle n'indique pas davantage la raison pour laquelle les incidents constatés lors de visite de contrôle n'ont pas donné lieu à la rédaction de rapports.



Le cahier de pointage produit par la société ISOR n'est pas, davantage, plus explicite. Il porte sur une période non visée dans la lettre de licenciement, soit décembre 2016, et pour le surplus, sur la période du 10 mars au 31 mars 2017. Le contrôle de la présence ou de l'absence du salarié sur le mois de février n'est donc pas possible. En ce qui concerne le mois de mars 2017, la seule absence identifiable du salarié sur cette période est celle du vendredi 31 mars 2017, alors que M. [E] a été placé en arrêt maladie dès le lundi 3 avril 2017.



En outre, alors que le bulletin de paie de décembre 2016 de M. [E] mentionne deux retenues de salaire pour absences injustifiées durant ce mois, le bulletin de paie de février 2017 ne mentionne aucune absence et celui de mars 2017 ne mentionne que l'absence du 31.



Les griefs allégués à l'encontre de M. [E] ne sont pas établis.



Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. [E] sans cause réelle et sérieuse.



Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.



Selon l'article L.1234-5 du même code, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [E] la somme de 1 359,56 euros correspondant à 2 mois de préavis, outre celle de 135,95 euros au titre des congés payés afférents, conformément aux textes rappelés ci-dessus.



Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.



En vertu de l'article R.1234-2 du même code dans sa version applicable au présent litige, cette indemnité ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.



M. [E] avait 25 ans et 8 mois d'ancienneté au moment de son licenciement, préavis inclus. Au vu de cette ancienneté et d'un salaire de référence de 679,78 euros, l'indemnité légale de licenciement lui revenant s'élève à la somme de 4 886,27 euros.



Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a alloué une somme moindre à M. [E].



En application de l'article L1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.



Compte tenu de l'ancienneté (25 ans et 8 mois), de l'âge (55 ans) et de la rémunération (679,78 euros) du salarié à la date de la rupture et compte-tenu également du fait que M. [E] justifie percevoir toujours des indemnités de chômage en septembre 2022 , le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société ISOR à verser à M. [E] la somme de 16 994,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



En application de l'article 1235-4 du code du travail, la société ISOR sera condamnée à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [E] entre le licenciement et le présent arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités.





Sur la demande en dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat



M. [E] fait valoir qu'il a été licencié pour faute grave par courrier 28 avril 2017 sans préavis ni indemnité mais que la Société ISOR a attendu le 8 juin 2017, soit plus d'un mois et demi pour lui remettre ses documents de fin de contrat et que ce retard lui a causé un préjudice financier puisqu'il n'a pas pu percevoir son solde de tout compte et n'a pas pu s'inscrire au Pôle emploi immédiatement après son licenciement.



Mais, M. [E] n'établit pas, autrement que par affirmations, avoir subi un préjudice financier du fait de la remise tardive des documents de fin de contrat par la société ISOR.



Il sera débouté par infirmation du jugement entrepris de sa demande en dommages et intérêts à cet titre.





Sur les intérêts



En vertu des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les sommes ci-dessus de nature salariale, produiront des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2018, date de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation valant mise en demeure et celles de nature indemnitaire, à compter du présent arrêt.





Sur la remise des documents sociaux de fin de contrat



Compte-tenu des éléments ci-dessus, la société ISOR sera condamnée à remettre à M. [E] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte, le risque d'une résistance de la société à l'exécution de cette condamnation n'étant pas avéré.





Sur les frais non compris dans les dépens



Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société ISOR sera condamnée à verser à M. [E] la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par l'intimé qui ne sont pas compris dans les dépens.





PAR CES MOTIFS





La Cour,



DÉCLARE irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande M. [E] en rappel de salaire sur les journées des 2 et 23 décembre 2016,



CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fait droit aux demandes de M. [E] en dommages et intérêts pour remise tardive de documents de fin de contrat de travail et en raison de l'annulation des avertissements des 2 juin 2015 et 9 novembre 2016, en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande en dommages et intérêts pour absence d'entretien professionnel, ainsi que sur le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés et congés payés afférents et les modalités de remise de documents sociaux,



Et statuant à nouveau des chefs infirmés,



DÉBOUTE M. [E] de ses demandes en dommages et intérêts pour remise tardive de documents de fin de contrat de travail et en raison de l'annulation des avertissements des 2 juin 2015 et 9 novembre 2016,



CONDAMNE la société Inter Services Organisation, dite ISOR, à verser à M. [E] les sommes suivantes :



° 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'entretien professionnel,

° 4 886,27 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,



DIT que les sommes de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2018 et celles de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,



CONDAMNE la société Inter Services Organisation, dite ISOR, à remettre à M. [E] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte,



Y ajoutant,



CONDAMNE la société Inter Services Organisation, dite ISOR, à rembourser à l'organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [E] entre le licenciement et le présent arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités,



CONDAMNE la société Inter Services Organisation, dite ISOR, à verser à M. [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE la société Inter Services Organisation, dite ISOR, aux dépens d'appel.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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